En juillet 1998, la loi contre les exclusions n'a pas repris le dispositif du revenu minimum d'insertion [RMI] en tant que tel. Il s'agissait d'aller plus loin, d'ouvrir des chantiers en matière d'accès aux droits, de répondre à la question des exclusions en mettant notamment l'accent sur le droit au travail. En 2001, les choses ont évolué : la situation de l'emploi s'est améliorée et on a, dans certains secteurs, du mal à recruter de la main- d'œuvre ;mais parallèlement, on s'aperçoit que les personnes les plus désinsérées ne bénéficient pas de la reprise. C'est pourquoi dans le second programme de prévention et de lutte contre la pauvreté et l'exclusion sociale (2) - qui contrairement au précédent s'inscrit dans une logique européenne - les pouvoirs publics tentent de redynamiser le dispositif d'insertion du RMI : ils relancent les programmes départementaux d'insertion, ils renforcent le rôle et le nombre des commissions locales d'insertion ; ils facilitent le cumul entre minima sociaux et revenus d'activité. C'est finalement un retour à la logique du RMI - contractualisation, suivi individuel - dont on s'était d'ailleurs inspiré pour initier certaines mesures pour l'emploi comme le programme TRACE [trajet d'accès à l'emploi] ou PARE [plan d'aide au retour à l'emploi].
Quand on fait le bilan des politiques de lutte contre la pauvreté, on voit bien les difficultés qu'on a à mordre sur les publics les plus éloignés de l'emploi. On pouvait revenir à une politique de traitement de l'exclusion en inventant une nouvelle prestation sociale. Cela n'a pas été le choix des gouvernements français et européens, qui ont opté pour une logique « d'inclusion sociale » en essayant de mobiliser les services publics de l'emploi auprès des titulaires des minima sociaux. Mais cette logique repose sur l'hypothèse que l'emploi va continuer à s'améliorer, alors que cette croissance demeure très fragile. En outre, elle ne règle pas la question des personnes qui restent dans le RMI car leurs difficultés dépassent le seul accès à l'emploi. Cette direction a l'avantage de maintenir l'idée que le travail est encore la meilleure garantie d'accès aux droits des individus. Par contre, elle conforte le changement de la norme de travail qui devient quelque chose de provisoire, de temporaire et de limité.
C'est sûr qu'on a glissé vers une logique plus libérale. On s'en rend compte surtout en matière d'emploi - avec la création du PARE et de la prime pour l'emploi - et de logement où l'on ne parle plus de logement insalubre mais de logement décent. On voit bien qu'au bout de 30 années de crise, les mailles du filet de la protection sociale se sont relâchées. Néanmoins, la France se libéralise avec moins de force et de casse que d'autres pays de type anglo-saxon. Elle tente de maintenir l'idée d'une construction plus solidaire avec des minima sociaux non liés directement au travail.
C'est effectivement le ratage de la loi contre les exclusions que n'a pas rattrapé le second programme. Si la loi a fait des avancées au niveau des droits, elle n'a guère progressé sur le plan des rapports Etat-collectivités locales. Dans certains départements, il y a encore 25 à 30 schémas différents ! Revers de la décentralisation, le gouvernement est incapable aujourd'hui de négocier un dispositif institutionnel qui donne cohérence au dispositif d'ensemble. Propos recueillis par Isabelle Sarazin
(1) Qui intervenait le 15 novembre lors du colloque sur « les projets de ville RMI de Seine-Saint-Denis », organisé par la ville de Saint-Ouen - ENSP : avenue du Professeur-Léon- Bernard - 35043 Rennes cedex - Tél. 02 99 02 22 00.
(2) Voir ASH n° 2225 du 24-08-01.