C'est le seul point de notre recours sur lequel nous demandons vraiment une correction du décret. Que la loi contre les exclusions reconnaisse que les CHRS peuvent mettre en œuvre des actions d'IAE a constitué une grande victoire. Mais le décret viole la loi en excluant le financement de ces activités de la dotation d'aide sociale de l'Etat attribuée aux CHRS et en interdisant, de fait, par cette mesure technique, leur pratique. En outre, il n'y a jamais eu l'ombre d'un texte distinguant des activités de CHRS financées par l'aide sociale et d'autres, hors aide sociale. Sur le fond, les usagers des CHRS qui sont dans l'incapacité d'obtenir un contrat de travail à l'extérieur seraient mieux accompagnés dans des actions d'IAE internes. Il existe déjà des actions d'accompagnement à la vie active (4), mais elles restent en dehors du droit du travail et sont rémunérées par un pécule. Elles doivent demeurer temporaires et marginales, alors que le décret revient à cantonner les plus pauvres au pécule. Les CHRS se sont bagarrés pour être reconnus comme des ponts entre le squat et le droit commun. Les ponts doivent avoir un pied sur les deux rives.
Nous pensons que le gouvernement craint de ne pas voir clair dans les comptes, d'où ces modalités budgétaires très prudentes interdisant d'affecter à l'IAE un centime de l'Etat. Or celui-ci a tous les moyens de contrôler en demandant aux CHRS un « budget annexe », spécifique aux activités un peu particulières. Il n'y a pas de raisons à ce découpage, qui, de plus, n'est pas opérationnel. Un directeur de CHRS ne pourra pas consacrer une partie de son temps, payé sur le budget financé par l'aide sociale, aux activités d'IAE. Résultat, il devra s'en occuper, sans s'en occuper, tout en s'en occupant… C'est absurde ! Certains usagers sont capables d'être salariés, mais suffisamment en peine pour que l'Etat subventionne leur prise en charge au titre de l'aide sociale. Qu'on ne nous oblige pas à un saucissonnage administratif.
Le décret ne dit rien sur le logement et l'urgence. Il doit être complété car ce silence est en quelque sorte contraire à la loi. Concernant le logement, ce vide semble signifier que les CHRS doivent faire de l'hébergement, pas de la location ou de la sous-location. Alors que la loi sur la solidarité et le renouvellement urbains et ses textes d'application disent qu'il existe du logement social en CHRS. En outre, il ne faut pas ravaler l'usager au statut d'hébergé, pour ainsi dire au statut de sans droits. Là encore, le gouvernement a voulu clarifier en découpant les publics : si vous avez droit à l'aide sociale, vous êtes hébergé ; si vous êtes dans le droit commun, vous êtes locataire. Nous sommes évidemment pour la transparence, mais l'Etat a une vision trop comptable et simpliste. Sur la question de l'urgence, le silence est moins dommageable, car une circulaire pourra en traiter. Les acteurs de l'urgence, selon la loi contre les exclusions, ont le droit de solliciter le statut de CHRS. Nous aurions voulu que le décret soit plus précis sur ce point.
Nous sommes décidés à introduire un recours contentieux en Conseil d'Etat, lequel, il est vrai, a déjà été consulté sur ce décret et aura du mal à se déjuger. L'examen d'un recours gracieux prend deux mois, mais celui d'un recours contentieux de 12 à 18 mois. Cela pourrait retarder la parution d'une circulaire globale reprenant la loi, les décrets, les orientations du ministère... Cela embête tout le monde, et nous avons hésité avant de décider d'engager ces recours. Mais le retour en arrière à propos de l'IAE nous paraît inadmissible. Propos recueillis par Céline Gargoly
(1) FNARS : 76, rue du Faubourg-Saint-Denis - 75010 Paris - Tél. 01 48 01 82 00.
(2) Voir ce numéro et voir ASH n° 2222 du 6-07-01, et n° 2223 du 13-07-01.
(3) Soutenue par l'Uniopss, qui a également écrit à Lionel Jospin.
(4) Qui visent à l'apprentissage ou au réapprentissage des règles nécessaires à l'exercice d'une activité professionnelle.