« La première question qui s'impose avant de parler d'évolution de l'aide alimentaire est de savoir si aujourd'hui elle est toujours utile.
Si aucune enquête sérieuse de portée nationale n'a été entreprise sur ce sujet, on est toutefois confronté à la réalité des faits. Les services sociaux, les centres communaux d'action sociale, les associations doivent répondre à l'expression du besoin alimentaire venant de personnes isolées ou de familles se trouvant dans une telle précarité qu'elles doivent recourir, occasionnellement ou durablement, à l'aide alimentaire.
Un million et demi de personnes, et sans doute plus, font appel à cette aide. Le besoin alimentaire existe bien et il entraîne des phénomènes de malnutrition et de sous-nutrition qui ne sont pas sans conséquence, plus ou moins grave, sur la santé des populations concernées.
Le Centre de recherche Foch a réalisé une étude entre 1997 et 1999 dans le cadre du programme “Aliment demain”. Cette étude a porté sur l'aide alimentaire. L'échantillon concerné de 331 personnes, habitant les régions Ile-de-France, Provence- Alpes-Côte-d'Azur, Bretagne, se composait de 80 % de femmes et de 67 % de personnes d'origine métropolitaine. Pour cette population, 60 à 70 % de l'alimentation venait de la banque alimentaire.
Sur le plan nutritionnel, on constate :
des excès de lipides, qui représentent plus de 35 % de l'apport énergétique total ;
des carences en calcium pour 25 %, ainsi que des carences en fer pour 20 % des femmes et 10 % des hommes, qui proviennent d'une trop faible consommation en laitage et en viande. “Nous ne pouvons pas nous permettre de manger de la viande ou du poisson tous les jours. Quand j'achète un steak, nous le partageons en deux.” Un témoignage parmi d'autres, exprimé le 17 octobre dernier, à l'occasion de la journée mondiale du refus de la misère ;
des carences en acide folique, qui résultent d'une trop faible consommation en fruits et légumes : 100 grammes par jour contre 300 pour la moyenne nationale et 400 à 500 grammes recommandés.
Ces excès et ces carences posent manifestement un problème de santé publique. L'étude a permis de les mesurer sur au moins un paramètre, celui du poids : 45 % des femmes et 40 % des hommes de l'échantillon présentent un surpoids ou de l'obésité, contre 10 % au niveau national.
Dans bien des cas l'apport alimentaire du secteur social et associatif ne sera qu'un complément qui portera sur quelques jours de nourriture par mois, sauf pour les personnes sans domicile qui auront recours plus fréquemment à cette aide.
De plus en plus d'associations et de services sociaux se posent des questions sur le mode opératoire de cette aide, sur les conséquences parfois négatives des pratiques distributives auprès des bénéficiaires :un droit, un automatisme entraînant des démissions comportementales qui vont à l'inverse de la restructuration de la personne.
Réflexions, remises en cause, partage d'expériences, écoute et participations des bénéficiaires, ont fait évoluer la réponse au besoin alimentaire.
Depuis 17 ans, les banques alimentaires, créées le plus souvent par des associations pour soutenir l'action des associations, ont toujours eu comme objectif de lutter contre le gaspillage alimentaire pour “nourrir ceux qui ont faim de pain et d'amitié” et “recréer des solidarités entre les hommes”.
Riches de l'expérience de 4 000 associations conventionnées, elles travaillent avec leur réseau pour faire évoluer les pratiques trop “assistantielles” et replacer l'alimentaire dans une action allant vers la “restauration” de l'homme dans tous ses aspects.
Le IIIe congrès des banques alimentaires, qui s'est tenu au CNIT à Paris, les 4 et 5 octobre dernier, avait pour thème “Restaurer l'homme”. Rassemblant un millier de participants, il s'est résolument tourné vers l'avenir.
Il s'agit de développer davantage des pratiques qui rendent acteur le bénéficiaire. Cela passe par l'écoute, la communication avec la personne démunie, la recréation du lien social, le retour à l'estime de soi, la prise de participation et tout ce qui peut contribuer à l'épanouissement de la personne et à son inclusion.
La nourriture a une place privilégiée dans ces processus car elle crée le lien, elle incarne une valeur de vie, de plaisir, de partage, de convivialité. Elle apporte l'équilibre par une bonne pratique.
Des efforts sont à réaliser par les différents acteurs de terrain pour une plus grande concertation, une mutualisation d'expériences, la recherche des complémentarités.
Les banques alimentaires - avec le soutien de leur fédération - ont déjà mis en place des formations à l'écoute, à l'hygiène et à la sécurité alimentaire, ainsi qu'à l'équilibre nutritionnel. Elles invitent localement les associations à se retrouver pour échanger, s'informer ou mieux se connaître.
De multiples réalisations, très localisées, souvent très modestes, révèlent de grandes richesses.
Un livret contenant 20 témoignages d'associations (1) a été remis à chaque congressiste, comme un signe d'espérance et un rayon de soleil dans une société qui se doit de refuser la fatalité de la misère et de l'exclusion. »
Bernard Dandrel Président de la Fédération française des banques alimentaires 15, rue du Val-de-Marne - 94257 Gentilly cedex -Tél. 01 49 08 04 70.
(1) Ce livret peut être obtenu à la Fédération française des banques alimentaires - Prix : 5 F (0,76 €).