« Peut-on faire disparaître les pauvres par décret ? », interrogent, fort à propos, les deux historiens auteurs de ce livre. L'origine de ce petit ouvrage d'une centaine de pages se trouve dans la vague des arrêtés antimendicité pris, depuis les années 90, par nombre de maires, justement pour cacher la misère dans leur commune. C'est ici l'occasion de revisiter l'action de l'Etat contre la pauvreté, cette « maladie endémique de toutes les sociétés », jugée de tous temps « dangereuse pour le corps social ». « De Louis XIV à la V e République, chaque moment de crise repose la question de la pauvreté et des solutions à y apporter », rappellent les historiens. Leur ouvrage dresse la liste des thérapies appliquées au fil des siècles : « Les médecines douces : l'assistance », « Les méthodes chirurgicales : la répression » et « L'orthopédie contemporaine : réduire la fracture sociale ». Toutefois, « la permanence du couple assistance/répression » ne doit pas masquer l'évolution des politiques mises en œuvre. A l'Etat essentiellement répressif des XVIIe et XVIIIe siècles (internement des pauvres dans des hôpitaux généraux, puis dans des dépôts de mendicité), s'oppose la construction de l'Etat social du XXe siècle (création de la sécurité sociale, instauration du revenu minimum d'insertion). Il faudra néanmoins attendre 1994 pour assister à la suppression du délit de mendicité ou de vagabondage dans le code pénal ! « Force est de constater, cependant, que les pauvres sont toujours soupçonnés d'être responsables de leur situation et que les débats autour des politiques sociales font régulièrement resurgir des arguments utilisés au cours des siècles passés », concluent les auteurs. En décernant, toutefois, un satisfecit à la loi de lutte contre les exclusions de juillet 1998. Ce texte témoigne d' « un changement de point de vue important : ce n'est plus le pauvre qui est à exclure mais la pauvreté ». J.-Y. G. Cachez ce pauvre que je ne saurais voir - Jean-Luc Bruzulier et Guy Haudebourg -Ed. ENSP : av. du Professeur-Léon-Bernard -CS 74312 - 35043 Rennes cedex -Tél. 02 99 54 90 98 - 111,51 F (17 €) .
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