D'abord pour répondre à une saisine du Premier ministre, formulée en mai dernier et inspirée d'une question de Michèle Demessine, alors secrétaire d'Etat au tourisme. Ensuite parce que le sujet nous intéressait et venait compléter le rapport d'Hubert Brin sur l'insertion économique et sociale des jeunes adultes (2). Personnellement, je me suis toujours occu- pée de mouvements de jeunes et d'accès aux vacances et à l'activité sportive (dans le scoutisme, à l'UCPA, etc.). J'ai même débuté aux Guides de France dans le quartier populaire parisien de Plaisance, à une époque où la scolarité n'était obligatoire que jusqu'à 14 ans et où beaucoup de jeunes filles travaillaient dès cet âge. La question m'est donc très sensible.
Nous avons d'abord constaté que la catégorie des 18-25 ans n'est pas facile à repérer dans les statistiques et que la définition des vacances diffère d'une étude à l'autre, ce qui ne rend pas très facile l'établissement d'un état des lieux. Néanmoins, tous les travaux convergent pour estimer que quatre jeunes sur dix ne partent pas en vacances et que ce taux ne varie pas depuis dix ans. Les 18-25 ans partent moins que l'ensemble de la population et notamment que les tranches d'âge qui précèdent et suivent immédiatement. Pourtant, il s'agit d'une population qui n'a pas encore, ou peu, de charges de famille ni de problèmes de santé. En outre, ce sont les mêmes qui ne partent pas en vacances et s'absentent peu pour des courts séjours. Les vacances restent le miroir des inégalités. Il importe donc d'ouvrir à tous le temps des vacances, qui peut constituer une étape décisive de l'affirmation de soi et de la construction de la personne. La loi de lutte contre les exclusions de 1998 ne consacre-t-elle pas « l'égal accès de tous, tout au long de la vie, à la culture, à la pratique sportive, aux vacances et aux loisirs » comme un objectif national et comme garant de « l'exercice effectif de la citoyenneté » ? On est loin du seul droit aux « congés payés » !
Les problèmes financiers sont évidemment la première difficulté évoquée (dans un cas sur deux), mais ce n'est pas la seule. Beaucoup de jeunes manquent aussi de temps, avec les stages, les “jobs” pour payer les études, la nécessité de rester disponible en cas de recherche d'emploi, etc. L'offre est également mal adaptée à leur désir d'autonomie. Enfin, ils rencontrent des problèmes d'ostracisme sur certains lieux de vacances. A cet égard, nous voudrions que les médias ou la rumeur ne grossissent pas des incidents qui, rapportés au nombre de jeunes, restent mineurs.
Il n'y a pas de réponse unique, bien sûr. Nos propositions touchent aussi bien à l'adaptation des dispositifs existants comme l'épargne- vacances ou le chèque-vacances qu'à l'aménagement des politiques de transport ou à l'amélioration des systèmes d'information. Dans ce domaine, certaines mesures ne coûteraient pas un sou si les institutions apprenaient à travailler en synergie. Ce qui importe au total, c'est de ne pas aggraver ou créer des conflits intergénérationnels. Et de savoir accompagner les projets des jeunes eux-mêmes. Il ne faut pas que les collectivités ou les intervenants se montrent « pédagomaniaques » !Trop de travailleurs sociaux ou d'animateurs socioculturels utilisent encore des méthodes peu supportables pour de jeunes adultes. Ainsi, ce n'est pas à la société de hiérarchiser entre les différents usages des vacances. Il faut que les jeunes puissent choisir et que l'accès aux vacances soit porteur d'autonomie (3). Nos propositions se veulent concrètes et opérationnelles. Mais nous savons bien aussi qu'elles ne sont pas indépendantes des mesures plus globales à adopter pour résoudre les problèmes d'insertion et d'autonomie des jeunes, d'inégalités entre les citoyens et d'exclusion. Propos recueillis par Marie-Jo Maerel
(1) Voir ce numéro.
(2) Voir ASH n° 2208 du 30-03-01.
(3) Voir ASH n° 2214 du 11-05-01.