Sur un terrain peu exploré par la recherche, voici un éclairage neuf, intéressant, utile. Et sans doute fort irritant pour les militants du « mouvement HLM ». Dans son ouvrage, l'auteur examine d'abord les objectifs, l'histoire, les évolutions des politiques du logement social et le discours du « monde HLM » ; c'est « l'approche par le haut ». Il rend compte, ensuite, de deux enquêtes de terrain, l'une auprès d'un office municipal d'une préfecture du sud de la France, l'autre auprès des acteurs du logement social d'une grande agglomération méditerranéenne ; c'est « l'approche par le bas ». A l'office Beau Soleil de X..., plus on s'installe dans la hiérarchie, moins on a de contact avec les locataires. Pourtant, toutes les décisions appartiennent « au Saint-Siège ». Les personnels de terrain sont démobilisés face à un service technique omnipotent. Les « agents des cités » sont coupés de « ceux des bureaux ». Instabilité politique et permanence bureaucratique se sont générées mutuellement. Les locataires sont perçus comme des « gêneurs potentiellement dangereux », leurs représentants sont isolés et impuissants. Ainsi résumée, la situation paraît caricaturale, pourtant l'enquête est précise et recoupée. Et l'auteur estime n'avoir pas choisi un cas isolé. Dans la grande agglomération, il débusque un « système étanche » et « contraint », qui n'est « ni le fruit du hasard, ni le résultat de dysfonctionnements ».
On pourra dire que Yan Maury aurait dû multiplier les points d'enquête et que le monde HLM n'est pas partout semblable à cette image. Il reste que l'analyse pose de sérieuses questions sur l'abîme entre les objectifs de départ et les réalités du droit au logement, sur la fermeture des HLM aux plus précaires (abandonnés aux associations spécialisées) et sur les « processus de neutralisation par le marché de l'habitat social ». Un coup d'aiguillon salutaire ?
M.-J.M. Les HLM. L'Etat providence vu d'en bas - Yan Maury - Ed. L'Harmattan - 150 F (22,87 € ).