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« L'absence de droit tue le droit. Et détruit le travail… »

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J ean-Yves Baillon, secrétaire général de l'Union fédérale de l'action sociale CGT, réagit vivement aux propos de Philippe Calmette, directeur général du Snapei et président de l'Unifed, sur les contraintes imposées par le droit du travail aux associations (1). S'élevant contre la vision purement gestionnaire de certains « patrons » et réaffirmant le caractère non lucratif du secteur social et médico-social.

« De tout temps, l'homme a mis en place des règles. Le XXe siècle, fort des luttes ouvrières importantes des deux siècles précédents, a édicté des “lois du travail”. Le point nouveau c'est que les patrons ne décident plus seuls. Il en naîtra les conseils de prud'hommes, le code du travail et les conventions collectives nationales. Ces lois sur le travail sont là pour garantir le cadre, les conditions de travail, et les rapports entre les parties. Comment un important responsable du secteur social et médico-social peut-il ignorer le lien évident entre conditions de travail et qualité du travail, c'est-à-dire la qualité de la prestation servie aux usagers ? Est-il utile de préciser ici, que la mission de service public de qualité qui nous est dévolue, devient une obligation à partir de l'instant où nous l'acceptons ?

Vraisemblablement l'auteur de cet article ne regarde qu'en termes de gestionnaire, car chacun sait depuis longtemps que le secteur va mal. La dégradation des conditions de travail, dénoncée par les organisations syndicales, ne date pas des 35 heures, ni de la loi de modernisation sociale ; il y aurait de l'escroquerie à le laisser entendre ! Les budgets insuffisants, les déqualifications, les non- remplacements et bien sûr le non-respect des conventions et accords collectifs agréés ont, depuis longtemps, fragilisé l'action sociale et médico- sociale. Les motifs invoqués par les directions d'associations quant à leur impossibilité de répondre aux demandes des salariés et aux besoins des usagers restent immuables :financements limités, tutelles en opposition... quant aux décisions d'actions à mener de concert, aucune ;cela laisse rêveur quant à la volonté des syndicats d'employeurs de défendre le secteur.

II est temps de lever une ambiguïté, je devrais plutôt parler d'une usurpation. Aujourd'hui il est question de “patron” de l'action sociale, de “patron” d'associations, de conflit entre les différents “groupes” d'associations, de “groupes” de pression pour prendre la tête de la branche, pas même définie, de notre secteur (2).

Le système économique dans lequel nous vivons pose ce terme de “patron” dans le cadre d'un engagement surtout financier, d'une responsabilité de l'outil de réalisation du travail. Cette définition, large, permet de poser une question : quelle est la place des responsables, associatifs pour la plupart, du secteur social à but non lucratif ? Pour ma part ils ne rentrent pas dans cette définition de “patron”.

Je crois, plus simplement, qu'il faut les définir comme des faisants fonction d'employeurs. Certes ils peuvent embaucher et licencier, mais avec de l'argent qui provient du “pacte social” conclu par le monde du travail, de la part socialisée des salaires dédiée à la protection sociale et distribuée par les pouvoirs publics (Etat et départements).

Le secteur est et reste à but non lucratif. Cette notion, maintes fois rappelée par notre organisation doit être réaffirmée. L'Etat restant garant de la meilleure qualité à apporter aux usagers.

Le détonateur des 35 heures

Lorsque nous avons constaté, syndicats d'employeurs et syndicats de salariés, dès 1998 l'impossibilité de mettre en place les 35 heures dans les conditions d'application prévues par la loi, la seule issue, proposée par certains syndicats de salariés, était une rencontre immédiate avec la ministre pour parler des réalités. La position des représentants des syndicats d'employeurs, refusant cette proposition fut d'attaquer les statuts des salariés ;blocage de la valeur du point, suppression de la majoration familiale, blocage de la carrière..., en quelques mots ils ont choisi de précariser les salariés. Opération rentable à terme : ils rejettent la responsabilité sur un ministère incapable de prendre en compte notre spécificité, mais gardent les avantages, les établissements percevant eux, l'augmentation de la valeur du point, la majoration familiale... et les prérogatives des deux lois. Mais ils ne prendront pas la responsabilité des risques encourus sur le terrain.

En toute objectivité, la responsabilité du ministère est bien entendu patente ! Le glissement du sens et/ou de sens du corps de ce secteur lui revient ; il n'a pas vu ou pas voulu voir les dérives dans la gestion et l'éloignement progressif des associations s'occupant de l'enfance inadaptée.

Quelques questions deviennent urgentes : quel droit de regard le ministère pose-t-il sur l'utilisation des fonds octroyés ? Quel droit de récupération des valorisations financières des budgets (placements, comptes rémunérés, voire immobiliers...)  ?

A titre d'exemple, une Adapei de la région Provence-Alpes-Côte-d'Azur détient 113 millions de francs, avec un rapport annuel de cinq millions de francs. Une autre association parle d'un fonds de roulement de plus de 20 millions de francs. Une troisième crée une SCI et achète des murs... avec des fonds publics. Nos interpellations envers le ministère sont restées lettre morte, au motif incongru du caractère privé de la gestion de ces comptes (sic). Aujourd'hui ces questions restent sans réponse. Cela participe sans doute à produire de l'illusion, l'illusion d'être un “patron”. L'énormité des propos tenus sur les 35 heures atteint son paroxysme lorsqu'une association des Bouches-du-Rhône parle d'un gain de plusieurs millions de francs au terme de l'application des cinq années d'aides Aubry, devient de l'indécence.

La seule proposition de l'auteur, responsable du Syndicat national des associations de parents et amis de personnes handicapées mentales gestionnaires d'établissements et de services spécialisés (Snapei) et de l'Union des fédérations et syndicats nationaux d'employeurs sans but lucratif du secteur sanitaire, médico-social et social (Unifed), sont des dérogations à la loi, des aménagements du texte alors que seules les lois éviteront de précariser les salariés de nos structures, et permettront de répondre aux personnes dont nous avons la responsabilité. Hors cela, le secteur ira dans le mur ou vers le lucratif.

Il est dommage que l'Unifed n'ait d'entente en son sein que sur le dérogatoire alors que tant de sujets d'avenir sont ignorés, traités à la légère, tels le travail de nuit, les centres d'hébergement et de réinsertion sociale, le vieillissement des personnes handicapées mentales...

Aujourd'hui l'Unifed n'est que le pâle reflet d'une chambre patronale, alors que l'action sociale et médico-sociale a besoin d'un lieu fort de négociation, tant pour ses usagers que pour ses salariés, en présence du ministère. La mission de service public est à ce prix. La gestion de type Medef est inconcevable, inacceptable et totalement déplacée.

M. Calmette ne jouons pas à “la grenouille qui voulait se faire aussi grosse que le bœuf ”.  »

Jean-Yves Baillon Secrétaire général de l'Union fédérale de l'action sociale CGT :case 538 - 93515 Montreuil cedex - Tél.01 48 18 20 89.

Notes

(1)  Voir ASH n° 2233 du 19-10-01.

(2)  Voir ASH n° 2231 du 5-10-01, à propos de Unifed/Usgeres et la mutualité.

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