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« Fonder nos relations avec l'Etat sur le contrat »

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Quelle sera la portée de la charte d'engagements réciproques entre l'Etat et les associations ? Deux jours avant la signature, à Matignon, de ce document symbolique, Hubert Prévot, président de la Conférence permanente des coordinations associatives  (CPCA)   (1), s'explique.

Actualités sociales hebdomadaires : Pourquoi une charte d'engagements réciproques ?

Hubert Prévot : Le monde associatif joue un rôle de plus en plus important dans la vie démocratique et dans la transformation sociale. Mais il ne peut régler toutes les questions de la société. Nous considérons que l'Etat a le droit et le devoir d'être le garant de l'équité sociale, de la cohérence démocratique. En signant cette charte, nous reconnaissons que sans un Etat garant de l'inté- rêt général, la société civile a toutes les chances d'aller à une certaine forme d'incohérence et d'anarchie.

Il s'agit, à travers ce texte, de mieux organiser les relations entre les associations et les pouvoirs publics et de se placer en amont de toute négociation en fixant des principes régissant toutes relations.

Lesquels ?

- Nous avons constaté, au cours des trois dernières années, qu'à chaque fois que des négociations ont été menées avec les pouvoirs publics, nous sommes arrivés à de bons résultats, mais souvent sur la base de principes assez flous et très empiriques. Cela a été le cas, par exemple, autour de la législation fiscale concernant les associations : celle-ci repose sur un critère de concurrence ou non des associations avec le secteur marchand ;nous estimons, nous, que le critère discriminant devrait être de savoir si nous sommes des associations d'utilité sociale, sans but lucratif. Car c'est l'un des fondements de la vie associative qui nous distingue des autres formes de groupements civils.

Nous voulons donc fonder nos relations avec l'Etat sur le contrat entre des partenaires égaux, mais aussi sur la durée, la transparence et l'évaluation. Au travers de ce document, nous demandons notamment à l'Etat de soutenir les efforts de structuration du monde associatif. En échange, les associations s'engagent à être fidèles à l'esprit de la loi. Leur engagement porte sur la démocratie, la transparence, le respect de la législation sociale et du code du travail, mais aussi du statut associatif. Elles garantissent également qu'elles respecteront le principe d'utilité sociale - nous récusons ainsi les associations dont le seul but est la promotion d'un homme, ou une façon déguisée de servir les intérêts d'une personne.

Quelle a été la démarche à l'origine de cette charte ?

- La Conférence permanente a décidé dans un premier temps de proposer une sorte d'accord-cadre au gouvernement. De longues délibérations ont suivi qui n'ont pas rencontré d'objection de principe. Mais nous tenions fermement à certains éléments :nous ne voulions signer la charte, par exemple, que si l'indépendance des associations y était clairement énoncée.

La Fonda (2) a réalisé un premier projet, en s'inspirant en partie d'un exemple anglais : en Angleterre, en effet, les « charities » ont signé une charte avec le gouvernement. Ce texte a ensuite été proposé à la discussion du gouvernement qui s'est déclaré favorable à cette initiative. Par la suite, la petite délégation de la CPCA chargée de l'élaboration du texte a rencontré régulièrement les pouvoirs publics. Cela dit, la CPCA, en signant cette charte, ne prétend pas engager l'ensemble du monde associatif, mais seulement les associations organisées en son sein (3). Même si ce que nous disons est acceptable pour l'ensemble du monde des « vraies » associations.

Que va changer ce docu- ment ?

- Nous considérons qu'il est déjà très important que l'Etat reconnaisse le mouvement associatif comme une composante essentielle de la démocratie française et comme un agent de la transformation sociale. Certes, cela fait 50 ans que l'Etat travaille avec les associations. Mais là, il affirme de façon nette : « Il existe un mouvement associatif, nous le reconnaissons comme un partenaire à part entière, et nous nous engageons à travailler avec lui, régulièrement, sur des bases claires. » L'Etat s'engage à ce que nos rapports ne soient pas des rapports de subordination, mais de coopération sur les politiques publiques. Et sans faire des associations de simples réalisatrices de ces politiques publiques. Il reconnaît donc les associations, même lorsque leur action n'a aucun rapport avec les politiques publiques.

Quel rôle entendez-vous jouer dans le cadre de ce partenariat ?

- A l'heure actuelle, les problèmes les plus difficiles n'arrivent plus à la connaissance du gouvernement par le canal des partis ou des syndicats. Ils sont très souvent révélés par des gens du terrain qui découvrent au jour le jour les failles de notre système social, sportif ou culturel. Les associations jouent ce rôle de vigie, à la fois révélateur et force de proposition. Il faut maintenant que nous nous engagions dans une relation où cette fonction de représentation de la société française par les associations soit reconnue. D'autant plus que nous vivons actuellement une certaine recomposition de la donne, où chacun essaie de retrouver sa place. Celle de l'Etat est contestée, notamment par les libéraux qui défendent l'affirmation du pôle économique de la société ; il voit ses capacités d'action diminuer, parfois volontairement, au profit de l'Europe ou des collectivités territoriales. C'est en négociant et en s'appuyant sur les associations que l'Etat peut continuer à assurer son rôle de garant de la cohésion sociale.

Pensez-vous réellement, alors que cette question des relations avec les pouvoirs publics est un véritable serpent de mer, pouvoir la résoudre par un « contrat »  ?

- Il est vrai que jusqu'à présent, les relations ont souvent été ambiguës. D'un côté on nous estime, on nous porte aux nues, on nous consulte à tout bout de champ : sur le PACS, la loi sur l'exclusion, etc. Au cours des deux dernières semaines par exemple, nous avons été consultés par quatre ministères différents. Ainsi, sans cesse, on reconnaît que nous avons une expérience et des choses à dire, celles-là même qui ne transitent plus par les partis politiques ou les syndicats. Mais en même temps, nous avons le sentiment que, si l'on n'y prend pas garde, par des mesures de portée générale, l'Etat pourrait étouffer la vie associative : par la fiscalisation ou la judiciarisation, c'est-à-dire par une responsabilité excessive des directeurs d'associations.

Qu'attendez-vous, à cet égard, des pouvoirs publics ?

- En clair, l'Etat nous subventionne, paie les services que nous rendons, mais entrave ces financements de telles contraintes de réglementation qu'il nous devient impossible de travailler. Si nous devons être assujettis aux mêmes règles de fonctionnement que les services publics ou administratifs, nous ne voyons pas comment nous pouvons continuer à avoir une efficacité associative : à savoir une action qui apporte un plus vis-à-vis des malades, des jeunes en difficulté, des personnes qui ne partent pas en vacances ou qui sont hospitalisées à domicile, en créant des liens sociaux qui font la valeur humaine des associations.

L'idée est donc, sur la base des principes posés dans la charte, de tenter de mettre à plat, secteur par secteur, l'ensemble des dispositions qui les régissent, pour faire la part des contraintes réellement utiles et de celles qui freinent l'efficacité de l'association. C'est ainsi qu'une déclinaison de la charte au secteur sanitaire et social est prévue. Elle se matérialisera par la négociation d'une sorte d'accord- cadre entre l'Uniopss et le ministère de l'Emploi et de la Solidarité.

La charte ne risque-t-elle pas de demeurer à l'état de déclarations solennelles conjointes ?

- C'est un risque. Il peut y avoir des changements d'attitude du gouvernement. La charte peut rester à l'état de grands principes auxquels tout le monde se réfère, sans pour autant qu'ils se traduisent par une quelconque conséquence. Il est clair que les relations doivent être fondées sur la confiance ; or celle-ci ne se décrète pas, même par des textes officiels. Nous allons donc essayer d'échanger sur des bases de méthode. Etant de plus en plus impliqués dans l'application des politiques publiques, nous demandons à être consultés sur leur élaboration et leur évaluation. Il faut reconnaître toutefois qu'il y a eu une évolution réelle, de plus en plus de ministères fonctionnent ainsi, même si certains demeurent encore réticents. Nous disons que si l'Etat ne tient jamais compte des consultations, nous cesserons d'y participer. Il reste que, ces dernières années, le monde associatif a porté un certain nombre de notions qui, petit à petit, ont donné naissance à de nouveaux droits. Ainsi, il y a 30 ou 40 ans, personne n'aurait parlé de droits de l'Enfant : cette notion est venue de la société et a été véhiculée par les associations avant d'être formalisée.

Comment s'exercera le contrôle de l 'application de ces principes ?

- La charte prévoit la mise en place d'un dispositif de suivi de son application. Nous devrions nous retrouver tous les trois ans pour en faire le bilan. Selon des modalités qui restent encore à définir, il s'agira de faire le point sur ce qu'a fait l'Etat d'une part, ce qu'ont fait les associations de l'autre. Un rapport d'experts sera rendu public. Chacun des points sera étudié, sur la base d'un vrai dialogue : il s'agira de savoir si chacune des deux parties a bien respecté les engagements pris. C'est un défi que nous lançons à tous les acteurs. Il devrait marquer une pierre dans l'histoire de la vie associative. En France, c'est une étape ; il y en aura d'autres. Mais cela dépend aussi de la force des groupements que forment les associations.

Une fois la charte signée, quels seront les chantiers à mener ?

- Le principal sera celui de la déclinaison de la charte. Secteur par secteur, mais aussi aux niveaux régional et local, plus proches du terrain. Nous aimerions d'ailleurs que ce travail de charte, de clarification soit imité par les collectivités territoriales, et que l'on voie apparaître des conventions entre les assemblées régionales et les associations regroupées au sein des CPCA régionales qui se mettent en place partout. Nous avons d'ailleurs demandé que les associations soient beaucoup mieux représentées au niveau local au travers des organismes consultatifs ou décisionnels :comités de développement de pays, comités consultatifs des structures intercommunales, etc.

Enfin, nous souhaitons, même si cela ne découle pas directement de la charte, voir accentuer notre place dans les conseils économiques et sociaux régionaux. La représentation des associations doit être affirmée à tous les niveaux.

Propos recueillis par Sandrine Pageau

INDÉPENDANCE ET TRANSPARENCE

La charte d'engagements réciproques, qui sera signée le 1er juillet par le Premier ministre et le président de la CPCA, garantit l'indépendance et la légitimité des associations. Elle définit un certain nombre de principes régissant les relations entre l'Etat et les associations. L'Etat s'engage à respecter cette indépendance, à ne pas faire des associations de simples instruments de ses politiques publiques, à les soutenir, y compris sur le plan financier, dans leurs efforts en faveur de l'engagement associatif. L'Etat reconnaît le bénévolat comme le moteur de la vie associative, s'engage à faciliter l'engagement bénévole, et reconnaît également que les associations peuvent exercer des activités économiques sans déroger à la loi de 1901. De leur côté, les associations posent en principe le respect des règles de fonctionnement démocratique, la gestion désintéressée et la transparence, en facilitant en particulier les procédures de contrôle.

Notes

(1)  CPCA : 14, passage Dubail - 75010 Paris - Tél. 01 40 36 80 10.

(2)  Fonda - Association pour la promotion de la vie associative : 18,  rue de Varenne - 75007 Paris - Tél. 01 45 49 06 58.

(3)  Créée en 1992, la CPCA regroupe actuellement 14 coordinations associatives représentatives des divers domaines de l'action associative.

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