Le député de l'Isère, Louis Mermaz, dénonçait en novembre 2000 les zones d'attente et les centres de rétention comme « l'horreur de notre République » (1). En juillet, deux rapports ont confirmé combien les droits- et souvent même la dignité - des étrangers venus chercher refuge en France sont bafoués dans ces structures : celui du Comité pour la prévention de la torture et des peines ou traitements inhumains ou dégradants (CPT) du Conseil de l'Europe (2) et celui de la Cimade (3). Deux documents résultant d'observations antérieures à l'application du décret du 19 mars 2001 qui a donné un cadre réglementaire à la rétention administrative (4). Et qui amènera, espère la Cimade, « des transformations [...], que l'on espère plus positives ».
On l'espère, en effet, à la lecture de ces états des lieux. S'agissant des conditions matérielles de rétention, l'association estime que certains des 13 centres qu'elle a visités « sont aujourd'hui inadaptables aux normes minimum énoncées par le décret » et considère leur fermeture comme « une priorité ». De plus, les structures « ne disposent pas, dans leur quasi-totalité, d'aménagements permettant des conditions de rétention satisfaisantes pour les femmes ». Le CPT, quant à lui, relève des conditions de rétention extrêmement contrastées, satisfaisantes, par exemple, à Strasbourg, mais particulièrement indignes, une fois encore, à Marseille-Arenc.
La liberté d'accéder au téléphone ou de recevoir des visites est parfois très réduite ou aléatoirement concédée. Ainsi, note la Cimade, la durée et le nombre des visites varient « selon l'affluence, l'existence d'un local spécifique de visites, ou tout simplement l'humeur des services de garde ». Même la liberté de circuler à l'intérieur des centres est le plus souvent compromise, avec l'absence de promenades extérieures ou de lieux de convivialité. « Paradoxalement, la rétention administrative, qui devrait amener des conditions de privation de liberté plus souples et adaptées que la prison, est vécue plus durement que le milieu carcéral », souligne la Cimade (5).
Les manquements sont également très criants dans le domaine de l'exercice des droits. Leur notification est « généralement purement formelle », indique l'association, du fait de l'absence d'interprètes au moment du placement officiel en rétention ou dans les centres eux-mêmes. Le traitement des demandes d'asile apparaît en outre particulièrement scandaleux. La récupération du formulaire de l'OFPRA, indispensable, « constitue en elle-même un premier obstacle ». L'association parle aussi d'un « examen fantôme » des dossiers. Ce que ne vient pas contredire le CPT, qui relève l'absence de formation spécifique sur la situation des droits de l'Homme dans le monde des agents chargés de donner un avis au ministre de l'Intérieur. « Alors que la prohibition de la torture et des peines ou traitements inhumains ou dégradants englobe l'obligation de ne pas renvoyer une personne vers un pays où il y a des motifs sérieux de croire qu'elle y courra un risque réel d'être soumise à la torture et aux mauvais traitements », insiste le comité.
De plus, dans l'attente de la réponse de l'administration, les personnes sont théoriquement protégées contre l'éloignement. Mais la Cimade a constaté, à Paris, plusieurs manquements à cette règle, ce qui « constitue une atteinte importante à la protection des réfugiés et traduit sur le fond une défiance généralisée vis-à-vis des demandeurs d'asile ».
Enfin, la prise en charge des mineurs isolés non admis sur le territoire « n'est pas acceptable », juge le CPT, qui les décrits comme « livrés à eux-mêmes », « sans aucune forme de suivi et de soutien », « inévitablement exposés à un risque de domination et d'exploitation ». Dans la réponse officielle qu'il a faite, en juillet, à ce rapport, le gouvernement rappelle qu'un projet sur la protection juridique et sociale des mineurs isolés admis sur le territoire français est actuellement à l'étude (6), visant à mettre en place un dispositif à double détente, dont l' « opérateur pressenti » serait la Croix-Rouge française. D'une part, un lieu d'accueil et d'orientation, où les mineurs pourraient rester de quelques semaines à trois mois, le temps d'un bilan médico- psychologique, d'une évaluation de leur niveau scolaire et linguistique et des démarches nécessaires pour « faire émerger la meilleure solution possible à la sortie ». Et d'autre part la création de nouveaux centres spécifiques pour les mineurs sollicitant l'asile, un seul fonctionnant actuellement.
C.G.
(1) Voir ASH n° 2189 du 17-11-00.
(2) « Rapport au gouvernement de la République française relatif à la visite en France effectuée par le Comité européen pour la prévention de la torture et des peines ou traitements inhumains ou dégradants du 14 au 26 mai 2000 » - Secrétariat du CPT : Conseil de l'Europe : avenue de l'Europe - BP 436 - 67075 Strasbourg cedex - Tél. 03 88 41 39 39 ou sur Internet :
(3) « Centres de rétention administrative - Rapport 2000 - Etat des lieux des centres visités par la Cimade » - Cimade : 176, rue de Grenelle - 75007 Paris - Tél. 01 44 18 60 50 - 80 F (12,20 €).
(4) Voir ASH n° 2207 du 23-03-01.
(5) A noter que Plein droit, la revue du GISTI, a consacré en juillet son numéro à « l'enferment des étrangers » - GISTI : 3, villa Marcès - 75011 Paris - Tél. 01 43 14 84 84 - 50 F (7,62 €). On peut également consulter le rapport 2001 de l'association lyonnaise Forum réfugiés sur « L'asile en France » - Forum réfugiés : BP 1054 - 69612 Villeurbanne cedex - Tél. 04 78 03 74 45 - 40 F (6,10 €).
(6) Voir ASH n° 2182 du 29-09-00.