Vouloir soustraire son enfant aux pratiques de l'excision peut justifier l'octroi du statut de réfugié. C'est en tout cas le sens de deux décisions rendues le 7 décembre par la commission de recours des réfugiés (CRR), instance d'appel de l'Office français de protection des réfugiés et des apatrides (OFPRA). Des décisions, souligne la commission dans un communiqué, qui « confirment et précisent une jurisprudence » établie depuis 1991 et « dont les principes ont été validés par le Conseil d'Etat ».
L'excision subie par une femme contre sa volonté peut ainsi constituer une persécution au sens de la convention de Genève et ouvrir droit au statut de réfugié si la personne qui est exposée à ce risque ne trouve aucune protection de la part des autorités publiques de son pays, qui tolèrent ainsi volontairement ces pratiques traditionnelles.
Dans la première affaire, il s'agissait de deux parents maliens dont le refus de soumettre leur fille à la coutume avait provoqué la colère de la communauté. Et qui se trouvaient, par conséquent, « exposés tant à des violences dirigées contre leurs personnes qu'au risque que leur enfant soit excisée contre leur volonté ». La CRR les a ainsi considérés comme un groupe social opprimé protégé par la convention de Genève, au même titre par exemple que les homosexuels de plusieurs pays.
La seconde décision concernait une Somalienne dont la première fille était décédée à la suite d'une excision avec infibulation, pratiquée à son insu. Elle avait quitté son pays avec sa seconde fille, pour épargner à cette dernière d'avoir à subir, à son tour, cette pratique. Là encore, la commission a pointé les risques pour la requérante, et plus généralement pour toutes les femmes somaliennes placées dans la même situation, d'être « exposées tant à la mutilation forcée de leurs filles qu'à des persécutions pratiquées avec l'assentiment général de la population et de l'ensemble des factions qui se partagent le pays ».
Notons que, dans une troisième affaire, l'instance d'appel a refusé de reconnaître la qualité de réfugié à une ressortissante guinéenne qui affirmait avoir été excisée contre son gré. « Sa situation de femme excisée ne permet pas à elle seule, à supposer même qu'elle ait été soumise à cette pratique contre son gré », de la regarder « comme pouvant craindre avec raison d'être persécutée », a estimé la commission.