Alors que « la santé mentale acquiert une visibilité au niveau de la société et dépasse le cadre de la psychiatrie », c'est un plan pluriannuel tous azimuts en faveur de la santé mentale qu'a présenté, Bernard Kouchner, lors d'une communication en conseil des ministres, le 14 novembre. Il fait suite, en particulier, au rapport Piel-Roelandt sur la psychiatrie (1). Certains de ses éléments feront l'objet d'une « véritable loi-cadre » qui devrait être mise en chantier, sans qu'un calendrier soit réellement défini.
En vue de renforcer les droits des malades atteints de troubles mentaux, le ministre délégué à la santé a annoncé qu'il engagera, à l'issue de plusieurs travaux, la révision de la loi du 27 juin 1990 relative aux droits et à la protection des personnes hospitalisées en raison de troubles mentaux. Cette réforme « en profondeur » s'inscrira dans la loi-cadre. Elle devrait réaffirmer le droit de toutes les personnes atteintes à des soins librement consentis et définir une période d'hospitalisation de courte durée (72 heures) pendant laquelle le consentement du patient ne serait pas requis. Elle devrait également proposer la mise en place d'une alternative ambulatoire à l'hospitalisation sans consentement. Enfin, la perspective d'une unification des deux régimes actuels d'hospitalisations sans consentement (à la demande d'un tiers ou d'office sur décision du préfet) devrait être approfondie.
Autre objectif : améliorer les relations soignants-soignés. A cet effet, le soutien aux associations d'usagers au plan national et local devrait être multiplié par quatre (304 898 €/2 millions de francs aux associations nationales en 2002). L'idée étant de favoriser la représentation régionalisée des usagers. Par ailleurs, après la publication de la loi relative aux droits des malades, en discussion devant le Parlement (2), une charte nationale des droits et devoirs de l'usager en santé mentale devrait être élaborée, par circulaire, en 2002. Elle devrait prendre appui sur le travail déjà réalisé par la Fédération nationale des associations des (ex-) patients de psychiatrie (FNAPSY) et les médecins psychiatres. En outre, un arrêté, à paraître dans le même temps, devrait intégrer des dispositions sur la spécificité de la situation des personnes atteintes de troubles mentaux hospitalisées, notamment sans leur consentement, dans le règlement intérieur des établissements hospitaliers.
Deuxième volet de ce plan : lutter contre la stigmatisation attachée aux maladies mentales. Pour ce faire, une campagne d'information en direction du grand public sera notamment menée au second semestre 2002. Elle abordera, entre autres, les thérapeutiques mises en œuvre pour les pathologies mentales les plus fréquemment rencontrées (dépression...).
Le gouvernement cherche également à apporter une meilleure réponse à la souffrance psychique dans le cadre des prises en charge sanitaires et/ou sociales. Il suggère un suivi plus fréquent des personnes en souffrance par les généralistes mais également par les travailleurs sociaux des institutions médico-sociales, sociales ou éducatives. Qui s'accompagne d'une intervention plus précoce des spécialistes en santé mentale tant auprès de ces professionnels qu'auprès des personnes en souffrance dont ils assurent le suivi. Rappelons que le Conseil supérieur du travail social a été saisi de cette question et devrait rendre ses propositions en 2002 (3).
Bernard Kouchner souhaite aussi développer les pratiques en réseaux entre professionnels spécialisés en santé mentale ainsi qu'entre ces derniers et les professionnels du champ médico-social, social ou éducatif. L'idée étant de permettre un accès aux soins spécialisés plus précoce et une continuité des soins quel que soit le lieu où est le patient. Dans ce sens, la possibilité de créer des conseils locaux de santé mentale est évoquée. Une réflexion sera également engagée en 2002 sur la possibilité de formations croisées entre travailleurs sociaux et infirmiers de secteurs psychiatriques « en vue d'une culture commune autour de la souffrance psychique et de la maladie mentale » (2,28 millions d'euros/15 millions de francs en 2002).
Avenue de Ségur, on souhaite de plus améliorer la coordination des décideurs interministériels (Santé, Education et Justice), des décideurs institutionnels locaux et favoriser l'articulation entre les acteurs du champ sanitaire. S'agissant du partenariat avec les acteurs sociaux et médico-sociaux, l'idée est de poser le principe d'un projet global pour le malade, c'est-à-dire un projet de soins conjoint au projet de vie. Un groupe de travail s'y penche actuellement. Ses conclusions sont attendues pour juillet 2002.
Pour mieux appréhender la santé mentale, des programmes spécifiques sont ou seront développés en direction des publics fragiles. Une circulaire interministérielle d'orientations (Santé, Justice, Education nationale, Ville), en mars 2002, devrait ainsi favoriser les collaborations des acteurs et des institutions du champ éducatif, social et médico-social, judiciaire, sanitaire pour la prise en charge des mineurs en grande difficulté.
Par ailleurs, Bernard Kouchner cherche à amplifier le développement d'actions d'insertion sociale et professionnelle pour les enfants, les adolescents et les adultes en situation de handicap du fait de troubles mentaux. A ce sujet, le député (PS) Michel Charzat s'est vu confier une mission sur les difficultés et les attentes des personnes handicapées psychiques, dont les résultats devraient être communiqués en février (4).
Pour mieux organiser l'offre de soins, le ministre délégué à la santé veut fonder les choix et les stratégies de planification à partir d'une mesure des besoins en santé mentale, que la planification soit nationale ou régionale. Il souhaite également rénover la planification et réorganiser les soins psychiatriques. Sur ce dernier point, un groupe de travail piloté par la direction de l'hospitalisation et de l'organisation des soins devrait remettre son rapport le mois prochain. D'ores et déjà, Bernard Kouchner se fixe plusieurs objectifs : relocaliser des unités d'hospitalisation complète éloignées des bassins de vie qu'elles desservent dans les centres hospitaliers de proximité ;développer des alternatives à l'hospitalisation pour atteindre un rapport intra-hospitalier/extra-hospitalier de 40 %/60 %. Il propose également l'organisation de « centres d'accueil intersectoriels 72 heures » proches des services d'accueil d'urgence des hôpitaux généraux. Et le développement d'interventions à domicile par des équipes de psychiatrie 7 jours sur 7. Tout en étant conscient qu'il faudra du temps, « dix ans peut-être ».
Enfin, un programme de recherche, dernier axe de ce plan, est prévu.
(1) Voir ASH n° 2222 du 6-07-01.
(2) Voir ASH n° 2227 du 7-09-01.
(3) Voir ASH n° 2232 du 12-10-01.
(4) Voir ASH n° 2232 du 12-10-01.