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Discriminations raciales : le 114 indispensable… mais perfectible

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La direction de la population et des migrations du ministère de l'Emploi et de la Solidarité vient de publier une étude qualitative (1) de la mise en œuvre locale du 114. Ce numéro d'appel gratuit, à la disposition des victimes ou des témoins de discriminations raciales depuis le 16 mai 2000 (2), est géré localement par les commissions départementales d'accès à la citoyenneté (Codac), instituées en janvier 1999 (3). Dans chaque département, le traitement des fiches de signalement transmises par la plate-forme nationale d'appel leur est dévolu. Les enquêteurs ont étudié, dans huit départements (4), l'organisation du dispositif et son fonctionnement, afin d'évaluer sa pertinence. Il ont ainsi interrogé les appelants et les permanents des Codac ou référents, chargés respectivement d'analyser et de répartir les dossiers, et d'assurer leur traitement et leur suivi.

Outil légitime

Premier constat : le 114 est connu, et reconnu par les appelants comme une procédure facile d'accès. Ceux-ci se disent en outre satisfaits, lors du premier contact en tout cas, de l'accueil et de la qualité de l'écoute. Ce jugement devient plus nuancé en fonction de l'issue du traitement de leur demande. L'étude constate en effet « un hiatus » entre un accueil initial personnalisé et rapide et « l'envasement ultérieur de la procédure ». En particulier, lorsqu'une plainte est déposée, « le passage d'un traitement personnalisé au traitement ordinaire de la justice, caractérisé par des pratiques de non-communication des démarches et de l'état d'avancement de la procédure, constitue une véritable rupture », le classement sans suite provoquant « l'écœurement et la révolte », y compris à l'égard du dispositif lui-même. L'étude note par ailleurs que les cas de discrimination mettant en cause une administration ou un service public sont parfois niés, souvent « relativisés », et dans ce cas, le fait que l'enquête soit confiée à l'administration incriminée « fonctionne comme un piège » du point de vue de la victime. Quoi qu'il en soit, globalement, le 114 est considéré comme un outil légitime - le seul pour une partie des appelants - et crédible. Avoir un contact direct par téléphone est un facteur important : « Un service de l'Etat qui téléphone à l'usager, rompant ainsi avec la pratique impersonnelle de la lettre administrative, le fait est suffisamment rare et innovant pour rencontrer une approbation profonde. »

Le plus souvent, c'est en dernier recours que la personne appelle le 114, qui « lui apparaît alors comme “une bouée de sauvetage” ». Si le conseil, « l'explication de la grammaire administrative à l'appelant », est la plus fréquente, les demandes des correspondants sont très diverses et témoignent d'un certain flou autour de la notion de discrimination. Il peut s'agir de faits discriminatoires précis, dans le cadre de la vie professionnelle ou de l'accès au logement par exemple, d'injures racistes récurrentes, ou de situations plus confuses, ressenties par la personne qui les subit comme des discriminations, mais très difficiles à isoler ou à prouver. De la nature de ces faits va dépendre la réponse du dispositif, qu'il s'agisse de médiation, d'enquête administrative ou d'action en justice.

Levier pour l'action publique ?

L'étude dégage enfin les principaux enjeux d'un dispositif « en train de se constituer »   : améliorer son organisation, contribuer à une définition de la discrimination, et interpeller l'action publique.

Dans un premier temps, la clarification de l'organisation et, notamment, du rôle et de l'action du référent, « pivot du dispositif », est jugée indispensable. Les enquêteurs relèvent à ce titre l'absence de référentiel commun de prise en charge et de traitement des dossiers. Ils recommandent donc l'élaboration, au niveau national, d'un guide de la fonction comportant objectifs, profil souhaitable du référent, mode de relation avec l'appelant, etc. Et insistent sur la nécessité d'échanges réguliers entre les référents, et d'actions de formation, sur les pratiques de l'entreprise ou le fonctionnement de la justice par exemple. Des actions incontournables « pour produire une cohérence locale au dispositif 114, sans laquelle le risque est grand de voir se mettre en place des inégalités de traitement préjudiciables ». Enfin, les auteurs de l'étude regrettent que le dispositif privilégie « une logique de résolution de cas individuels » plutôt qu'une « démarche globale d'action publique de lutte contre les discriminations ». Mais s'il « contribue à une réflexion interne sur le fonctionnement des services publics », conclut l'enquête, le 114 constituera « un levier de renouvellement de l'action publique ».

S.P.

Notes

(1)   « La mise en œuvre locale du 114 » - Migrations Etudes - N° 99 - Mai-juin 2001 - Disp. à l'ADRI : 4,  rue René-Villermé - 75011 Paris - Tél. 01 40 09 69 19.

(2)  Voir ASH n° 2167 du 19-05-00.

(3)  Sur le fonctionnement des Codac, voir ASH n° 2158 du 17-03-00.

(4)  Bouches-du-Rhône, Haute-Garonne, Isère, Nord, Orne, Paris, Rhône et Val-d'Oise.

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