Au départ la protection maternelle et infantile (PMI) s'est occupée de lutter contre la mortalité infantile. Puis, elle a été étendue à l'approche globale de la santé - bien-être physique, psychique, social - de l'enfant jusqu'à l'âge de 6 ans. Tandis que la santé scolaire a été créée pour assurer la promotion de la santé des élèves en primaire. Etendre les services de PMI jusqu'à 10 ans permettrait un suivi de la santé de l'enfant, au sens global, jusqu'à cet âge. Car tout n'est pas joué à 6 ans et il se passe encore plein de choses jusqu'à 10 ans. Je m'interroge néanmoins sur le sens de cette proposition. Elle ne doit pas être un moyen de pallier le manque de moyens de la santé scolaire. Et elle devrait s'accompagner d'un renforcement de ceux de la PMI :aujourd'hui, on a du mal à recruter des pédiatres, des infirmières-puéricultrices, des auxiliaires de puériculture. En outre, cette proposition doit aller de pair avec une réarticulation de l'ensemble des dispositifs de prise en charge du jeune enfant et une révision du rôle et des moyens de la santé scolaire, des centres médico-psychologiques, des centres médico-psycho-pédagogiques.
Dans la Seine-Saint-Denis, le conseil général a joué résolument la carte de la PMI en mettant des moyens à sa disposition. Il est l'un des rares, grâce à l'impulsion d'un de ses médecins chefs, à avoir recruté des psychologues : une cinquantaine interviennent dans les 110 centres de PMI et les 50 lieux d'accueil de la petite enfance. Résultat : 60 % de la population, représentant toutes les catégories socio-professionnelles, viennent consulter ! Important, ce taux de fréquentation témoigne de la réalité du besoin. Il entraîne néanmoins une surcharge de travail avec toutes les missions conjointes. Par exemple, nous sommes obligés de prévoir des créneaux dans les consultations pour que les mères qui viennent d'accoucher n'aient pas à attendre deux ou trois mois pour que leur bébé soit examiné par un médecin !
Je reçois de plus en plus de demandes de familles adressées par la PMI mais aussi venant de l'extérieur, qui ne sont pas prêtes à aller en centres médico-psychologiques (CMP). Elles se posent des questions sur leur rôle de parents, le développement de leur enfant... Je crois que les gens ont mieux identifié l'apport du psychologue et compris qu'il n'est pas là seulement pour les crises graves. Nous leur permettons à un moment donné de se « ressourcer » sans que cela entraîne forcément une prise en charge à long terme, ou d'aller consulter en CMP.
L'intimité est nécessaire à la construction de soi. Elle concerne la rencontre avec l'autre. En tant que psychologues, nous nous devons de respecter l'intimité de l'enfant et de sa famille afin de permettre cette construction psychique. Aujourd'hui, la vie privée est menacée par le mot d'ordre de la société de transparence et d'immédiateté : il s'agirait de devoir tout faire dire, tout savoir, tout comprendre et l'on demande en quelque sorte aux gens de se « déshabiller » au nom de la protection de l'enfance. Or, pour moi, la prévention ce n'est pas le dépistage des risques, c'est la « prévenance » : les personnes doivent pouvoir venir parler en toute confiance. En sachant qu'il en sera fait quelque chose qui respecte ce qui n'a pas à être forcément étalé sur la place publique. Propos recueillis par Isabelle Sarazin
(1) Voir ASH n° 2238 du 23-11-01.
(2) A. NA. PSY. p. e. : 28, rue Didot - 75014 Paris - Tél. 01 45 41 40 32.