'est avec amertume que les représentants des centres de formation abordent cette rentrée. « Le sentiment est celui d'un immense décalage entre les discours et les actes. Les orientations sont bonnes, il y a eu la loi contre les exclusions, le schéma national des formations sociales, mais les actes sont lents. Et cette lenteur risque d'être très préjudiciable », regrette Christian Chassériaud, président de l'Association française des organismes de formation et de recherche en travail social (Aforts) (1).
Parmi les sujets d'agacement, citons ainsi le décret concernant le certificat d'aptitude aux fonctions de directeur d'établissement social (CAFDES) qui, bouclé depuis six mois, n'est toujours pas sorti. Ou encore celui réformant le certificat d'aptitude aux fonctions d'aide à domicile (CAFAD), dont la parution est renvoyée à la fin de l'année. Par ailleurs, depuis plus de trois ans, le secteur attend le décret précisant les nouvelles règles financières des centres de formation. Enfin, quid de la réforme du diplôme d'Etat d'assistant de service social annoncée depuis une dizaine d'années et à propos de laquelle il n'y a plus ni groupe de travail ni calendrier ? « Alors que tous les partenaires sociaux, les employeurs, les centres de formation dénoncent le programme devenu obsolète », s'emporte Marie-France Marquès, directrice de l'Aforts.
A ces lenteurs s'ajoute une attitude de l'Etat pour le moins paradoxale, s'irrite encore l'Aforts. Celle-ci ne comprend pas en effet que le ministère de l'Emploi et de la Solidarité autorise des centres de formation non agréés à dispenser la formation de technicien de l'intervention sociale et familiale (TISF) et renvoie le financement des nouvelles promotions sur la formation continue (2). « L'Etat souhaite-t-il rester pilote de la formation des travailleurs sociaux ou existe-t-il une orientation différente qui “libéraliserait” le dispositif ? », s'interroge Christian Chassériaud. Conséquences ? Malgré la politique d'affichage, l'impression des acteurs de terrain est bien celle d'un désengagement de l'Etat en matière de formation initiale des travailleurs sociaux.
« On est en train d'enterrer toute une tradition de travail social », souligne-t-on, évoquant déjà le manque prévisible d'aides à domicile pour mettre en place l'allocation personnalisée d'autonomie, la déqualification rampante liée au remplacement des niveaux III par des niveaux IV ou V, l'accroissement général du nombre de « faisant fonction ». Une situation d'autant plus inquiétante que l'on attend la mise en œuvre du schéma national des formations. Au vu des retards qui s'accumulent, de quels moyens nouveaux disposera-t-il en 2002 pour que ses orientations ne restent pas illusoires ? L'Aforts est bien décidée à interpeller les candidats aux élections présidentielles sur l'avenir du travail social.
Moins alarmiste, Christian Martin, secrétaire général du Groupement national des Instituts régionaux de travail social (GNI) (3), reconnaît que la rentrée s'annonce difficile. « Il y a de grandes inconnues sur la mise en œuvre du schéma national et des schémas régionaux des formations sociales et nous sommes inquiets sur l'équilibre financier des centres en 2001 », explique-t-il. Déplorant notamment que la participation du GNI aux multiples instances de concertation mises en place par le ministère n'aboutisse pas. L'organisation doit d'ailleurs rencontrer les membres du cabinet d'Elisabeth Guigou afin de faire part de ses préoccupations.
I.S.
(1) Aforts : 1, cité Bergère - 75009 Paris - Tél. 01 53 34 14 74.
(2) Voir ASH n° 2226 du 31-08-01.
(3) GNI : 13, boulevard Saint-Michel - 75005 Paris - Tél. 01 43 29 32 39 - Site Internet :