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Pour une vraie politique d'intégration scolaire des enfants handicapés

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« L a scolarisation est un droit pour tout enfant handicapé », affirme Maurice Beccari, directeur général de la FISAF (1). Aussi, plutôt que de saluer la pérennisation des auxiliaires d'intégration, il préfère « contraindre » l'Etat à prendre en considération l'étendue des besoins d'un enfant « égal aux autres par rapport à ses droits, différent par rapport à ses besoins ».

« Depuis le loi d'orientation du 30 juin 1975, le principe de scolarisation des enfants handicapés est un droit inscrit au fronton de la République. En son article 1er, le législateur précise qu'il s'agit là d'une obligation nationale. Dans les articles 4 et 5, il définit les moyens nécessaires à cette éducation et le rôle majeur que doit jouer le ministère de l'Education nationale dans la mise en place de ce dispositif.

En 1982 est publiée la circulaire intitulée : “Une meilleure mise en œuvre d'une politique d'intégration en faveur des enfants et adolescents handicapés” où on peut lire, entre autres, “qu'il est nécessaire de mettre en place un dispositif institutionnel différencié répondant à des besoins précis et spécifiques capables de prendre en compte les caractéristiques de chaque enfant et de s'adapter à son évolution”.

Aucun modèle au niveau des pratiques d'intervention

Ainsi au principe d'égalité, fondement premier de l'école de la République, vient s'ajouter un principe d'équité permettant aux élèves à besoins particuliers de bénéficier de moyens adaptés. Véritable révolution culturelle pour l'école de tous, confrontée au problème de l'individualisation du parcours scolaire.

Par la suite, d'autres textes, en particulier les annexes XXIV rénovées au décret du 9 mars 1956, assignent aux établissements et services médico-sociaux une mission de préparation et d'accompagnement à l'intégration scolaire. Malheureusement, les différents textes de loi n'ont jamais permis d'établir un modèle précis au niveau des pratiques d'intervention, ni de doter les académies des moyens nécessaires à couvrir la totalité des besoins.

Progressivement s'est mis en place un dispositif qui a fonctionné de manière inégale. Ainsi, presque 25 ans après la loi de 1975, un rapport conjoint des inspections générales de l'Education nationale et du ministère des Affaires sociales vient pointer les insuffisances et les dérives d'un système qui, sur le papier, paraissait répondre aux indications des différents textes cités.

Or, en ce qui concerne l'action humaine, on connaît l'écart important qui existe toujours entre la théorie (le discours) et la pratique. Cela vient essentiellement du fait qu'on ne change pas la culture, les habitudes, le savoir-faire des personnes par décret. Et si l'on veut donc que l'acte rejoigne l'intention, il est nécessaire de préparer, promouvoir, accompagner et évaluer toute forme de chan- gement.

Une vraie politique devrait alors avoir comme objectif premier la mise en conformité des actions par rapport aux orientations et, en matière de scolarisation des enfants et adolescents handicapés, une vraie politique ne devrait pas se contenter de la mise en place de tel ou tel dispositif, mais, surtout, elle devrait se préoccuper des moyens de leur opérationnalité. A savoir, en ce qui nous concerne :

 une clarification des principes qui sous-tendent les orientations proposées ;

 une analyse exacte des élèves, par type de handicap, intégrés en intégration individuelle, en intégration collective, en attente de solution, scolarisés dans le milieu dit spécialisé ;

 un chiffrage exact des postes d'enseignants nécessaires à couvrir les besoins ;

 une politique de formation initiale et continue permettant l'acquisition et le maintien des compétences nécessaires à l'accueil et à la scolarisation des élèves à besoins particuliers ;

 une campagne de sensibilisation des chefs d'établissements et de tous les responsables impliqués dans les processus d'intégration scolaire ;

 une évaluation de l'accessibilité des établissements scolaires et leur mise en conformité ;

 des dotations financières dédiées et pluriannuelles permettant, justement, la réduction des écarts entre les orientations et la réalité.

En l'absence d'une telle approche, la scolarisation des enfants handicapés sera toujours et uniquement une affaire de bonnes volontés et non pas un principe fondamental inscrit dans la culture d'une société.

C'est dans ce cadre de “bonne volonté” que se pose aujourd'hui le problème des “auxiliaires d'intégration”. Un des motifs principaux de refus d'intégration invoqués par certains enseignants (il faut rappeler que l'enseignant a toujours le choix d'accepter ou pas un élève handicapé dans sa classe) c'est l'absence de services spécifiques d'accompagnement.

A partir de là, il était quasiment normal que naisse l'idée d'un système, parallèle à la scolarisation, d'accompagnement des élèves handicapés. C'est ainsi qu'à l'initiative de certains parents, qui se voyaient refuser l'accès à l'école pour leur enfant, a été créé un dispositif appelé “les auxiliaires d'intégration” (2). Ce qui paraît totalement légitime dans la démarche, pallier les insuffisances du système, ne doit pas, par ailleurs, justifier ou accroître les dérives dudit système et mettre en péril les principes mêmes qui fondent le droit à la scolarisation des enfants handicapés.

De véritables choix de société

En effet, ce n'est pas la même chose que d'affirmer que la scolarisation est un droit pour tout enfant handicapé et favoriser une contractualisation individuelle, de famille à institution scolaire, avec le risque de renforcer les inégalités.

Ce n'est pas la même chose que de dénoncer l'absence, ou leur mauvaise répartition sur le territoire national, de services spécifiques d'accompagnement à la scolarisation, ce qui est une réalité, en militant ainsi en faveur de leur développement, et créer une nouvelle fonction sans formation ni qualification spécifiques, dont le champ d'intervention peut varier d'un jour à l'autre.

Ce n'est pas la même chose que de militer pour la scolarisation des enfants handicapés, et donc contraindre le service public à prendre en considération toute l'étendue de leurs besoins, et proposer, pour toute réponse, la présence d'un factotum.

L'éducation est une mission dont la responsabilité revient aux pouvoirs publics, à partir d'un principe intangible d'égalité. Il faut que l'autre principe, celui d'équité, soit aussi assumé par l'Etat, dans un cadre clair et homogène sur l'ensemble du territoire.

En fait, derrière la question de la pérennisation des auxiliaires d'intégration, on voit poindre trois dérives possibles, qui renvoient à de véritables choix de société :

 la première serait celle où l'initiative individuelle pourrait venir se substituer à l'Etat en matière de responsabilité et de choix éducatifs ;

 la deuxième, celle où l'acceptation et le maintien d'un élève en milieu scolaire seraient conditionnés à la présence d'une aide extérieure à l'école ;

 la troisième, celle où l'intégration scolaire serait considérée comme une simple question de “lieu”, être dedans ou pas, alors qu'il s'agit d'une nouvelle manière de considérer l'enfant handicapé : égal aux autres par rapport à ses droits, différent par rapport à ses besoins.

Alors, avant même toute décision concernant la pérennisation de ce métier à peine esquissé et sûrement nécessaire, il faudrait veiller à construire, en matière de scolarisation des enfants handicapés, un cadre de référence clair, opérationnel et opposable qui permettra enfin d'éviter toute confusion entre les principes et les moyens... »

Maurice Beccari Directeur général de la FISAF : 1/3, rue Georges-Pitard  - 75015 Paris -Tél.01 53 58 32 00.

Notes

(1)  Fédération nationale pour l'insertion des sourds et des aveugles en France.

(2)  Voir ASH n° 2210 du 13-04-01.

TRIBUNE LIBRE

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