100 000 jeunes trouvent chaque année un logement en foyers de jeunes travailleurs (FJT), pour un séjour moyen de près de six mois, qui peut durer en fait de quelques jours à deux ans. Pour les uns, il s'agit d'assurer une simple mobilité géographique, le temps d'accomplir un stage ou de trouver un logement en ville. Pour d'autres, le FJT offre une solution, la seule, après une rupture familiale ou sur le chemin cahoteux d'une insertion sociale et professionnelle difficile. A tous, il s'agit d'offrir des logements « banalisés, faciles d'accès, rapidement mobilisables, agréables et bon marché », défend Bernard Faure, président de l'Union des foyers et services pour jeunes travailleurs (UFJT) (1).
Pour répondre à cette ambition, les associations qui gèrent les foyers doivent souvent s'attaquer à la rénovation d'un bâti qui date majoritairement des trente glorieuses, quand il s'agissait de faire face à l'industrialisation rapide et à l'exode rural. Un bâti qui a donc beaucoup vieilli, au plan technique comme à celui des normes sociales. Certes, dans les années 90,150 foyers ont déjà fait l'objet d'une réfection complète, si ce n'est d'une reconstruction, comme ce fut le cas à Tours (2). Mais il reste beaucoup à faire et une centaine de réhabilitations sont actuellement en projet.
A Lille, par exemple, le foyer Nazareth (3), va restructurer, en 2002-2003, son installation fractionnée dans six maisons du XIXe siècle, où subsistent beaucoup de chambres sans confort et à deux lits. A la fin des travaux, au lieu des 96 places actuelles, il n'y en aura plus que 65, mais avec sanitaires et kitchenettes. Plus des locaux de vie collective. Coût du projet : 14 millions de francs. Autre exemple, celui de Saint-Quentin-en- Yvelines, où le FJT des Sept-Mares (4) se prépare à rénover un ancien « celibatorium » de la SNCF, construit en 1982 pour 120 lits. Le projet prévoit d'y réinstaller 70 logements en chambres, studios et F2, pour un coût de 3 millions de francs.
Avec un investissement moyen de dix millions de francs, aucun foyer ne mène seul une restructuration. La règle veut qu'il s'entoure de tous les partenaires locaux intéressés par le logement des jeunes dans une « maîtrise d'ouvrage collective ». D'abord pour vérifier l'oppor- tunité du projet (localisation, coût, etc.) et assurer sa faisabilité. Ensuite pour mieux mobiliser tous les cofinancements possibles, dans un tour de table où se retrouvent souvent l'Etat, la région, le département, l'intercommunalité, la ville et les financeurs du logement social. Le dossier est d'ailleurs fréquemment confié à un bailleur social, dont c'est le métier de construire ou rénover.
Seconde évolution majeure : les FJT ne veulent plus seulement être des foyers, mais proposer une offre de logements diversifiée. A dire vrai, le mouvement est enclenché depuis un certain temps, mais il s'agit de l'accélérer fortement. Dans la convention d'objectif qu'elle a signée en décembre 2000 avec le secrétariat d'Etat au logement (5), l'Union des foyers et services pour jeunes travailleurs s'est engagée, non seulement à maintenir la capacité d'accueil de son parc (pourtant rabotée lors de chaque rénovation), mais à l'augmenter de 10 000 nouveaux logements « en diffus ». Soit autant, en trois ans, que ce qui a été réalisé durant les dix dernières années.
Cette diversification peut prendre des formes variées. A commencer par la formule des « foyers soleil », sous-ensembles dispersés, mais qui, en raison de leur proximité avec l'unité centrale, peuvent néanmoins bénéficier de ses services. Par exemple, à Lille, le foyer Nazareth dispose d'une « annexe » de sept logements qui accueille des jeunes des deux sexes et des couples, alors que l'unité centrale ne loge encore que des jeunes filles. A Saint-Quentin-en-Yvelines, c'est tout le foyer des Sept-Mares, créé il y a 15 ans, qui est un foyer soleil, avec 26 studios et 13 grands appartements dispersés dans sept quartiers différents, la structure principale ne regroupant cette fois que les services communs.
Autre possibilité : l'expansion par la rénovation ou la prise en location de logements banalisés, dans le parc public ou privé, qui permet d'offrir des réponses variées à des besoins divers et de proposer de véritables « parcours » vers l'autonomie, qui reste l'objectif primordial. C'est le cas, par exemple, à Tours, où le foyer gère aussi 35 logements disséminés dans toute l'agglomération. De quoi proposer une solution intermédiaire entre foyer et HLM à ceux dont les itinéraires accidentés ou les comportements ne permettent de prétendre ni à l'un ni à l'autre. « Avec 35 logements, nous ne pouvons apporter qu'une réponse homéopathique, précise cependant le directeur de l'association tourangelle, Claude Garcera. Mais notre intervention vise aussi à mobiliser davantage l'offre, à aider les bailleurs à faire preuve d'imagination. » Il se réjouit ainsi que des communes rurales commencent à solliciter le savoir-faire de l'association pour réhabiliter tel bâtiment en déshérence ou pour retenir leurs jeunes obligés de partir vers la ville dès qu'ils rêvent d'un logement autonome. « Nous n'avons pas forcément vocation à devenir un gestionnaire de masse, ajoute-t-il, mais nous pouvons aider d'autres associations ou bailleurs à prendre le relais. »
Ailleurs, la diversification permet aux associations d'étendre un réseau essentiellement urbain et de répondre aux besoins de développement local là où ils s'expriment. En témoigne ce qui se passe dans la Mayenne, où l'Association départementale pour le logement des jeunes (6) est partie prenante d'un programme de réhabilitation d'une centaine de logements privés en secteur rural, afin d'aider les apprentis à trouver un logement à proximité du lieu de travail.
Dans tous les cas, qu'elles gèrent un foyer traditionnel, un foyer soleil ou des logements disséminés, les associations gestionnaires des FJT ne se contentent pas d'offrir le gîte et (parfois) le couvert. Elles assurent aussi un suivi socio-pédagogique qui fait partie intégrante de leur mission et dont l'importance n'a cessé de croître à mesure de l'évolution du public. La crise aidant, les jeunes salariés d'antan ont en effet laissé place à des intérimaires, stagiaires, apprentis, jeunes en contrats aidés ou chômeurs. Seuls 12 % des résidents sont aujourd'hui titulaires d'un contrat à durée indéterminée à plein temps et à peu près autant d'un contrat à durée déterminée. Au lieu de jeunes travailleurs, il faudrait donc parler de jeunes en insertion (pour ne pas dire en galère)...
Trois travailleurs sociaux (financés par le département des Yvelines) sont mobilisés au foyer des Sept-Mares à Saint- Quentin. Leur programme 2001 est axé sur la mixité culturelle, afin de faire de la variété des origines des résidents un atout plutôt qu'un problème. A Tours, deux animateurs organisent régulièrement des activités ou des soirées-débat sur la sécurité routière, les conduites à risque, la dépendance aux drogues, la protection de la nature, le planning familial...
Au foyer Nazareth de Lille, une animatrice, une éducatrice spécialisée, une assistante sociale assurent d'abord le suivi individuel de chaque résident qui en a besoin. Elles l'accompagnent dans son projet d'habitat mais aussi de vie quotidienne (budget, démarches administratives, réparation de liens familiaux...). Par ailleurs, elles font fonctionner trois pôles d'animation collective, respectivement centrés sur la santé, l'emploi et l'habitat. Chacun des pôles propose ses propres activités mais surtout travaille en partenariat avec tous les organismes extérieurs actifs sur le sujet. Ainsi, dans l'espace emploi, on rédige son curriculum vitae et on simule des entretiens d'embauche, mais on apprend aussi à se tourner vers la mission locale et à utiliser toutes ses ressources. « Le passage au foyer doit permettre au jeune en difficulté d'acquérir les repères qu'il n'avait pas avant, estime la directrice, Mireille Le Gall. Et cela, grâce à l'équipe socio-éducative, mais aussi par le brassage avec les autres jeunes, d'origines géographique et sociale différentes. »
La mixité sociale est en effet l'un des atouts ou plutôt l'un des objectifs des FJT... pas toujours réalisé. Certains foyers peuvent être tentés par la facilité d'accueillir en priorité les jeunes sans problème, spontanément attirés par la grande entreprise ou la faculté d'à côté... D'autres, à l'inverse, ont couru après les financements socio-éducatifs et sont devenus des « foyers ASE », où presque tous les résidents relèvent de l'aide sociale à l'enfance, ce qui ne les aide pas forcément à s'en sortir... Tel directeur évoque un taux de 15 % de jeunes suivis par l'ASE, comme, « sans doute, une bonne proportion », permettant de concilier objectifs sociaux et qualité de la vie collective.
L'un des moyens pour favoriser la socialisation des jeunes est aussi d'ouvrir les foyers sur l'extérieur, d'en faire des équipements pour la ville. Ceux qui disposent, comme à Tours, d'une cafétéria agréable, fréquentée par les employés et commerçants du quartier, créent déjà un lien naturel avec le voisinage. D'autres co-organisent certaines de leurs activités avec une association extérieure : le club vidéo ou le labo photo accueillent ainsi les autres jeunes du secteur. Le FJT de Brive a lancé des invitations par voie d'affiches à une cyber-soirée, permettant la découverte de la navigation sur Internet. Celui de Tarbes accueille chaque année un groupe de jeunes étrangers.
Certes, tous les foyers ne sont pas encore des lieux de vie agréables et animés, où les jeunes bénéficient de la sécurité tout en apprenant l'autonomie. Mais, sauf à être menacés d'extinction ou de fermeture - certains y ont été contraints -, tous ont vocation à le devenir.
Marie-Jo Maerel
L'Union des foyers et services pour jeunes travailleurs regroupe, via 21 unions régionales, 400 associations implantées dans 250 villes. Avec environ 95 % des foyers de jeunes travailleurs, ces dernières totalisent 55 000 logements, dont 10 000 en terrain diffus. Comme leur nom (Notre-Dame... ou Louise-Michel ) l'indique parfois, les foyers sont issus d'inspirations diverses :mouvance confessionnelle, marquée d'un souci de protection de la jeunesse ; milieu de la jeunesse chrétienne (JOC, MRJC...) ; mouvement ouvrier laïque, avec ses diverses obédiences ; organisation professionnelle ou initiative patronale. Même si les identités se sont parfois diluées, beaucoup d'associations tiennent à leur caractère propre, qui les préserve d'un fonctionnement purement gestionnaire. Les quatre familles se retrouvent néanmoins dans la même union, sur des objectifs communs d'insertion et de socialisation, repris par ailleurs dans la définition de leurs missions formulée par une circulaire de la direction de l'action sociale de 1997.
Les foyers de jeunes travailleurs cherchent évidemment à assurer la solvabilité de leurs résidents durant leur séjour mais aussi pour la suite, afin de leur permettre d'accéder à un logement autonome. Les jeunes peuvent bénéficier de l'aide personnalisée au logement (APL) foyer (en foyer), ou de l'APL ordinaire (dans le diffus), également, le cas échéant, avoir recours au Fonds de solidarité logement ou aux fonds d'aide aux jeunes. Ils peuvent aussi désormais utiliser les aides du 1 % logement :l'avance Loca-Pass (pour le dépôt de garantie à l'entrée dans un logement) ou la garantie Loca-Pass (pour le loyer). Tout cela ne va pas cependant sans problème. Le nouveau mode de calcul de l'APL, institué en 1997, instaurant une évaluation forfaitaire des ressources du jeune défavorise ceux (la majorité) qui ont une situation instable. Mais le gouvernement a annoncé une réforme adaptée aux moins de 25 ans avant la fin de l'année. Autre difficulté : certaines directions départementales de l'équipement refusent de conventionner les foyers soleil pour l'APL. Alors même que le ministère pousse à la diversification du parc de logements des FJT...
(1) UFJT : 12, avenue du Général-de-Gaulle - 94307 Vincennes - Tél. 01 41 74 81 00.
(2) Le Foyer : 16, rue Bernard-Palissy - 37000 Tours - Tél. 02 47 60 51 51.
(3) Nazareth : 2bis, bd Montebello - 59000 Lille - Tél. 03 20 17 07 17.
(4) FJT des Sept-Mares : 1, rue des Tritons - 78990 Elancourt - Tél. 01 30 13 01 30.
(5) Voir ASH n° 2193 du 15-12-00.
(6) ADLJ : 17, rue de Franche-Comté - 53000 Laval - Tél. 02 43 69 57 57.