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Pour une aide éducative fondée sur une demande explicite des familles

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Ala veille de l'examen au Sénat du texte réformant la loi de 1975, le Cnaemo, par la voix de son président, Denis Vernadat, réclame la création d'une nouvelle mesure éducative et sociale de soutien à la famille, dans le cadre des missions de l'aide à domicile : « l'aide éducative demandée »   (1). Une prestation qui répondrait à une démarche volontaire d'adultes « se reconnaissant en difficulté dans leurs fonctions parentales d'éducation ».

« Dans le cadre de la réforme de la loi de 1975 sur les institutions sociales et médico-sociales, le Carrefour national de l'action éducative en milieu ouvert  (Cnaemo) vient de proposer officiellement à Ségolène Royal, ministre déléguée à la famille, à l'enfance et aux personnes handicapées, une modification du code de l'action sociale et des familles, pour instituer une mesure éducative et sociale de soutien à la famille :l'aide éducative demandée.

Cette proposition de compléter l'article L. 222-3 du code de l'action sociale et des familles tend à rééquilibrer la culture actuellement prédominante de l'aide contrainte (action éducative en milieu ouvert [AEMO] judiciaire) en faveur de l'aide demandée gage d'une meilleure inscription sociale des parents.

Le Cnaemo persiste à appeler de ses vœux un accompagnement éducatif et social de la famille fondé sur “une demande volontaire” des adultes se reconnaissant en difficulté dans leurs fonctions parentales d'éducation.

Il s'agit de dépasser la culture du “signalement” préalable aux interventions judiciaires, mais, la plupart du temps, également aux interventions administratives de prévention, pour développer une approche plus respectueuse des capacités parentales, notamment celle d'une demande autonome d'aide.

Notre proposition vise, d'une part, à prôner le développement d'une prestation de droit civil commun en direction des parents, père, mère ou personne exerçant l'autorité parentale, tendant à leur venir en aide et à les soutenir dans l'exercice de leur fonction parentale, d'autre part, à créer les services habilités à la mettre en œuvre dans le cadre de la protection de l'enfance.

Cette recherche d'une prestation respectueuse de la demande explicite des familles et de leur capacité à assumer leur tâche d'adulte en charge d'éducation s'inscrit dans une double réflexion :

 depuis des années, le Cnaemo a fait l'analyse que les dispositifs d'action éducative de type préventif devaient venir soutenir la chaîne des interventions éducatives ;

 repointer le fait que les difficultés parentales ne sont pas synonymes de dysfonctionnement de l'autorité parentale : que le nombre de mesures éducatives judiciaires en attente - non exercées - témoigne bien à cet endroit de la difficulté croissante du traitement de cette question, dès lors que le manque d'infrastructures renforce la nécessité de signaler... bien évidemment.

Préserver la singularité de notre système de protection de l'enfance

C'est bien en cela, que notre proposition s'inscrit en rupture avec la mesure éducative et sociale de soutien à la famille  (Messaf) préconisée par le rapport Naves-Cathala (2). Contrairement à la surjudiciarisation qu'elle tendrait à institutionnaliser, nous ne la souhaitons pas. Au contraire, nous souhaitons préserver ce qui fait l'unicité, la singularité de notre système à double-entrée de protection de l'enfance : assistance éducative judiciaire et prestations administratives en prévention.

L'AEMO judiciaire, comme administrative, travaille, au quotidien, sur le lien fragile qui permet à des parents d'accéder aux dispositifs de droit commun, d'être reconnus comme des interlocuteurs légitimes par l'Education nationale, de bénéficier des prestations sociales et de faire valoir leurs statuts de parents. Ces actions, pas toujours assez visibles, sont pourtant irremplaçables dans une démarche de requalification des parents, étape indispensable à l'exercice satisfaisant d'une autorité parentale qui ne peut être décrétée de l'extérieur, mais peut être assumée grâce à un soutien éducatif.

Nous savons que la responsabilité d'être parents peut être écrasante. Nous savons parce que l'action éducative en milieu ouvert est justement une inter-vention (en deux mots), c'est-à-dire que la séparation des places concrètes et symboliques est l'enjeu primordial d'un travail sur les interrelations familiales.

Mais nous connaissons aussi l'importance des précautions à prendre pour que cette dynamique soit l'affaire des parents eux-mêmes, les efforts à déployer pour que les pères notamment participent effectivement au déroulement de la mesure éducative, la prudence des premiers contacts et la clarté des engagements nécessaires pour être acceptés dans notre mission, qu'elle soit judiciaire ou administrative.

L'intervention de l'AEMO dans la cellule familiale nécessite, avant tout, l'engagement des professionnels dans une relation éducative explicitement référée à la mission reçue. Cette relation peut être critique et exigeante, mais reste obligatoirement respectueuse des parents dans leurs fonctions et attributions. C'est à partir de ce respect et de cette reconnaissance de l'autorité parentale que se trouve facilitée l'inscription sociale liée à la parentalité.

Renforcer la chaîne des actions éducatives

L'époque est bien à dire tout et son contraire et, dans des conditions où les uns tentent de responsabiliser les familles, en disqualifiant un peu plus les parents défaillants, en cherchant à leur imposer une autorité parentale qu'ils ne peuvent assumer... Comment dès lors accompagner et restaurer plutôt que de stigmatiser les défaillances ?

Il n'est donc plus recevable, ni admissible, de constater les seules défaillances parentales (voire d'y participer) sans proposer de réponse qui implique les familles directement, et dans la perspective d'une intervention, encadrée par la loi.

Il est capital que la future réforme de la loi de 1975 prenne enfin en compte cet aspect du dispositif de protection de l'enfance. Rappelons-nous que nous avons connu, dans une période encore récente, le souhait ministériel de venir bousculer la loi pour que le magistrat stoppe son intervention au civil au bénéfice du seul traitement des mineurs sur le plan pénal.

N'oublions pas non plus que l'ensemble des politiques européennes tendrait à vouloir nous inscrire dans un contexte de dispositifs de protection à fortes dominantes et références au droit et aux procédures anglo-saxons.

Notre proposition vient soutenir durablement notre injonction à renforcer l'ensemble de la chaîne des actions éducatives à un moment où la nature et la destination de nombreux rapports, demandés par le gouvernement, ont pointé les lacunes de notre propre dispositif national sur fond de critique sévère du travail social. C'est à l'aune de l'évaluation des politiques sociales et locales que le Cnaemo a poursuivi cette recherche, ayant à dire ici et à souligner que, si les professionnels du travail social sont toujours des acteurs de première ligne, il convient de renforcer les moyens d'une intervention éducative et sociale susceptible d'être comprise et reconnue comme telle par les parents des jeunes qui nous sont traditionnellement confiés, signifiant par le fait l'expression d'une volonté politique claire.

Récemment encore, le Cnaemo vient de rejoindre le groupe de travail sur “l'évolution des relations parents-professionnels-enfants” initié par la ministre déléguée à la famille et dirigé par Claude Roméo, président de l'Association nationale des directeurs d'action sociale et de santé des conseils généraux  (Andass). Cette inscription marque ici notre volonté de participer à un débat d'envergure nationale susceptible “de faire évoluer les pratiques professionnelles pour obtenir une collaboration des familles pour les projets concernant leurs enfants, veillant à associer au mieux responsabilités parentales et exigences de protection de l'enfance”. »

Denis Vernadat Président du Cnaemo 35, avenue de la Paix - 28300 Lèves Tél. 02 37 20 00 52.

Notes

(1)  Voir ASH n° 2220 du 22-06-01.

(2)  Voir ASH n° 2177 du 25-08-00.

TRIBUNE LIBRE

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