Un an après la grogne des avocats qui étaient descendus dans la rue, environ la moitié des 180 barreaux français, selon la Conférence nationale des bâtonniers, ont observé, le 11 décembre, une journée « palais mort » pour protester contre l'avant-projet de loi de réforme de l'aide juridictionnelle proposé par la chancellerie. Et la plupart des autres barreaux ont mené une grève partielle ou multiplié les actions (sit-in, conférences de presse...). « C'est un texte rédigé dans l'urgence, sans ossature », analyse Stéphane Bortoluzzi, juriste permanent au Conseil national des barreaux. « Il est bâclé, incomplet, insuffisant », renchérit Jean-Louis Borie, membre du bureau de la Conférence nationale des bâtonniers.
A la suite du mouvement de grève des avocats déclenché en octobre 2000, un protocole d'accord avait été signé le 18 décembre 2000 (1). Il comportait certaines avancées et le gouvernement s'était engagé à présenter un projet de loi avant le 15 septembre 2001 à partir des travaux de la commission Bouchet (2). L'avant-projet de loi, communiqué finalement le 30 novembre par la chancellerie, contient certes des points positifs, fixe le principe de la rémunération des avocats, mais ne dit rien des paramètres permettant de la déterminer, renvoyant à un projet de décret.
Aussi, insatisfaite, la Conférence nationale des bâtonniers a-t-elle appelé à cette mobilisation du 11 décembre, rejointe par le Conseil national des barreaux. « Le texte est en deçà des orientations du rapport Bouchet et ne répond pas à nos attentes », indique-t-il, déplorant notamment que la création de consultations juridiques préalables et rémunérées permettant d'éclairer l'éventuel bénéficiaire de l'aide juridictionnelle sur la pertinence de l'action envisagée ou le système de prêt à taux zéro pour les personnes situées juste au-dessus des seuils ne soient pas retenus. Jugeant par ailleurs « inacceptable » la suppression des bureaux d'aide juridictionnelle... Et surtout il exige que le projet de décret de mise en œuvre de la loi « qui permettra seul d'apprécier la volonté du gouvernement d'organiser un véritable accès au droit et à la justice » lui soit communiqué sans délai pour être discuté lors des négociations qui doivent s'ouvrir ce vendredi 14 décembre à la chancellerie. « Il est indispensable d'avoir ce projet de décret ainsi qu'un calendrier précis de discussion au Parlement », insiste-t-on à la Conférence des bâtonniers.
C'est également la « précipitation » du gouvernement qui inquiète la commission Justice de la Fédération nationale des associations d'accueil et de réinsertion sociale, reçue avec le réseau Alerte, le 5 décembre, à la chancellerie dans le cadre de la réforme de l'accès au droit et à la justice. Elle prend note de certaines avancées : l'instauration d'une aide juridictionnelle rénovée fixée à 120 % du SMIC net, le relèvement des seuils et la modification des modes de calcul des ressources des bénéficiaires, l'obligation d'instituer des conseils départementaux d'accès aux droits (aujourd'hui facultatifs) dans chaque département, la création d'un Conseil national de l'accès au droit, placé auprès du Premier ministre, réunissant les représentants des ministères, des professionnels du champ juridique et des associations. Mais elle craint que la volonté d'aller vite n'entraîne une mise en œuvre incohérente sans prise en compte des dispositifs ou des coordinations déjà existantes.
(1) Voir ASH n° 2194 du 22-12-00.
(2) Voir ASH n° 2215 du 18-05-01.