« Alors que la loi contre les exclusions a déjà trois ans, qu'il existe un nouveau droit théorique aux soins pour tous, et que nous sortons de trois ans de croissance ininterrompue, comment admettre que plus de 30 000 personnes n'aient toujours pas accès au système de soins classique ? », s'indigne Médecins du monde (1). Ce sont en effet près de 35 000 patients qui se sont rendus en 2000 dans les 32 centres de soins de l'association, selon le rapport qu'elle a rendu public à l'occasion de la journée mondiale de lutte contre la misère, le 17 octobre.
Certes, conséquence de la mise en place de la couverture maladie universelle (CMU), cette fréquentation est en baisse de 20 % par rapport à l'année précédente. Au point que certains centres de taille moyenne, à Metz, Saintes, Montauban, La Rochelle, Niort et Angoulême, ont fermé en 2001. Cependant, regrette Médecins du monde, « le constat est sans appel : la loi sur la CMU montre au bout d'un an et demi ses insuffisances et ses limites ».
L'information n'atteint pas les plus précaires, puisque 31 % des patients de l'association déclaraient ne pas connaître leurs droits. Autre lacune, les permanences d'accès aux soins de santé (PASS), censées offrir dans les hôpitaux un accès aux soins aux personnes dont les droits ne sont pas encore ouverts, « sont encore très insuffisantes en nombre et en qualité ». Lorsqu'elles existent, elles sont « souvent peu et mal signalées ». Dans près de la moitié des villes où l'organisation est implantée, les PASS sont dépourvues de consultation de médecine générale, et 60 % ne proposent pas de soins dentaires. Alors que ces derniers apparaissent nécessaires pour un cinquième des patients de Médecins du monde. Quant aux dentistes, ils sont encore réticents à recevoir les bénéficiaires de la CMU, et plus encore les titulaires de l'aide médicale d'Etat, qui concerne les étrangers en situation administrative précaire ou irrégulière. La faute en revient en partie à l'Etat qui, selon l'organisation, « ne joue pas le jeu » de l'aide médicale et rembourse les praticiens dans des délais prohibitifs.
C'est précisément sur la question de l'accès aux soins des étrangers que se focalisent les inquiétudes de Médecins du monde, qui constate, dans ses centres, un « afflux croissant » de demandeurs d'asile et de déboutés du droit d'asile, généralement en « grande précarité sanitaire, sociale et administrative ». La proportion de ses patients étrangers est ainsi passée de 71 % en 1999 à 85 % au premier semestre 2001.
L'association pointe de grandes inégalités avec les Français. Ainsi, parmi ses patients qui ont droit à la CMU, 58 % des Français ont des droits ouverts, mais seulement un cinquième des étrangers sont dans cette situation. En fait, 60 % des étrangers entrés en France depuis dix ans n'ont toujours aucune couverture maladie, CMU ou aide médicale. D'une façon générale, 95 % des personnes relevant de ce dernier dispositif n'ont aucun droit ouvert. Il est vrai que, réservé aux situations irrégulières, il expose au danger d'être repéré lors de toute démarche de santé. A ces faits, s'ajoute l'exclusion de la CMU des enfants de parents étrangers en situation irrégulière ou instable. Des enfants qui « vivent donc aujourd'hui en France sans aucune protection sociale, ce qui est contraire à toutes les conventions internationales », s'indigne l'organisation (2).
Autant de constats qui conduisent Médecins du monde à demander à nouveau une simplification de la loi par l'instauration d' « une couverture maladie véritablement universelle, la même pour toutes les personnes résidant sur notre territoire ». Une proposition dont elle espère que les candidats aux échéances électorales du printemps prochain se saisiront...
(1) Médecins du monde : 62, rue Marcadet - 75018 Paris - Tél. 01 44 92 15 15.
(2) Laquelle a rédigé, avec le Conseil national des politiques de lutte contre l'exclusion, une proposition d'amendement permettant à tout mineur de bénéficier de la meilleure protection sociale possible.