Annoncé depuis des mois, le décret instituant une durée d'équivalence de la durée légale du travail dans les établissements sociaux et médico-sociaux privés à but non lucratif est enfin paru. Il met fin, pour l'avenir, aux incertitudes sur la rémunération des heures en chambre de veille effectuées dans ces structures, notamment par les personnels éducatifs. En revanche, ce texte ne résout pas les multiples contentieux en cours sur la question.
Pour mémoire, tout commence en 1999 lorsque la Cour de cassation, dans un arrêt du 29 juin (1), invalide les régimes d'équivalence mis en place par les conventions collectives nationales du 15 mars 1966 et du 31 octobre 1951 (assimilation des neuf premières heures de permanence à trois heures de travail effectif). Motif invoqué : seul un accord étendu peut instituer un tel dispositif, ce qui n'est pas le cas de ces conventions collectives qui sont agréées. De fait, selon les juges suprêmes, les heures en chambre de veille constituent du temps de travail effectif et doivent donc être rémunérées comme tel.
Depuis la loi Aubry II du 19 janvier 2000, un régime d'équivalence ne peut être institué que par décret : soit par décret simple pris après conclusion d'une convention ou d'un accord de branche, soit par décret pris en Conseil d'Etat (2). Les négociations des partenaires sociaux sur le sujet ayant échoué en juin 2000, c'est donc un décret en Conseil d'Etat, attendu avec impatience par le secteur (3), qui réglemente, depuis le 5 janvier 2002, les équivalences dans le secteur associatif sanitaire et social non lucratif.
L'équivalence retenue est identique à celle que prévoyaient les dispositions conventionnelles invalidées. Ainsi, pour le calcul de la durée légale du travail, chacune des périodes de surveillance nocturne en chambre de veille est décomptée comme :
trois heures de travail effectif pour les neuf première heures ;
et une demi-heure de travail effectif pour chaque heure effectuée au-delà.
La période de présence en chambre de veille s'étend du coucher au lever des personnes accueillies tels qu'ils sont fixés par les tableaux de services, sans que sa durée puisse excéder 12 heures.
Peuvent recourir à ce régime d'équivalence les établissements gérés par des personnes privées à but non lucratif comportant un hébergement qui sont visés aux 1°, 2°, 4°, 5° et 8° de l'article L. 312-1 du code de l'action sociale et des familles (4). Il s'agit donc :
des établissements recevant habituellement des mineurs relevant de l'aide sociale à l'enfance (maisons d'enfants à caractère social, centres de placements familiaux, établissements maternels) ;
des établissements médico-éducatifs qui reçoivent en internat, en externat ou en cure ambulatoire des jeunes handicapés ou inadaptés ;
des établissements de protection judiciaire de la jeunesse ;
des établissements qui assurent l'hébergement des personnes âgées et des adultes handicapés ;
des structures et services comportant ou non un hébergement assurant, avec le concours de travailleurs sociaux et d'équipes pluridisciplinaires, l'accueil, notamment dans les situations d'urgence, le soutien ou l'accompagnement social, l'adaptation à la vie active et l'insertion sociale et professionnelle des personnes ou familles en détresse.
Ce régime d'équivalence est applicable aux emplois à temps plein de personnels éducatifs, d'infirmiers ou d'aides- soignants ou de personnels de même niveau de qualification appelés à les remplacer dont les titulaires assurent en chambre de veille au sein de l'établissement la responsabilité d'une surveillance nocturne.
S'il tend à régler la situation de la rémunération des heures de permanence nocturne pour le futur, le décret n'a, en revanche, aucun effet sur les contentieux engagés par des salariés, au lendemain de l'arrêt du 29 juin 1999, pour obtenir des rappels de salaires. Certains ont d'ores et déjà eu définitivement gain de cause. Mais d'autres affaires sont toujours en cours devant les tribunaux.
La loi du 19 janvier 2000 a pourtant bien essayé de limiter les conséquences financières de l'arrêt en validant, pour le passé, les rémunérations des heures en chambre de veille, sous réserve des décisions de justice devenues définitives. Mais la Cour de cassation, après quelques décisions divergentes de cours d'appel (5), a fini par écarter l'application de cette disposition pour les litiges faisant l'objet d'une procédure judiciaire au 1erfévrier 2000 (6).
Répondant à une question écrite d'une députée (7), la ministre de l'Emploi et de la Solidarité indique que « dès que les décisions de justice définitives seront intervenues, le gouvernement étudiera quels sont les compléments de dotations ponctuels et ciblés qui se révèlent être nécessaires » pour aider, comme il s'y était engagé (8), les collectivités locales et les associations gestionnaires mises en difficulté par cette jurisprudence.
(1) Voir ASH n° 2127 du 9-07-99.
(2) Voir ASH n° 2157 du 10-03-00.
(3) Pour les premières réactions, voir ce numéro.
(4) A noter que la loi du 2 janvier 2002 rénovant l'action sociale et médico-sociale a complètement réécrit l'article L. 312-1 du code de l'action sociale et des familles, bouleversant cette numérotation (voir ce numéro). Pourtant, bien que paru au Journal officiel le même jour que cette loi, le décret vise l'ancienne version de cet article. Explication fournie par la direction générale de l'action sociale : signé le 31 décembre 2001, le décret ne pouvait pas se référer à une loi datée du 2 janvier suivant. Par correspondance, dans la nouvelle codification de l'article L. 312-1, les établissements pouvant recourir à un régime d'équivalence sont ceux visés aux 1°, 2°, 4°, 6°, 7° et 8°.
(5) En dernier lieu, voir ASH n° 2203 du 23-02-01.
(6) Voir ASH n° 2213 du 4-05-01.
(7) Rép. min. Panafieu n° 37800, J.O.A.N. (Q.) n° 51 du 17-12-01.
(8) Voir ASH n° 2187 du 3-11-00.