(Loi n° 2001-1066 du 16 novembre 2001, J.O. du 17-11-01)
« L'emploi est, avant le logement ou les loisirs, au premier rang des sujets d'inquiétude pour les jeunes en matière de discrimination », affirmait le 6 novembre 2001, devant l'Assemblée nationale, la ministre de l'Emploi et de la Solidarité, Elisabeth Guigou (J.O.A.N. (C.R.) n° 71 du 7-11-01). Le marché du travail est ainsi, à ses yeux, marqué par de « véritables dysfonctionnements dans ce domaine », révélateurs de l'existence de discriminations. La ministre rappelait, à cet égard, que « les étrangers originaires des pays extérieurs à l'Union européenne sont trois fois plus au chômage que les Français ». Des taux encore plus forts pour ceux qui ont le bac ou un niveau d'études supérieur, quatre fois plus nombreux que les Français à être au chômage et trouvant souvent un emploi inférieur à leur qualification.
C'est une des raisons pour laquelle le législateur instaure aujourd'hui une protection renforcée contre les discriminations, s'attachant plus particulièrement à celles existant dans le travail. Ce faisant, il met le droit français au diapason de la législation communautaire. La loi du 16 novembre 2001 s'inspire, en effet, d'une directive européenne du 15 décembre 1997, relative à la charge de la preuve en matière de discrimination fondée sur le sexe (1), ainsi que d'une autre, adoptée l'année dernière par les Quinze, relative à l'égalité de traitement - en matière d'emploi et de travail - entre les personnes, sans distinction de race ou d'origine ethnique (2).
Le nouveau texte vient surtout combler un certain nombre de lacunes. Il ajoute ainsi à la liste des discriminations prohibées de nouveaux motifs comme l'orientation sexuelle, l'âge, le patronyme ou l'apparence physique. De plus, alors que la protection du salarié était, jusqu'à maintenant, cantonnée à l'embauche, aux sanctions et au licenciement, il élargit son champ aux principaux actes affectant la carrière des salariés et son déroulement, notamment les décisions relatives à la rémunération, à la formation, à l'affectation ou à la promotion. De même, entre dorénavant en ligne de compte le refus d'accès à un stage ou à une période de formation en entreprise. Au-delà d'une protection renforcée des victimes de discriminations, il s'agissait également d'éviter les représailles contre ceux qui acceptent de défendre un collègue. C'est pourquoi le législateur a tenu à protéger ces « témoins », afin d'empêcher qu'ils soient, à leur tour, victimes d'une mesure discriminatoire. Et il institue, dans le même esprit, une protection particulière pour les travailleurs sociaux qui dénoncent des faits de maltraitance commis sur des personnes accueillies dans un établissement social ou médico-social.
Par ailleurs, la difficulté majeure posée par la discrimination est celle de l'établissement des faits. Aussi la nouvelle loi aménage-t-elle le régime de la charge de la preuve dans un sens plus favorable au salarié. Ce dernier n'a désormais qu'à apporter des éléments de fait laissant supposer l'existence d'une discrimination. Dès lors que ces débuts de preuve sont suffisants, c'est à l'employeur de prouver que sa décision se fonde, non pas sur un motif discriminatoire, mais sur des éléments objectifs. A charge ensuite pour le juge de se forger une conviction.
Au chapitre des nouveautés aussi, le renforcement des moyens d'action en justice des syndicats, associations de lutte contre les discriminations, ou des délégués du personnel. Les inspecteurs du travail voient, quant à eux, augmenter leurs pouvoirs d'enquête. Un nouveau dispositif spécifique prévoyant la réintégration du salarié licencié en raison d'une action en justice dirigée contre son employeur coupable d'agissements discriminatoires est en outre créé.
A signaler enfin, l'introduction de l'objectif de lutte contre les discriminations dans la négociation collective.
L'ensemble de ces dispositions est entré en vigueur depuis le 19 novembre.
A noter : bien que portant essentiellement sur les discriminations en matière d'emploi, le titre de la loi reste général, contrairement aux vœux des parlementaires de l'opposition. Un choix qui s'explique :le texte traite en effet également de la recevabilité des listes des conseillers prud'homaux, du service d'accueil téléphonique (le 114) et de l'extension des missions du Fonds d'action sociale pour les travailleurs immigrés et leurs familles (FAS) à la lutte contre les discriminations (voir encadré).
La loi du 16 novembre 2001 complète les dispositions actuelles du code du travail pour mieux protéger les candidats à un emploi et les salariés tout au long de leur vie professionnelle et sanctionner de nouveaux motifs de discrimination. Les témoins d'agissements discriminatoires ainsi que les travailleurs sociaux dénonçant des faits de maltraitance se voient, en outre, offrir une protection renforcée.
Bien que difficiles à mesurer et à identifier, la plupart des pratiques discriminatoires sont aujourd'hui mises au jour. Elles peuvent prendre la forme de décisions brutales empêchant l'accès à l'emploi ou excluant le salarié de celui-ci. Auquel cas la victime présumée est, de longue date, bien armée pour contester leur légalité et agir en justice contre leur auteur : l'employeur qui écarte une personne d'une procédure de recrutement, sanctionne ou licencie un salarié sur la base d'un motif discriminatoire était en effet déjà, avant la loi du 16 novembre 2001, attaquable tant devant les prud'hommes qu'au pénal.
Mais il existe aussi des pratiques plus larvées comme l'ethnicisation des tâches. « On craint la réaction de la clientèle, des usagers, on renonce donc à employer, ou tout au moins dans un endroit visible, un salarié en raison de son origine ou de sa couleur de peau », explique le député (PS) Philippe Vuilque (Rap. A.N. n° 2609, octobre 2000, Vuilque). La discrimination se pratique de manière d'autant plus insidieuse « quand elle touche aux possibilités de promotion et d'augmentation de salaire ou à l'accès à un travail plus intéressant », ajoute le député (PS) Roland Garrigues (J.O.A.N. (C.R.) n° 58 du 12-10-01). Il peut s'agir alors de mesures a priori anodines, dont la répétition et l'accumulation conduisent, au terme de plusieurs années de pratiques, à des différences profondes entre des groupes entiers de salariés. Certains peuvent, en outre, être particulièrement exposés, par exemple dans le cadre d'un processus de reclassement après un licenciement économique ou à l'arrivée à échéance d'un contrat de travail à durée déterminée.
C'est pourquoi le législateur a décidé de considérer comme nulle de plein droit toute mesure discriminatoire, directe ou indirecte, « notamment en matière de rémunération, de formation, de reclassement, d'affectation, de qualification, de classification, de promotion professionnelle, de mutation ou de renouvellement de contrat » (code du travail [C. trav.], art. L. 122-45 modifié). Le terme « notamment » soulignant le caractère non limitatif de cette énumération.
Aucune personne ne pouvait déjà, avant la réforme, être écartée d'une procédure de recrutement pour des motifs discriminatoires. La nouveauté, c'est que cette protection est aujourd'hui étendue à l'accès à un stage ou à une période de formation en entreprise (C. trav., art. L. 122-45 modifié). Une extension visible également au pénal.
S'expose ainsi à 2 ans d'emprisonnement et 200 000 F d'amende non seulement celui qui, sur la base d'un motif discriminatoire, refuse d'embaucher, sanctionne ou licencie une personne, mais également celui qui subordonne une offre d'emploi, une demande de stage ou une période de formation en entreprise à une condition fondée sur un motif discriminatoire. De même pour celui qui refuse, pour les mêmes raisons, d'accepter une personne à l'un des stages visés par le 2° de l'article L. 412-8 du code de la sécurité sociale (code pénal, art. 225-2 modifié). Dans ce dernier cas sont particulièrement visées les discriminations dont peuvent être victimes les étudiants ou élèves des établissements d'enseignement accomplissant des stages dans le cadre de leur scolarité ou de leurs études, les stagiaires effectuant des stages de formation professionnelle continue et les personnes accomplissant un stage de réadaptation fonctionnelle ou de rééducation professionnelle.
La liste des discriminations est élargie à de nouveaux motifs. Jusqu'à maintenant, elle comprenait l'origine, le sexe, les mœurs, la situation de famille, les opinions politiques, les activités syndicales ou mutualistes, les convictions religieuses, l'inaptitude en raison de son état de santé ou de son handicap, ainsi que l'appartenance à une ethnie, une nation ou une race. Nouveautés introduites par la loi (C. trav., art. L. 122-45 modifié) : un salarié est désormais également protégé contre une mesure prise en raison de son orientation sexuelle, de son apparence physique, de son patronyme, et de son appartenance ou non-appartenance, vraie ou supposée, à une ethnie, une nation ou une race (3). Un élargissement qui, concrètement, vise notamment les cas de discriminations envers les homosexuels ou encore les personnes obèses ou de très petite taille.
L'article L. 225-1 du code pénal, qui définit ce qu'est une discrimination, et l'article L. 122-35 du code du travail, qui dresse une liste des dispositions discriminatoires interdites dans tout règlement intérieur, sont modifiés en conséquence.
La nouvelle loi aménage également les dispositions protégeant le salarié gréviste. Ce dernier était déjà protégé contre toute sanction ou licenciement à raison de l'exercice normal du droit de grève. Il l'est désormais également contre toute autre mesure discriminatoire (C. trav., art L. 122-45 modifié).
L'âge apparaît aussi parmi les nouveaux motifs. Avec une réserve toutefois (C. trav., art. L. 122-45-3 nouveau) : « les différences de traitement fondées sur l'âge ne constituent pas une discrimination lorsqu'elles sont objectivement et raisonnablement justifiées par un objectif légitime et lorsque les moyens de réaliser cet objectif sont appropriés et nécessaires ». Une précision destinée à éviter que la loi ne porte préjudice aux politiques d'emploi fondées sur l'âge et au bon fonctionnement du marché du travail. Ces différences de traitement autorisées peuvent constituer, par exemple, en l'interdiction de l'accès à l'emploi ou encore la mise en place de conditions de travail spéciales en vue d'assurer la protection des jeunes et des travailleurs âgés. De même pour la fixation d'un âge maximum pour le recrutement, fondée sur la formation requise pour le poste concerné ou la nécessité d'une période d'emploi raisonnable avant la retraite.
Les dispositions spécifiques à la protection des fonctionnaires contre les pratiques discriminatoires sont alignées sur celles prévues pour les autres salariés. La loi du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires est aménagée en conséquence.
A l'instar des modifications introduites pour le secteur privé, la liste des motifs de discriminations sanctionnables est élargie également pour la fonction publique. Les opinions politiques, syndicales, philosophiques ou religieuses, l'origine, l'orientation sexuelle, l'âge, le patronyme, l'état de santé, le handicap ou l'apparence physique, l'appartenance ou la non-appartenance, vraie ou supposée, à une ethnie ou une race, sont ainsi autant d'éléments qui n'ont pas à entrer en ligne de compte pour faire une distinction, directe ou indirecte, entre les fonctionnaires (loi du 13 juillet 1983, art. 6-I, al. 2 modifié).
Exception à ce principe, des conditions d'âge peuvent être fixées, d'une part pour le recrutement des fonctionnaires, lorsqu'elles visent à permettre le déroulement de leur carrière, d'autre part pour la carrière des fonctionnaires, « lorsqu'elles résultent des exigences professionnelles, justifiées par l'expérience ou l'ancienneté, requises par les missions qu'ils sont destinés à assurer dans leur corps, cadre d'emplois ou emploi » (loi du 13 juillet 1983, art. 6-II, al. 4 nouveau).
Il est, par ailleurs, instauré un régime de protection pour les fonctionnaires exerçant une action en justice (ou un recours auprès d'un supérieur hiérarchique) en matière de discrimination, ou témoignant de faits discriminatoires.
Il s'applique aux principaux actes affectant la carrière des salariés et son déroulement. Aucune mesure concernant « notamment le recrutement, la titularisation, la formation, la notation, la discipline, la promotion, l'affectation et la mutation » ne peuvent ainsi être prises en représailles contre un fonctionnaire qui dénoncerait un agissement discriminatoire (loi du 13 juillet 1983, art. 6-III, al. 5,6 et 7 nouveaux).
Il est, en outre, expressément prévu que tout agent qui prononcerait une telle mesure est passible d'une sanction disciplinaire.
Après l'emploi, c'est principalement sur le terrain du logement que les discriminations se font le plus durement ressentir. C'est pourquoi la future loi de modernisation sociale, dont le vote définitif devrait intervenir en décembre, se penche sur la question, dans un volet consacré à la lutte contre les discriminations « dans la location de logements ».
La protection qu'elle organisera devrait être exprimée dans des termes assez proches de ceux prévus en matière d'emploi dans la loi de lutte contre les discriminations. Députés et sénateurs se sont d'ores et déjà accordés pour poser le principe selon lequel « aucune personne ne peut se voir refuser la location d'un logement en raison de son origine, son patronyme, son apparence physique, son sexe, sa situation de famille, son état de santé, son handicap, ses mœurs, son orientation sexuelle, ses opinions politiques, ses activités syndicales ou son appartenance ou sa non-appartenance vraie ou supposée à une ethnie, une nation, une race ou une religion déterminée ».
En cas de litige, le candidat à la location éconduit « présente des éléments de fait laissant supposer l'existence d'une discrimination directe ou indirecte ». La partie défenderesse doit ensuite « prouver que sa décision est justifiée ». Puis le juge « forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles ».
Les témoignages sont, jusqu'à présent, plutôt rares en raison de la crainte des salariés de perdre leur emploi ou d'être à leur tour victimes de discriminations s'ils acceptent de défendre un collègue. Déjà protégés contre des sanctions ou un licenciement, ils le sont désormais également contre toute « mesure discriminatoire » - au sens de la nouvelle loi (voir ci-dessus) - prononcée à leur égard pour les punir d'avoir témoigné (C. trav., art. L. 122-45 modifié).
La loi du 16 novembre 2001 instaure une protection particulière pour les travailleurs sociaux dénonçant des faits de maltraitance. Elle proscrit toute discrimination dans l'emploi dirigée contre des personnels des institutions sociales ou médico-sociales, pour avoir relaté ou témoigné de mauvais traitements ou privations infligés à une personne accueillie (code de l'action sociale et des familles [CASF], art. L. 315-14-1 nouveau). Il en est de même pour les salariés d'une personne ou d'un couple accueillant à domicile, à titre onéreux, une personne âgée ou handicapée adulte (CASF, art. L. 443-11).
Comme dans le cas général, la protection concerne les mesures défavorables prises tant en matière d'embauche que de rémunération, de formation, d'affectation, de qualification, de classification, de promotion professionnelle, de mutation ou de renouvellement du contrat de travail. Elle s'applique également en cas de résiliation du contrat de travail ou de sanction disciplinaire. En outre, le salarié ou l'agent licencié pour avoir témoigné de faits de maltraitance peut désormais, s'il le demande, être réintégré par le juge (CASF, art. L. 315-14-1 nouveau).
Les médecins devraient pouvoir, à leur tour, bénéficier prochainement d'une protection particulière. Et pouvoir ainsi signaler des sévices contre un enfant sans craindre de faire l'objet de sanctions disciplinaires (sauf en cas, naturellement, d'affirmation non vérifiée sur l'auteur présumé). C'est en effet une des dispositions prévues par le projet de loi de modernisation sociale, lequel doit être définitivement adopté en décembre.
Devant le faible nombre d'affaires portées devant les tribunaux, le législateur a également souhaité rendre plus efficace le principe de non-discrimination, notamment en aménageant la charge de la preuve dans un sens plus favorable aux salariés et en renforçant les moyens d'action en justice des syndicats, associations et délégués du personnel.
L'établissement des faits représente la difficulté majeure posée par la discrimination et constitue un obstacle souvent insurmontable pour le salarié, sur qui la charge de la preuve a longtemps pesé. Avec, comme conséquence, un nombre très faible de recours devant les tribunaux et un nombre encore plus faible de condamnations. Difficile, en effet, pour une personne d'origine étrangère, de prouver, par exemple, qu'un emploi ou un entretien d'embauche lui a été refusé en raison de la consonance de son nom. Sous l'influence du droit communautaire, la chambre sociale de la Cour de cassation a progressivement atténué cette exigence, ne requérant plus du salarié que des faits susceptibles de caractériser une atteinte au principe de l'égalité de traitement. Un aménagement de la charge de la preuve
repris aujourd'hui par le législateur. Les étapes conduisant à l'établissement d'une discrimination se décomposent ainsi désormais en trois temps (C. trav., art. L. 122-45 modifié).
Afin d'éviter les recours abusifs, le premier effort à fournir doit venir du salarié (ou candidat à un recrutement, un stage ou une formation), qui doit apporter des éléments de fait laissant supposer l'existence d'une discrimination directe ou indirecte- autrement dit des commencements de preuve. Exemple donné par le député (PS) Jean Le Garrec :le cas d'un salarié « qui envoie à une entreprise deux CV identiques - mêmes formation et expérience professionnelles - le premier avec un nom d'origine maghrébine et l'autre avec un nom francisé ». Dans une telle hypothèse, le candidat peut désormais arguer d'éléments de fait à l'appui d'une éventuelle plainte pour discrimination à l'embauche « si les deux réponses ne sont pas identiques ». Une référence à une affaire qui avait défrayé la chronique en 1999, et au terme de laquelle la plainte avait été classée sans suite par le procureur de la République, qui l'avait estimée « insuffisamment caractérisée ».
Il appartient ensuite à l'employeur de prouver que sa décision a été prise en fonction d'éléments « objectifs étrangers à toute discrimination ».
A charge, en dernier lieu, pour le juge de prendre en considération ces éléments d'appréciation pour former sa conviction. Il n'est pas, pour ce faire, limité dans sa réflexion à l'analyse des seuls éléments recueillis par les deux parties et peut ordonner, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles.
Elections prud'homales (art. 7) . Le nouveau texte prévoit que ne sont pas recevables aux élections prud'homales les listes prônant les discriminations présentées non seulement par les partis politiques mais plus généralement par les « organisations », c'est-à-dire notamment les syndicats. Une disposition qui vise plus particulièrement les organisations d'extrême droite (4) .
114/CODAC (art. 9) . Une base légale est donnée au service d'accueil téléphonique gratuit qui recueille des données individuelles relatives aux discriminations (5) . La nouvelle loi fait également implicitement référence aux commissions départementales d'accès à la citoyenneté (CODAC) (6) , chargées notamment d'assurer le traitement et le suivi des cas signalés « selon des modalités garantissant la confidentialité des informations ». Elle indique, en outre, que les agents du service d'accueil et les personnes chargées de traiter les données sont soumis au secret professionnel.
Fonds d'action sociale (art. 10) . Le fonds d'action sociale pour les travailleurs immigrés et leurs familles est rebaptisé « fonds d'action et de soutien pour l'intégration et la lutte contre les discriminations » (FASILD). Actuellement centrée sur l'action sociale en faveur de la population immigrée, sa compétence est étendue à la mise en œuvre d'actions d'intégration et à la lutte contre les discriminations dont sont victimes les immigrés et leurs familles.
Discriminations sexuelles (art. 5 et 6) . Une protection particulière contre les discriminations homme-femme était déjà organisée par le code du travail avant la loi du 16 novembre 2001.
Laquelle aménage donc les règles existantes par souci d'harmonisation (art. L. 123-6 modifié) : la liste des organisations syndicales habilitées à ester en justice pour défendre une victime de discrimination sexuelle, limitée auparavant aux syndicats représentatifs dans l'entreprise, est ainsi étendue à ceux qui le sont au plan national. Par ailleurs, la liste des victimes susceptibles d'invoquer une telle discrimination comprend désormais, en plus des salariés en place, les candidats à l'embauche.
Le nouveau texte ouvre aux organisations syndicales la possibilité d'agir en justice à la place d'un salarié, d'un candidat à l'embauche, d'un stagiaire ou d'une personne en formation en entreprise victime de discriminations, sur le modèle de ce que prévoit l'article L. 123-6 du code du travail en matière de harcèlement sexuel. L'objectif, selon le député (PS) Roland Garrigues : « faire bénéficier les victimes, souvent peu au fait de leurs droits, du savoir-faire et de l'expertise juridique des syndicats » (J.O.A.N. (C.R.) n° 58 du 12-10-01).
Cette capacité est toutefois bien encadrée (C. trav., art. L. 122-45-1 nouveau). Le syndicat doit, en effet, avoir fait la preuve de sa représentativité au plan national (départemental pour ce qui concerne les départements d'outre-mer) ou dans l'entreprise. Il n'a, en revanche, pas à justifier d'un mandat de la part de l'intéressé. L'exiger aurait été contraire à l'esprit de l'article « puisque l'utilité de l'action des syndicats résulte notamment du fait que les salariés ont généralement peur de plaider en justice contre leur employeur » (Rap. A.N. n° 2609, octobre 2000, Vuilque). Le salarié doit tout de même nécessairement être averti de l'action conduite par l'organisation et a le droit de s'y opposer dans un délai de 15 jours à compter de la date à laquelle cette dernière lui a notifié son intention. Il peut, en outre, toujours intervenir à l'instance engagée.
La loi du 16 novembre 2001 propose un dispositif spécifique prévoyant la réintégration du salarié licencié du fait d'une action en justice- conduite par lui-même, un syndicat ou une association - dirigée contre l'auteur de mesures discriminatoires (C. trav., art. L. 122-45-2 nouveau) .
La condition : qu'il soit établi que le licenciement n'a pas de cause réelle et sérieuse et constitue, en réalité, une mesure prise par l'employeur à raison de l'action en justice. Auquel cas la réintégration est de droit et le salarié est regardé comme n'ayant jamais cessé d'occuper son emploi.
Le salarié qui refuserait de poursuivre l'exécution du contrat de travail se verra allouer par le conseil de prud'hommes une indemnité « qui ne peut être inférieure aux salaires des 6 derniers mois ». Il bénéficie, de plus, d'une indemnité correspondant à l'indemnité de licenciement prévue par le code du travail (C. trav., art. L. 122-9 inchangé) , la convention ou l'accord collectif applicable ou encore le contrat de travail. En outre, le juge peut ordonner également le remboursement par l'employeur fautif aux organismes concernés de tout ou partie des indemnités de chômage payées par le salarié licencié du jour de son licenciement au jour du jugement prononcé par le tribunal, dans la limite de 6 mois d'indemnités de chômage par salarié concerné (C. trav., art. L. 122-14-4, al. 2 inchangé) . Ce remboursement est ordonné d'office dans le cas où les organismes concernés ne sont pas intervenus à l'instance ou n'ont pas fait connaître le montant des indemnités versées. Sur le fondement de ce jugement, et lorsque celui-ci est exécutoire, les institutions qui versent les allocations de chômage peuvent poursuivre le recouvrement des indemnités devant le tribunal d'instance du domicile de l'employeur.
Les associations peuvent désormais, tout comme les syndicats, agir en justice en faveur d'un salarié, d'un candidat à un emploi, à un stage ou une période de formation en entreprise victime d'un acte discriminatoire (C. trav., art. L. 122-45-1, al. 2 nouveau). Elles doivent néanmoins, pour cela, avoir l'accord écrit de l'intéressé, lequel peut toujours intervenir à l'instance engagée et y mettre un terme à tout moment.
De plus, il faut que l'association soit régulièrement constituée depuis 5 ans et qu'elle ait pour objet la lutte contre les discriminations.
Les délégués du personnel ont le devoir de saisir l'employeur lorsqu'il existe une atteinte aux droits des personnes ou aux libertés individuelles dans l'entreprise qui ne serait pas justifiée par la nature de la tâche à accomplir ni proportionnée au but recherché (C. trav., art. L. 422-1-1 inchangé). La nouvelle loi vient préciser que cette atteinte peut résulter de toute mesure discriminatoire en matière d'embauche, de rémunération, de formation, de reclassement, d'affectation, de classification, de qualification, de promotion professionnelle, de mutation, de renouvellement de contrat, de sanction ou de licenciement (C. trav., art. L. 422-1-1, al. 2 nouveau).
Les inspecteurs du travail n'étaient auparavant autorisés qu'à verbaliser les sanctions, refus d'embauche et licenciements portant atteinte à la règle de l'égalité professionnelle. Ils sont désormais habilités à le faire dès lors que ces actes - ainsi que les refus de stages (voir ci-dessus) - revêtent un caractère discriminatoire. (C. trav., art. L. 611-1 modifié).
Ils peuvent, en outre, se faire communiquer tout document ou élément d'information, quel qu'en soit le support, utile à la constatation des faits susceptibles de permettre d'établir l'existence ou non de tels actes (C. trav., art. L. 611-9, al. 3 nouveau).
A noter : les intérimaires sont soumis au règlement intérieur de l'entreprise. C'est donc par ce biais que les inspecteurs du travail peuvent contrôler leurs conditions de travail, en vérifiant qu'il ne contient pas de disposition lésant ces salariés sur la base d'un motif discriminatoire.
La nouvelle loi intègre l'objectif de lutte contre les discriminations dans la négociation collective, au niveau tant de la branche que de la réflexion et des travaux menés au niveau national par la commission nationale de la négociation collective.
L'égalité de traitement entre salariés indépendamment de toute considération d'appartenance à une ethnie, une nation ou une race vient compléter la liste des clauses que doit comporter une convention de branche conclue au niveau national. Autrement dit, la convention collective de branche devra désormais aborder les problèmes spécifiques rencontrés par les Français d'origine étrangère, alors qu'auparavant, seule était visée l'égalité entre salariés français et étrangers (C. trav., art. L. 133-5,10° modifié).
En outre, l'objectif d'égalité ne porte désormais plus seulement sur l'emploi en général mais sur l'ensemble de la carrière du salarié : accès à l'emploi, formation, promotion professionnelle et conditions de travail.
La commission nationale de la négociation est, entre autres, chargée de suivre annuellement l'application dans les conventions collectives du principe « à travail égal, salaire égal » et du principe de l'égalité professionnelle entre les hommes et les femmes. Vient désormais s'ajouter à cette liste le principe d'égalité de traitement entre les salariés indépendamment de tout critère racial, ethnique ou national.
Concrètement, il revient à la commission de constater les inégalités éventuellement persistantes et d'en analyser les causes. Elle peut, en outre, faire au ministre chargé du travail toute proposition pour promouvoir dans les faits et dans les textes ces principes d'égalité (C. trav., art. L. 136-2,8° modifié).
Olivier Songoro
(1) Voir ASH n° 2050 du 19-12-97.
(2) Voir ASH n° 2186 du 27-10-00.
(3) Ce dernier motif apparaît pour la première fois dans le code du travail mais existait déjà en matière pénale.
(4) L'ancien ministre de l'Emploi et de la Solidarité, Martine Aubry, évoquait, en présentant l'année dernière cette disposition devant les députés, la tentative du Front national, en décembre 1997, de « dénaturer les prud'hommes pour en faire une tribune », par le biais des élections prud'homales (J.O.A.N. (C.R) du 12-10-00).
(5) Service gérant le numéro d'appel gratuit « 114 » - Voir ASH n° 2167 du 19-05-00.
(6) Voir ASH n° 2108 du 28-02-99.