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Pour une politique de réduction des risques en milieu carcéral

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« Les prisons sont des lieux à haute prévalence » des virus du sida et des hépatites. La séropositivité « connue des services médicaux reste trois à quatre fois supérieure à celle constatée dans la population générale équivalente », tandis que la fréquence de l'hépatite C « apparaît quatre à cinq fois supérieure à celle du milieu libre ». Ces infections touchent très fortement les usagers de drogue par voie intraveineuse, particulièrement nombreux en Ile-de-France, en Provence-Alpes-Côte-d'Azur et dans les départements d'outre-mer. Les femmes sont proportionnellement plus touchées que les hommes.

Autant de faits rappelés par la mission conjointe santé-justice, mise en place fin 1997, et dont le rapport, remis en décembre 2000, a été rendu public le 5 septembre par les ministres concernés, Marylise Lebranchu et Bernard Kouchner (1).

Avant l'entrée en prison, la population pénale « cumule les facteurs de risque » sociaux, médicaux et comportementaux, constate la mission.33 % des arrivants déclarent une consommation excessive d'alcool et 32 % une utilisation prolongée et régulière de drogues. Or « la prison apparaît de moins en moins comme un lieu de “décroche”, même provisoire ». La polyconsommation y augmente et l'on assiste souvent « à un transfert de consommation des drogues [...] vers les médicaments ». Quant aux pratiques sexuelles, elles semblent   « nombreuses » et souvent à risques, malgré le « fort tabou » qui persiste sur la question et la nécessaire clarification de la réglementation et des pratiques professionnelles en la matière.

Face à cette réalité, la mission dresse (avec un bel euphémisme) un « bilan mitigé » des mesures de prévention mises en place depuis 1995. Les personnels sont peu informés, ou superficiellement. Le dépistage (toujours volontaire) et la vaccination contre l'hépatite B demeurent insuffisants et ne sont pas proposés au bon moment. Si les préservatifs sont disponibles, beaucoup de détenus l'ignorent ou n'y ont pas un accès discret. Les traitements de substitution sont peu mis en œuvre, le sevrage (mal conduit) étant « la principale réponse » imposée aux toxicomanes.

Le rapport propose donc une politique résolue de réduction des risques, avec une intensification des mesures d'information, de vaccination, d'accès aux traitements prophylactiques et de mise à disposition des préservatifs. Il demande également un accueil adapté des toxicomanes à l'arrivée et leur prise en charge dans les établissements, avec un développement des traitements de substitution appuyé sur une formation des personnels sanitaires et sur la sensibilisation des personnels pénitentiaires aux conditions de la réussite. Par contre, « dans le contexte français », il juge le recours à des programmes d'échanges de seringues « prématuré » et propose plutôt d'améliorer l'information sur le bon usage de l'eau de Javel.

Enfin, la mission demande que la politique de réduction des risques soit inscrite dans une approche plus globale. « La promiscuité, les conditions d'hygiène souvent insuffisantes et le climat de violence existant en milieu carcéral contribuent à dévaloriser l'image que les personnes incarcérées peuvent avoir d'elles-mêmes et à fragiliser les capacités des intéressés à protéger leur intégrité physique ou à prendre en charge leur santé. » La mission souhaite donc « que des progrès soient rapidement enregistrés en matière d'hygiène individuelle et collective, de restauration collective, d'encellulement individuel et d'équipement des cellules ». Selon elle, « la mise en place, à titre expérimental, des unités de vie familiale apparaît également comme une évolution majeure » qui « permettra d'aborder de façon radicalement différente la question de la sexualité dans les établissements ». Sur ce dernier point au moins, la mission semble avoir été entendue, l'avant-projet de loi pénitentiaire consacrant l'existence d'unités de visites familiales (2).

Notes

(1)  Rapport de la mission santé-justice sur la réduction des risques de transmission du VIH et des hépatites virales en milieu carcéral - Disp. sur www.justice.gouv.fr.

(2)  Voir ASH n° 2224 du 20-07-01.

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