En France, un nombre croissant d'adultes (570 000 aujourd'hui, soit près de 1 % de la population) sont « judiciairement protégés ». Comment ces personnes âgées, déficientes mentales ou socialement « désinsérées » vivent-elles sous tutelle ou curatelle ? Certaines apprécient cette mesure comme une aide pour sortir de la spirale infernale du surendettement, des filières psychiatriques ou de la solitude, mais beaucoup d'autres la perçoivent comme une honte et un facteur d'exclusion supplémentaire.
En enquêtant du côté des « bénéficiaires » de la tutelle, le sociologue Gilles Séraphin fait ressortir les contraintes, formelles, mais plus encore psychologiques, morales et sociales, qui leur sont imposées et les stratégies de réponse ou de contournement adoptées. Il passe aussi au crible le regard posé sur les personnes protégées, le modèle qui leur est opposé et surtout les pratiques des services tutélaires. Son travail critique et exigeant pourra sans doute être perçu par certains comme une mise en cause un peu rude. Il reste néanmoins toujours bienveillant.
L'ouvrage se termine sur des propositions d'amélioration. Elles portent sur les réformes envisagées et surtout sur les relations entretenues entre les intervenants et les personnes protégées. Des relations paradoxales qui doivent évoluer de la contrainte à la construction.
M.-J.M. Agir sous contrainte. Etre sous tutelle ou curatelle dans la France contemporaine - Gilles Séraphin - Ed. L'Harmattan - 110 F (16,80 € ).