Recevoir la newsletter

RETRAITES : LE COR FORMULE DES ORIENTATIONS

Article réservé aux abonnés

Le premier rapport du Conseil d'orientation des retraites (COR) dresse un état des lieux de la retraite de base en France et formule des propositions visant à pérenniser notre système par répartition.

Rapport du Conseil d'orientation des retraites de décembre 2001

Prenant acte que les retraites par répartition du régime de base « représentent pour les Français un enjeu essentiel » et que leur avenir est à moyen terme menacé, le gouvernement a souhaité, dès mars 2000, apporter des solutions pour assurer la pérennité des régimes de retraite (1). Il a mis en place un Conseil d'orientation des retraites  (COR), organisme indépendant et pluraliste réunissant partenaires sociaux et experts, sous la présidence de Yannick Moreau, conseillère d'Etat.

Le COR est effectivement installé depuis le 29 mai 2000. Sa mission est double : établir un état des lieux sur les retraites de base en clarifiant les termes d'un débat et formuler des propositions pour une réforme des retraites. Laquelle demeure du ressort du pouvoir politique.

C'est dans ce cadre que cette instance a rendu, le 6 décembre, au Premier ministre, Lionel Jospin, son premier rapport intitulé Retraites : renouveler le contrat social entre les générations   (2). Si elle a eu du mal à dégager un consensus, elle parvient à établir un diagnostic sur la situation des régimes de retraite à l'horizon 2040. Et elle identifie les choix politiques nécessaires selon elle à une éventuelle réforme.

I - L'ÉTAT DES LIEUX

A l'appui de l'étude de deux organismes d'études économiques, le COR dresse un bilan de la retraite en 2020 et 2040 et établit un ordre de grandeur des besoins de financement des régimes.

A - Les données des études

La première hypothèse est démographique. Il s'agit de l'allongement de l'espérance de vie pour une durée de 5 ans et demi entre 2000 et 2040. A cette date, la pension de retraite devrait être versée à un homme pendant 26 ans (contre 20 ans en 2000) et pendant 31 ans à une femme (au lieu 25 ans). Soit, un doublement du nombre de retraités : 83 retraités pour 100 actifs en 2040 contre 44 retraités pour 100 actifs en 2000.

S'agissant de la situation économique, le conseil retient l'hypothèse, assez optimiste, d'un taux de chômage de 4,5 % à partir de 2010 et d'une augmentation annuelle de la productivité de 1,6 %.

A réglementation inchangée, conclut le COR, le niveau des pensions diminuera. Ainsi, la différence entre le montant de la pension et le revenu - ratio pension moyenne nette/revenu moyen du travail net - baissera à 0,70 % en 2020 puis 0,64 % en 2040 (contre 0,78 %actuellement).

B - Les besoins de financement

Sur la base de ces données, le conseil établit un ordre de grandeur des besoins de financement de la retraite, approuvés de façon consensuelle en son sein.

Ainsi, avec un taux de chômage de 4,5 %, les besoins de financement s'élèveraient à 2 points du produit intérieur brut  (PIB) en 2020 et 4 points en 2040 (pour 2000, le besoin de financement est excédentaire : - 0,2 point). Si le taux de chômage était de 7 % en 2020, et maintenu par la suite, le besoin de financement serait accru de 0,5 point de PIB en 2010 et de 0,7 point en 2040. Si ce taux n'était que de 3 % en 2015 puis maintenu ensuite, le besoin de financement serait diminué de 0,4 point en 2020 et 2040.

Le conseil d'orientation note que le fonds de réserve des retraites (3), devrait permettre de combler entre 2020 et 2040 la moitié du besoin de financement du régime général et des régimes dits alignés (régimes des artisans, des salariés agricoles...).

La composition du COR

Le conseil est composé de 32 membres :

 16 représentants des partenaires sociaux,

 3 députés et 3 sénateurs,

 4 représentants de l'Etat,

 le président de l'Union nationale des associations familiales,

 le vice-président du Comité national des retraités et des personnes âgées,

 4 personnalités choisies en fonction de leur compétence et de leur expérience.

II - LES TERMES DU DÉBAT

Le conseil réaffirme les priorités devant guider toutes propositions de réforme des retraites.

A - Les priorités pour l'avenir

Toute démarche de réforme, insiste le conseil, doit s'appuyer sur trois principes clairs.

1 - UN CONTRAT RENOUVELÉ ENTRE LES GÉNÉRATIONS

Par contrat renouvelé entre les générations, le conseil vise :

 le choix d'un système par répartition (le cas échéant complété par des ressources tirées de la capitalisation)  ;

 un système liant retraite et travail (pour que le niveau de vie garanti aux retraités demeure proche de celui qu'ils avaient en activité)  ;

 le droit au travail pour tous, y compris les retraités.

Ce contrat doit, de plus, être adapté pour tenir compte des nécessités et des aspirations plus récentes des assurés, à savoir :

 l'égalité de traitement entre eux et les régimes (notamment entre ceux du privé et ceux du public)  ;

 leurs marges de choix individuels (retraite à la carte, possibilité de rachat de cotisations)  ;

 leur droit à une information sur leur retraite.

Le conseil insiste aussi sur le fait que, préalablement à toute réforme, il convient de vérifier la solidité financière du régime.

2 - UN OBJECTIF SUR LE NIVEAU DES PENSIONS

Autre nécessité : que les assurés aient une idée claire de leur future retraite, autrement dit, plus de « visibilité ». Le rapport propose ainsi de fixer des objectifs sur le niveau de la première pension (au moment du passage de l'activité à la retraite), ainsi que sur son évolution tout au long de la retraite (à savoir déterminer les règles d'indexation).

3 - UNE POLITIQUE DE L'EMPLOI POUR LES SALARIÉS DE PLUS DE 50 ANS

Actuellement, la tendance est d'écarter les salariés de plus de 50 ans du marché du travail. Pour l'inverser, le rapport insiste sur « l'élaboration d'une politique volontariste de l'emploi, du travail et de la formation, englobant tant le secteur privé que le secteur public [qui] doit être reconnue comme une priorité par l'Etat et les partenaires sociaux ». Le COR demande à ce sujet « la réunion d'une conférence tripartite (Etat, organisations syndicales d'employeurs et de salariés)  ». Proposition jugée très « pertinente » par le Premier ministre.

Il s'agit d'influer sur le comportement de l'ensemble de la société et, en particulier, des entreprises, des administrations et des salariés. Notamment en limitant le recours des entreprises aux mécanismes de préretraite, du moins lorsqu'ils sont utilisés comme mode permanent de gestion des ressources humaines. Mais aussi en donnant tous moyens aux salariés de plus de 50 ans pour améliorer leur capacité d'adaptation à l'emploi (formation professionnelle, valorisation des acquis de l'expérience, organisation et conditions du travail). Ou encore en adaptant la législation pour permettre aux salariés concernés de poursuivre une activité une fois à la retraite.

Malgré les revalorisations, le pouvoir d'achat net des retraités a diminué

En 2000, on estime à 12,1 millions le nombre de retraités (4) , 600 000 d'entre eux percevant uniquement une pension de réversion. Et le montant total des prestations des risques vieillesse-survie s'est élevé à 177 milliards d'euros (1 159 milliards de francs), soit 12,6 % du produit intérieur brut, selon la dernière étude de la direction de la recherche des études, de l'évaluation et des statistiques (5).

Dans le secteur privé, le régime général a versé aux anciens salariés 9 millions de pensions de droit direct, et l'ARCCO et l'AGIRC, respectivement 8,8 millions et 1,3 million ;1,3 million de retraites de droit direct ont été servies aux anciens fonctionnaires de l'Etat et 450 000 à leurs collègues hospitaliers et territoriaux ;2 millions de pensions ont été attribuées par la mutualité sociale agricole aux anciens agriculteurs et 1,2 million aux artisans et commerçants retraités ; enfin, la SNCF a versé 200 000 pensions de droit direct et la RATP 30 000.

Au 1er  janvier 2000, le taux de revalorisation des pensions du régime général, en fonction de l'inflation passée et anticipée, a été de 0,5 %. Selon les mêmes règles, il a été réévalué de 2,2 % au 1er janvier 2001 et devrait l'être de 2,2 % au 1er janvier 2002. Le point ARRCO a été augmenté de 0,8 % en avril 2000, puis de 1,9 % en avril 2001. Quant au point AGIRC, il n'a pas été revalorisé en 2000, mais l'a été de 2,3 % en avril 2001.

Néanmoins, si l'on s'en tient à la seule année 2000, l'inflation ayant été plus élevée que prévue, le barème du régime général a connu une diminution de 1,2 %, en euros constants, la plus sensible des dix dernières années. Si, entre 1995 et 2000, son pouvoir d'achat brut a pu être maintenu, il a diminué, en net, à la même période, de 0,6 % en moyenne annuelle, compte tenu de l'évolution des prélèvements sociaux. Entre 1995 et 2000, cette érosion a été de 0,8 % en moyenne par an (anciens cadres du privé) à 0,2 % (commerçants retraités). Quant aux fonctionnaires retraités, leur pouvoir d'achat net a diminué de 0,5 % en moyenne sur ces cinq années.

B - Les propositions de réforme

Ces principes acquis, toute réforme du régime de retraite passe par un certain nombre de choix politiques et notamment financiers clairement identifiés par le COR.

1 - LES CHOIX POLITIQUES

a - Les choix financiers

Pour couvrir le financement des retraites, le conseil a exploré plusieurs pistes possibles.

Outre l'augmentation du taux d'activité par une amélioration du marché de l'emploi, le rapport envisage des redéploiements de financements. Sont ainsi visés les excédents du régime d'assurance chômage si ce dernier vient à baisser, ou ceux de la branche famille (le nombre d'enfants devant diminuer).

Autre voie possible : l'élargissement de l'assiette des prélèvements affectés à la retraite. Dans ce cadre, seraient pris en compte les prélèvements sur l'ensemble de la richesse produite dans l'entreprise (et pas simplement la masse salariale) ainsi que le déplafonnement de la cotisation patronale d'assurance vieillesse. Seraient aussi affectés à la retraite certains éléments soumis à la contribution sociale généralisée, mais totalement ou partiellement exonérés de cotisations d'assurance vieillesse (notamment les revenus d'épargne salariale, les indemnités de licenciement ou de mise à la retraite...).

Enfin, le rapport envisage l'allongement de la durée de cotisation, par la mise en œuvre de mesures incitatives (majorations des droits pour les personnes qui prolongent leur activité au-delà de la durée légale) ou par l'instauration de mesures plus contraignantes (augmentation de la durée de cotisation requise pour obtenir la retraite à taux plein).

b - L'égalité entre les assurés

L'égalité de traitement entre les assurés soulève des questions diverses comme la prise en compte de la pénibilité du travail, des carrières longues des assurés entrés de façon précoce sur le marché du travail (faut-il accorder la retraite à taux plein avant 60 ans pour les salariés totalisant 40 ans de cotisations ?), ou encore l'égalité entre les régimes. Cette dernière question a entraîné un point de désaccord. Les membres du conseil ne sont, en effet, pas unanimes sur le sens de l'alignement des

 régimes : faut-il aligner la durée de cotisations dans le secteur privé (40 ans) sur celle du public (37,5 ans) ou bien l'inverse ?

2 - LES AUTRES RECOMMANDATIONS

Pour le COR, il est nécessaire d'ouvrir les marges de manœuvre individuelles des assurés et de leur donner un droit effectif à l'information.

a - Des choix plus larges pour les assurés

S'accordant sur le fait que la retraite « à la carte » ne résoudra pas tous les problèmes, le conseil reconnaît néanmoins qu'elle répond à une aspiration actuelle des assurés à davantage de liberté.

Pour être réelle, cette possibilité doit s'accompagner de garanties. Notamment, il convient de modifier la législation qui permet à un employeur de mettre à la retraite - malgré son désaccord - un salarié de 60 ans pouvant bénéficier de la retraite à taux plein.

De plus, il pourrait être envisagé de faciliter le rachat d'années de cotisations, notamment celles pendant lesquelles des études ont été poursuivies.

Enfin, le COR propose d'assouplir des conditions de transition entre l'activité et la retraite.

b - Un choix effectif à l'information

Au-delà d'un objectif général d'information relevant des pouvoirs publics ou des partenaires sociaux, un objectif plus individuel pour améliorer la connaissance des assurés sur leurs propres droits à la retraite devrait être mis en œuvre. Dans ce cadre, il conviendrait de développer des services de proximité, notamment pour répondre aux interrogations des pluriactifs ou des publics en difficulté (chômeurs indemnisés, veufs et veuves...).

Catherine Sebbah

Notes

(1)  Discours de Lionel Jospin du 21 mars 2000 relatif aux orientations du gouvernement pour assurer l'avenir des retraites.

(2)  Disponible sur le site de La Documentation française : www.ladocfrançaise. gouv. fr.

(3)  Le fonds de réserve des retraites a été créé par la loi de financement de la sécurité sociale pour 1999. Il a pour but de lisser entre 2020 et 2040 les efforts de financement des régimes de retraite du régime général et des régimes « alignés ».

(4)  Le nombre des pensions est plus élevé que celui des retraités, beaucoup d'entre eux en percevant de plusieurs régimes.

(5)  DREES - Ministère de l'Emploi et de la Solidarité - Etudes et résultats n° 147, décembre 2001.

LES POLITIQUES SOCIALES

S'abonner
Div qui contient le message d'alerte
Se connecter

Identifiez-vous

Champ obligatoire Mot de passe obligatoire
Mot de passe oublié

Vous êtes abonné, mais vous n'avez pas vos identifiants pour le site ?

Contactez le service client 01.40.05.23.15

par mail

Recruteurs

Rendez-vous sur votre espace recruteur.

Espace recruteur