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« Mais où est donc passée la prévention spécialisée ? »

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F ormateur à l'Institut régional de travail social de Paris, Yves Le Duc déplore que la prévention spécialisée ne soit plus mentionnée comme l'une des composantes de l'aide sociale à l'enfance dans le nouveau code de l'action sociale et des familles. Selon lui, cette évolution des textes est le prélude à un « éclatement professionnel ».

« Les missions de la prévention spécialisée ne relèveraient plus explicitement de l'aide sociale à l'enfance  (ASE), du moins si l'on se réfère au nouveau code de l'action sociale et des familles (CASF). Le nouvel article L. 121-2 du CASF semble, en effet, l'inclure parmi les compétences générales des départements, contrairement à l'article 45 de l'ancien code de la famille et de l'aide sociale (CFAS), qui positionnait la prévention spécialisée comme l'une des composantes de l'ASE.

Quelle signification faut-il accorder à ce glissement, qui s'est opéré à l'occasion de la publication de ce nouveau code, en décembre 2000 ? La rédaction du nouvel article L. 121-2 du CASF confirme bien ce décrochage de la prévention spécialisée de la protection de l'enfance : “Dans les lieux où se manifestent des risques d'inadaptation sociale, le département participe aux actions visant à prévenir la marginalisation, faciliter l'insertion ou la promotion sociale des jeunes et des familles qui peuvent prendre une ou plusieurs formes suivantes :

1° Actions tendant à permettre aux intéressés d'assurer leur propre prise en charge et leur insertion sociale ;

2° Actions dites de prévention spécialisée auprès des jeunes et des familles en difficulté ou en rupture avec leur milieu ;

3° Actions d'animation socio-éducatives...”

A vrai dire, cette définition n'est pas nouvelle. C'est la reprise, mot pour mot, de l'ancien article 45 du CFAS. Ce qui est nouveau, en revanche, est le “déclassement” de la prévention spécialisée des missions de l'ASE, service placé sous la responsabilité exclusive des conseils généraux.

Alors, pourquoi nous inquiéter de ce simple remaniement des textes ? C'est que les effets secondaires de ce changement sont nombreux. Ce qui n'a pas échappé à l'attention des membres du Conseil supérieur du travail social, réunis le 18 juin.

Plus qu'un éclatement institutionnel de la prévention spécialisée, ce qui est à redouter est un éclatement professionnel. Depuis le début des années 80, les lois de décentralisation et le lancement des politiques territoriales de lutte contre la délinquance, dans le cadre des programmes de développement social des quartiers et de développement social urbain, puis dans le cadre de la politique de la ville, l'éclatement institutionnel de la prévention est une réalité bien établie. Les communes, l'Etat, à travers ses financements et ses services déconcentrés, coopèrent dans un partenariat plutôt actif, notamment à travers les contrats de plan, les contrats de ville et les contrats locaux de sécurité.

Vers un éclatement de la prévention spécialisée ?

Les équipes de prévention n'ont pas eu à souffrir de ces évolutions. Tout au plus, ont-elles été confrontées, elles aussi, à la montée générale d'une demande de sécurité et associées à une politique globale de prévention de la délinquance qui a pu les éloigner de l'action quotidienne des services de l'ASE et de la protection judiciaire de la jeunesse. Les conseils généraux ont continué, de leur côté, à financer les clubs de prévention, mais sans les associer à la définition d'une politique territoriale de protection de l'enfance. Ainsi, l'action des équipes de prévention a très rarement été intégrée dans les schémas départementaux de l'ASE.

La prévention primaire a été négligée, avant d'être redécouverte très récemment et encouragée par une nouvelle politique de soutien à la parentalité. Les effets de ces tâtonnements institutionnels post-décentralisation ont été, eux, beaucoup plus dommageables sur le paysage professionnel de la prévention. Les nouvelles figures de la professionnalité se sont succédé en s'additionnant, depuis une vingtaine d'années :agents de développement, animateurs, agents de médiation, agents d'insertion, adjoints de sécurité... A l'exception notable de la dernière catégorie (voir l'arrêté du 24 août 2000), le statut de ces nouveaux professionnels n'a pas été défini.

Si l'éducation, le soutien, la promotion des jeunes en difficulté ne sont l'apanage d'aucun professionnel et nécessitent même l'appui massif de non-professionnels, la prévention primaire auprès des parents requiert, quant à elle, un minimum de compétence et de formation. Il serait peut-être temps d'en prendre conscience. »

Yves Le Duc Formateur - IRTS Paris : 145, avenue Parmentier - 75010 Paris - Tél.01 42 03 08 31.

TRIBUNE LIBRE

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