Comment améliorer les relations entre parents, enfants, et professionnels dans le cadre de la protection de l'enfance ?Sur ce sujet pour le moins délicat, en raison des systèmes de représentations contradictoires qu'il met en jeu, le groupe de travail institué en septembre par Ségolène Royal (1) formule 23 propositions à la fois simples et concrètes. Des pistes de réflexion qui se nourrissent de l'opinion des acteurs de terrain et devraient être discutées, le 15 novembre, lors des états généraux de la protection de l'enfance.
D'emblée, Claude Roméo, directeur de l'enfance et de la famille au conseil général de la Seine-Saint-Denis et pilote du groupe de travail, tient à sortir d'une vision archaïque - entretenue par l'ambiguïté même de certaines déclarations de Ségolène Royal - assimilant aide sociale à l'enfance (ASE) et placement. « Il convient de prendre garde à ne pas faire de l'accueil par l'aide sociale à l'enfance un repoussoir commode au soutien parental », prévient-il, insistant sur la nécessité de travailler sur les conditions posées à la prise en charge physique :l'admission à l'ASE doit être exceptionnelle, motivée, fondée sur le contradictoire et susceptible d'appel.
Bien sûr, le tableau des relations parents-professionnels est loin d'être entièrement noir. De nombreux signes témoignent que les institutions ont pris conscience du bien-fondé d'associer les parents. Et la législation a évolué. Néanmoins, bien des progrès restent à accomplir pour mettre en place un véritable partenariat respectant la place de chacun, constate le groupe de travail. Lequel estime qu'il faut tout à la fois soutenir les parents - et respecter les usagers - mais aussi accompagner les professionnels, souvent démunis face à des situations de plus en plus complexes et contraints d'intervenir en urgence. Et c'est bien dans cette double direction qu'il faut, selon le groupe de travail, faire évoluer les pratiques professionnelles.
Pas question en tout cas de remettre en cause le dispositif français de protection de l'enfance. Son cadre législatif est globalement bien adapté et la double compétence, protection administrative/ protection judiciaire, en constitue précisément toute la richesse. Le groupe de travail propose plutôt une série d'améliorations visant tout à la fois le soutien à la fonction parentale, le renforcement de l'accès au droit des usagers, l'évolution des pratiques professionnelles, des services et des principes généraux de la protection de l'enfance.
Parmi ses suggestions, il préconise de mettre en place un « carnet de vie » pour l'enfant retraçant son parcours à l'ASE, de réfléchir à la création d'une mesure d'aide éducative et sociale de soutien à la famille fondée sur la demande des parents, comme le suggère le Carrefour national de l'action éducative en milieu ouvert (2) - deux mesures qui pourraient être retenues par Ségolène Royal -, d'améliorer la communication avec les familles en leur remettant, par exemple, un guide national présentant le dispositif de protection de l'enfance...
Autre souci du groupe de travail : adapter les rythmes institutionnels aux besoins des familles en créant des équipes de soutien et d'urgence à domicile intervenant le soir et le week-end. Il s'agit également d'assouplir le dispositif d'accueil en associant accompagnement à domicile et prestation d'accueil - sur le modèle du service d'adaptation progressive en milieu naturel dans le Gard (3) - et en organisant des accueils d'urgence, de jour ou à temps partiel, et des accueils courts en particulier pour les adolescents en crise avec le milieu familial. Services qui doivent s'accompagner de la création d' « espaces de mobilisation » pour les parents permettant de préparer le retour de l'enfant dans sa famille.
Par ailleurs, le recours au juge ne doit plus être systématique : d'où la nécessité de favoriser les mesures contractualisées avec les familles en prenant le temps de l'évaluation et de l'élaboration du projet.
Mais les professionnels doivent être aussi soutenus :par une adaptation de la formation initiale et continue et la mise en place de supervisions hebdomadaires pendant les deux premières années de travail. Le rapport prône également la création d'une permanence d'écoute téléphonique spécialisée pour les professionnels et la diversification des équipes de protection de l'enfance en les ouvrant à d'autres intervenants (comme les infirmiers ayant une expérience en psychia- trie) et aux techniciens de l'intervention sociale et familiale.
Enfin, le groupe de travail propose de réactualiser la commission départementale de protection de l'enfance placée sous l'autorité conjointe du préfet et du président du conseil général (qui n'a plus fonctionné depuis la décentralisation) et d'en faire un lieu de coordination, d'évaluation des politiques et d'observation de l'enfance en danger.
I. S.
(1) Voir ASH n° 2234 du 26-10-01. Ce groupe de travail réunissait des représentants des services de l'Etat, des départements, de la Justice, d'associations habilitées et d'associations d'usagers, des universitaires et des personnes qualifiées.
(2) A travers « l'aide éducative demandée », voir ASH n° 2234 du 26-10-01.
(3) Voir ASH n° 2204 du 2-03-01.