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Mettre la « double peine » hors la loi

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Qu'ils soient condamnés par le juge à une « interdiction du territoire français » perpétuelle ou à durée déterminée à l'issue de l'accomplissement d'une peine de prison ou qu'ils fassent l'objet, après leur libération, d'une mesure d'expulsion administrative décidée par le ministère de l'Intérieur, plusieurs milliers de personnes de nationalité étrangère sont contraintes chaque année de quitter la France. On a pris l'habitude de les nommer les « double peine », l'éloignement venant s'ajouter à la condamnation pour le délit qu'ils ont commis. Cette expulsion est d'autant plus traumatisante que la plupart des personnes concernées ont de solides attaches en France, où elles résident souvent depuis l'enfance, sont conjoints de Français (e) s et/ou parents d'enfants français (1)... et ne connaissent pas le pays dont elles ont la nationalité.

Une campagne d'une année

Une quinzaine d'organisations (2) viennent de lancer une campagne d'envergure, qui ne devrait s'achever qu'à l'automne 2002, pour mettre fin à ces situations dramatiques, souvent ignorées. Son titre : « Une peine./ » (lire « une peine point barre » ). Pendant près d'une année, les organisations entendent interpeller les candidats aux élections puis les nouveaux élus, mobiliser le secteur associatif, s'appuyer sur des actions culturelles (films, concerts, spectacles, œuvres plastiques...) pour sensibiliser le grand public (3), invité à signer un appel contre la double peine.

Les promoteurs de la campagne ne manquent pas d'arguments. Ils dénoncent son caractère discriminatoire (deux personnes peuvent ne pas connaître la même sanction selon que l'une est française et l'autre étrangère) et inhumain, car elle brise des familles. En outre, elle « viole le principe de droit selon lequel nul ne peut être puni deux fois pour le même délit » et interdit l'amendement, car « expulser une personne qui a accompli sa peine, c'est lui refuser, après qu'elle [a] payé sa dette envers la société, la possibilité d'y retrouver sa place, son reclassement ». Sans compter, comme le relève Michel Tubiana, président de la Ligue des droits de l'Homme, qu' « alors qu'elle est faite pour protéger l'ordre public, elle cause à celui-ci un trouble important car les personnes se trouvent dans une situation bloquée, vont et viennent dans la clandestinité sans possibilité de travailler... ».

Les associations réunies dans la campagne nationale demandent donc que soient suspendues toutes les mesures d'éloignement quand les étrangers ont des attaches personnelles et familiales en France et que leur soit accordée une autorisation de séjour et de travail. D'autres revendications appellent une intervention du législateur : l'interdiction pure et simple de l'expulsion des étrangers dont l'essentiel de la vie est en France, l'impossibilité de l'expulsion si la commission départementale d'expulsion, qui doit être consultée dans tous les cas, rend un avis défavorable.

Rendre exceptionnel l'éloignement

D'une façon générale, les associations souhaitent que soit inscrit dans les textes le caractère exceptionnel de l'éloignement. Lequel, en tout état de cause, « ne doit pas reposer sur le soupçon ou être déduit d'une condamnation pénale », souligne Nathalie Ferré, présidente du Groupe d'information et de soutien des immigrés  (GISTI). L'interdiction du territoire français (ITF) devrait donc, selon les organisations, faire l'objet d'un débat parlementaire, qui aboutirait à sa disparition du code pénal.

En 1998, déjà, la magistrate, Christine Chanet, avait rendu un rapport préconisant notamment la suppression de l'ITF pour les étrangers ayant suivi toute leur scolarité en France et depuis y résidant habituellement (4). Les espoirs suscités par ce travail avaient été déçus : s'il avait débouché, un an plus tard, sur une circulaire invitant les parquets à ne plus requérir l'éloignement du territoire lorsque le prévenu y a des attaches, « celle-ci n'est absolument pas appliquée », regrette le Syndicat des avocats de France.

C. G.

Notes

(1)  Selon une étude réalisée au printemps 2001 par la Cimade et portant sur 400 dossiers de « double peine »  : 31 % des personnes concernées étaient arrivées en France avant l'âge de 6 ans et 10 % seulement après 25 ans ; 48 % étaient parents d'au moins un enfant français et 68 % mariés ou vivant en concubinage.

(2)  Dont la Cimade, Emmaüs France, le GISTI, la LDH, le Mouvement contre le racisme et pour l'amitié entre les peuples, le SAF, le Syndicat de la magistrature Campagne nationale contre la double peine : 33, rue Imbert-Colomès - 69001 Lyon - Tél. 04 78 29 56 91 - www.unepeinepointbarre.org.

(3)  La campagne est d'ailleurs lancée au moment de la sortie, le 21 novembre, du film de Bertrand et Nils Tavernier, « Histoires de vies brisées » consacré à une dizaine de « double peine » à Lyon.

(4)  Voir ASH n° 2095 du 27-11-98.

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