Les travailleurs sociaux seront-ils demain des « cliniciens-développeurs » ? A savoir des professionnels capables d'agir à la fois sur l'accompagnement de la personne et le développement du territoire ? Telle est la question posée par Philip Mondolfo, enseignant et responsable de la filière développement social et travail social de l'IUP Aménagement et développement territorial à l'université Paris-XIII. Lequel voit dans le mouvement du développement une chance de « reprofessionnaliser » le travail social.
Si le concept de développement fait à nouveau recette à travers différents colloques et journées d'étude, la démarche n'est pas nouvelle. Et l'auteur rappelle fort opportunément que, déjà la circulaire Questiaux du 28 mai 1982 appelait les travailleurs sociaux à s'y investir et que le Mouvement pour le développement social local n'a guère attendu pour diffuser ce discours auprès de certains élus et travailleurs sociaux. On ne peut donc ignorer aujourd'hui que des employeurs, dans le cadre d'une réorganisation de services, quelques centres de formation et une poignée de professionnels se sont ouverts à cette approche fondée sur l'ouverture au territoire et à la transversalité. Reste que le message s'affiche encore lentement, faute, selon Philip Mondolfo, d'une véritable reconnaissance et d'une clarification conceptuelle de la notion de développement - confondu souvent avec l'action collective ou le développement social et/ou local.
Pourtant, ce modèle d'intervention - à condition d'être stabilisé - peut relégitimer l'action des professionnels. C'est du moins la thèse défendue par l'auteur, qui prend appui sur plusieurs expériences menées sur le terrain par une minorité de professionnels. Interrogés, ceux-ci témoignent en effet du changement qui s'est produit dans leurs relations avec leurs usagers, dans leur façon de travailler mais aussi dans leur image, du coup revalorisée auprès de leurs partenaires... L'auteur parle même « d'identité nouvelle » que les travailleurs sociaux investis dans ces projets construiraient avec les membres de l'action. Ce qui, bien sûr, ne se fait pas sans aménagements douloureux. Car les freins à la démarche sont nombreux : au manque de disponibilité et à l'insuffisance de la formation des professionnels, s'ajoutent le cloisonnement des services et l'absence de soutien institutionnel. L'introduction du développement dans le travail social ne va pas de soi, car il dérange les habitudes, les représentations et les cadres des différents acteurs.
Alors faut-il s'appuyer sur cette dynamique interne au travail social pour définir « un nouvel idéal type professionnel » associant des compétences relationnelles à une ingénierie du développement, comme le défend Philip Mondolfo ?Si les cultures et les formations au travail social doivent bien évidemment intégrer l'approche territoriale et le développement, on peut toutefois s'interroger sur le danger d'en faire le remède miracle à la crise d'identité des travailleurs sociaux. Et sur les risques d'ériger un nouveau miroir aux alouettes masquant la réalité des problèmes à traiter. Philip Mondolfo a le mérite d'engager le débat et d'obliger sans doute à s'interroger sur l'avenir du travail social autrement qu'à la loupe de la notion d'intervention sociale.
I.S. Travail social et développement - Philip Mondolfo -Ed. Dunod - 145 F (22,11 €).