Quelles relations les ménages pauvres entretiennent-ils avec le système bancaire ? Diffèrent-elles de celles de l'ensemble de la population ? Telles sont les questions explorées par une enquête du Centre de recherche pour l'étude et l'observation des conditions de vie (Credoc), menée au premier semestre 2001 auprès de 966 bénéficiaires de minima sociaux, confortée par l'interrogatoire de 206 autres personnes situées sous le seuil de pauvreté (1).
2 % des ménages pauvres ne disposent d'aucun compte bancaire et 44 % d'un seul (contre respectivement 0 et 11 % pour l'ensemble de la population). 32 % sont titulaires d'au moins trois comptes de dépôt ou sur livret (contre 74 %). Seuls 54 % des bénéficiaires de minima sociaux disposent d'un chéquier (contre 96 %) et 40 % d'une carte bancaire (contre 79 %). Par contre, il sont plus nombreux à disposer d'une carte de retrait qui ne permet que les opérations au distributeur. Ils utilisent moins souvent les virements et prélèvements car ils les connaissent plus rarement. Epargner est évidemment chose difficile pour les ménages pauvres : seuls 11 % d'entre eux sont titulaires d'un compte à terme et 45 % d'un compte sur livret (contre 45 et 75 %) et ils l'alimentent moins fréquemment.
10 % des titulaires de minima sociaux se déclarent « interdits bancaires » (contre 1 % en France entière), ce qui ne les empêche pas de bénéficier du service minimum garanti par la charte des services bancaires (un compte et une carte de retrait mais pas de chéquier). 8 % se sont vu refuser l'ouverture d'un compte et 7 % sa fermeture (à cause des engagements en cours), soit deux à trois fois plus que le reste de la population.
« Au total, alors que les trois quarts de la population globale possèdent une carte bancaire, un chéquier et éventuellement une carte de retrait, moins du tiers des bénéficiaires de minima cumule ces moyens de paiement », résume le Credoc. Logiquement, plus du tiers d'entre eux ne disposent donc que du paiement en espèces chez les commerçants (contre 3 % de la population). Les autres dépenses (loyer, impôts, achats par correspondance...) sont aussi plus fréquemment réglées en liquide.
85 % des titulaires de minima sociaux déclarent n'avoir pas recours au crédit (contre 57 %), mais ceux qui en souscrivent l'utilisent surtout pour acheter du mobilier ou de l'électroménager, alors que la population globale les destine souvent à des achats plus importants comme celui d'un véhicule ou d'un logement. La gestion des crédits est moins assurée chez les titulaires de minima, qui demandent moins d'explications et de simulations budgétaires au moment de la souscription. Pourtant, six ménages pauvres sur dix (à peu près comme le reste de la population) s'estiment bien accueillis dans leur agence, qu'ils fréquentent aussi plus souvent.
Au total, confirme sans surprise le Credoc, le sous-équipement des ménages pauvres en produits et services bancaires « s'explique davantage par des revenus plus faibles et des ménages plus petits que par des pratiques discriminatoires des organismes financiers [...]. L'exclusion se situe plutôt dans l'accès à l'information. »
(1) Consommation et modes de vie n° 153 - Septembre 2001 - Credoc : 142, rue du Chevaleret - 75013 Paris - Tél. 01 40 77 85 01.