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Les sans-abri ne sont pas sans « besoins »

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Que font les villes pour l'hygiène des sans-abri ? En enquêtant sur l'accès des plus démunis à des toilettes gratuites, l'association « La raison du plus faible »   (1) s'intéresse à un problème pratique, mais aussi à la place laissée aux « marginaux » dans l'espace urbain, explique son président, Charles Schweisguth.
Les villes offrent-elles encore des toilettes gratuites ?

Notre enquête montre que les toilettes accessibles sans condition ont quasiment disparu dans 80 % des grandes villes et que, dans 65 % d'entre elles, il en va de même pour les urinoirs. Par rapport aux années 80, nous avons l'impression que la situation s'est améliorée pour l'accès aux douches et aux laveries, mais qu'elle empire pour l'accès aux toilettes, notamment à cause de la généralisation des cabines payantes, surtout dans les centres-villes et les lieux touristiques. Relayant une question posée par le sociologue Julien Damon (2), nous nous demandons si la restriction de l'accès aux toilettes peut avoir l'objet inavoué d'éloigner les « marginaux » de lieux où l'on ne souhaite pas les voir.

Pourquoi vous êtes-vous attaqués spécifiquement à ce problème ?

Pour les personnes privées de domicile, l'hygiène est l'un de ces besoins élémentaires de la vie quotidienne dont la satisfaction constitue une difficulté et souvent une humiliation. Nous avions depuis longtemps l'idée de faire quelque chose sur cette question, mais notre petite association (de personnes pour la plupart engagées par ailleurs dans des lieux d'accueil) n'interpelle les pouvoirs publics que sur un problème bien identifié à la fois. Après avoir travaillé (et obtenu des résultats) sur les questions de gratuité dans les transports urbains (3), ou d'inscription des sans domicile fixe sur les listes électorales, par exemple, nous avons décidé de lancer cette enquête sur les sanitaires. Faute de logistique pour interroger toutes les villes, et parce que nous avons l'impression- mais il faudrait vérifier - que les difficultés sont moins aiguës dans les localités moyennes (ne serait-ce que parce qu'elles n'ont pas les moyens d'installer des toilettes autonettoyantes), nous avons envoyé un questionnaire précis avec une lettre personnalisée aux maires des 101 villes de plus de 50 000 habitants, et à 20 maires de communes de 5 000 à 40 000 âmes. Nous sommes aussi allés faire une enquête de terrain auprès des services de quatre villes de Rhône-Alpes. 64 %des maires ont réagi à notre intervention.

C'est un bon taux de réponses. Quid de leur contenu ?

Les trois quarts se limitent aux données factuelles. Les autres ajoutent des commentaires qui se partagent entre l'expression d'un intérêt pour notre démarche et la justification des politiques restrictives : les toilettes publiques gratuites étant devenues des lieux de  « rencontres » et d'échange de drogue, le  « péage », qui ne couvre qu'une faible partie des frais, vise avant tout à limiter le détournement de l'usage des cabines ou leur dégradation. Il semble cependant que notre interpellation ait mis quelques élus mal à l'aise. Un seul maire répond à l'interrogation de Julien Damon... Les associations de maires, sollicitées, n'ont pas donné suite.

Des villes ont-elles une politique satisfaisante en la matière ?

Il faudrait réaliser une autre enquête auprès des sans domicile fixe eux-mêmes pour répon- dre. Des villes se sont, en tout cas, posé la question. Certaines, comme Grenoble, ont décidé de maintenir (et de rénover) des équipements traditionnels gratuits, entretenus à un faible coût. Chambéry a fait transformer des cabines payantes pour en rendre l'accès gratuit. Nous ne considérons pas les difficultés rencontrées comme de simples prétextes. Elles ne semblent pas non plus d'une ampleur telle qu'elles justifient des politiques d'accès systématiquement restrictives ni ne dispensent de s'interroger sur leurs conséquences sociales. Quel est le sens d'un service public si en sont exclus ceux et celles qui en ont absolument besoin ? Peut-on contraindre les plus faibles à des pratiques socialement réprouvées et qui leur renvoient d'eux-mêmes une image dégradante ? Il ne s'agit pas d'humaniser la rue. Nous demandons que le prochain quinquennat soit celui où cessera l'abandon des plus faibles à la rue. Mais, en attendant, rien ne nous empêche de chercher des réponses pratiques à des questions pressantes. Propos recueillis par Marie-Jo Maerel

Notes

(1)  La raison du plus faible : 11, av. Beaucour - 75008 Paris - Tél. 01 39 53 08 38.

(2)  Dans un article sur « Les servitudes d'aisance » paru dans Informations sociales, n° 85/2000.

(3)  Voir ASH n° 2125 du 25- 06-99.

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