Que représente le dispositif d'urgence sociale ? Difficile, au vu des études partielles, de se faire une idée d'ensemble. Désormais, on dispose de chiffres nationaux avec la première enquête menée par la direction générale de l'action sociale (DGAS) auprès des DDASS sur le dispositif d'urgence généraliste pour la période 2000-2001. Ses premiers résultats (1) ont été dévoilés par Sylviane Léger, directrice générale de l'action sociale, le 4 décembre, lors du Forum des acteurs de l'urgence sociale (2).
Le parc d'hébergement totalise ainsi 57 900 places dont 34 400 en CHRS et 14 600 en accueil d'urgence. 73 SAMU sociaux ou équipes mobiles existent pour 50 départements (qui ont de un à six dispositifs). On compte 250 accueils de jour disposant de personnels salariés (87 départements). 61 centres ou services d'accueil et d'orientation individualisés existent (40 départements). Par ailleurs, dans 61 départements, le 115 fonctionne avec des personnels dédiés à l'écoute téléphonique.
En termes de professionnels, les SAMU sociaux et équipes mobiles (sur 98 départements) totalisent 260 équivalents temps plein, les accueils de jour : 700, les services d'écoute du 115 : 200 et les services ou centres d'accueil et d'orientation : 170.
Des chiffres qui, selon la DGAS, augmentent chaque année, l'offre ayant été multipliée par trois depuis dix ans. Mais, surtout, insiste-t-elle, le dispositif d'urgence s'est structuré et s'est fortement professionnalisé.
Il est vrai que, malgré la reprise, les demandes ne connaissent pas de diminution sensible. A côté des 5 millions de personnes vivant des minima sociaux, on estime à 200 000 ou 300 000 les personnes sans domicile qui forment « les exclus ». « Et leur nombre est vraisemblablement en augmentation », souligne Jean-Paul Péneau, directeur général de la Fédération nationale des associations d'accueil et de réinsertion sociale (FNARS). Constat corroboré par la Fondation Abbé-Pierre qui, fêtant les dix ans des boutiques solidarité, témoigne de l'accroissement des populations accueillies. Surtout, les publics qui s'adressent à l'urgence ne sont plus les mêmes avec l'arrivée des jeunes de moins de 25 ans, des femmes avec ou sans enfants, des familles expulsées de leur logement, des étrangers en situation irrégulière ou demandeurs d'asile qui constituent, depuis deux ou trois ans, une des populations majoritaires... Et un nouveau type d'exclu pourrait bien apparaître avec « la personne vieillissante à la rue ».
Alors comment faire face ? L'Union nationale des centres communaux d'action sociale (Unccas) et la FNARS insistent sur la nécessité d'une coopération entre les acteurs de l'urgence. Dans cette perspective, elles ont signé, le 5 décembre, à l'issue de leur forum, une « déclaration commune ». Elles y proclament leur devoir d'accueil de toutes les personnes et familles en détresse, leur volonté d'être plus attentives aux publics les plus vulnérables et de rechercher des solutions durables. Elles s'engagent à développer une coopération de leurs deux réseaux avec une charte nationale de qualité. Enfin, elles interpellent les pouvoirs publics sur les moyens juridiques et budgétaires du droit d'accueil, la mise en œuvre de plans d'action pérennes et la lutte contre les causes de détresse et d'exclusion.
Engorgement des centres d'hébergement d'urgence par l'afflux des demandeurs d'asile qui ne laisse plus de place aux sans-abri persuadés par le SAMU social de rejoindre un toit, impossibilité des traitements médicaux de longue durée, problèmes de santé mentale encore peu pris en charge, manque de solutions pour l'après-urgence : ces difficultés ont aussi nourri les débats des premiers « états généraux » de la Fédération nationale des SAMU sociaux (3), le 4 décembre à Paris. Créée en mars dernier (4), la fédération regroupe 57 centres (soit les quatre cinquièmes des services existants) qui vont à la rencontre des personnes les plus désocialisées.
Avec un service téléphonique du 115 « écartelé » entre sa vocation première et les missions qu'il assure auprès des « sans-papiers » et des déboutés du droit d'asile, et des centres d'urgence avec lits infirmiers embouteillés faute de solution d'aval (lits de long séjour, places en maison de retraite), le constat est unanime. Le manque de solution pour l'après-urgence voue à l'échec les tentatives d'insertion, souligne la fédération, qui continue de réclamer la création de pensions de famille ou autres résidences communautaires de petite taille.
Sujet longtemps méconnu, la prise en charge des problèmes psychiques se développe, à Paris ou à Lyon notamment, mais de manière encore très insuffisante, estime le président de la fédération, Xavier Emmanuelli, pour qui « on a fermé les asiles mais on n'a pas adopté de solution alternative ». Demandant aux psychiatres de « sortir de l'hôpital », il pousse aussi au travail en réseau entre acteurs médicaux et sociaux.
Au total, selon Xavier Emmanuelli, la « prise de consciences des problèmes de grande exclusion a avancé », mais il reste encore un long chemin à parcourir. Surtout si la société continue à secréter toujours de nouveaux exclus. Le SAMU social de Nice livre à cet égard un chiffre inquiétant : seuls 21 % des personnes concernées par ses interventions en 2000 étaient déjà connues du service en 1999.
(1) L'enquête devrait être diffusée en 2002.
(2) Organisé les 4 et 5 décembre à Angers par l'UNCCAS et la FNARS .
(3) Voir ASH n° 2210 du 13-04-01.
(4) Fédération nationale des SAMU sociaux : 35, avenue Courteline - 75012 Paris - Tél. 01 53 66 12 62.