Même si « les ministères et la caisse nationale des allocations familiales se sont attachés à favoriser le développement de la médiation familiale en accordant des aides aux associations qui la développaient », « on constate l'absence d'une réelle politique de l'Etat en ce domaine ». De ce fait, « la médiation familiale reste peu utilisée au sens où elle s'est peu développée » (1). Aussi faut-il « franchir un nouveau cap ». Tel est l'objectif des 36 propositions du rapport Arguments et propositions pour un statut de la médiation familiale en France, rendu public le 27 juin. Rédigé par Monique Sassier, directrice générale adjointe de l'Union nationale des associations familiales, il sert largement de support à la réforme de la médiation présentée par Ségolène Royal, le même jour. Laquelle entend mettre en œuvre rapidement les mesures annoncées : une réunion du groupe de travail présidé par Monique Sassier devait se tenir le 28 juin.
Que faut-il entendre par médiation familiale ?Décidée au cours ou en dehors d'une procédure judiciaire, elle s'applique « aux litiges opposant deux parties en conflit dans le cadre général des désunions familiales », explique le rapport. Elle « est une procédure facultative qui requiert l'accord libre et exprès des personnes concernées, de s'engager dans une action (“la médiation”), avec l'aide d'un tiers indépendant et neutre (le médiateur), spécialement formé », mais sans pouvoir de décision, poursuit-il.
Retenant cette analyse, la ministre déléguée à la famille, à l'enfance et aux personnes handicapées met toutefois en garde sur la nécessité d'accorder sa « juste place » à la médiation familiale. « Toutes les situations de conflit familial ne relèvent pas de la médiation, il ne s'agit ni d'organiser la défausse de l'institution judiciaire ni d'instaurer un paternalisme d'Etat. »
Au-delà de la délimitation du champ de la médiation, le rapport juge primordial de faire entrer « de plain-pied » la médiation familiale « dans le droit de la famille, et dans le titre relatif à l'autorité parentale » du code civil. C'est tout l'objet d'une proposition de loi socialiste sur l'autorité parentale, soutenue par le gouvernement et adoptée en première lecture par l'Assemblée nationale, le 14 juin 2001, a rappelé Ségolène Royal pour répondre à cette attente. Ce texte consacre la « médiation familiale comme un moyen d'assurer un partage effectif et harmonieux de l'exercice de l'autorité parentale par les deux parents ». Et permet « au juge saisi d'un litige d'enjoindre aux parties d'assister à une séance d'information sur la médiation ».
Reste que les auteurs veulent aller plus loin en l'insérant également dans les textes relatifs au divorce, aux relations des jeunes avec leurs grands-parents et à l'assistance éducative. Jugeant, dans ce dernier cas, que la médiation familiale, créée à côté de l'assistance éducative en milieu ouvert (AEMO) et de la mesure d'investigation et d'orientation éducative (IOE), pourrait permettre de « réorganiser les liens entre des parents, entre eux et au regard de l'enfant placé » et de « construire des liens entre la famille d'accueil et la famille d'origine du jeune ». Le rapport propose, en outre, pour éviter au magistrat d'être utilisé comme tiers dans un conflit, de permettre, au juge des enfants, au titre de la protection de l'enfance, de « prononcer une injonction de recourir à la médiation familiale ». Et au juge aux affaires familiales de « recourir à une injonction de rencontre en présence d'un médiateur familial, en tout cas, dès qu'il l'estime nécessaire ou dès lors que l'un des membres du couple est d'accord, ou dans des situations conflictuelles avérées ».
Quoi qu'il en soit, le groupe de travail obtient gain de cause sur un point essentiel : la reconnaissance du professionnalisme des acteurs. Ainsi, comme il le préconise, le métier de médiateur familial, aujourd'hui exercé par des travailleurs sociaux, des juristes et des thérapeutes, devrait être reconnu par le biais de la création d'un certificat d'aptitude à la fonction de médiateur familial (CAFMEFA), diplôme national de la formation continue. « La formation continue est en effet privilégiée car l'exercice de la médiation familiale nécessite une expérience professionnelle et humaine », a expliqué la ministre. La formation, sanctionnée par ce certificat, devrait être une formation pluridisciplinaire (psychologique, sociale, juridique) et favoriser le travail commun entre professionnels venus de disciplines différentes. Des dispositions transitoires devraient être instaurées pour les personnes exerçant actuellement cette activité.
Satisfaction encore pour le groupe de travail sur l'idée d'instituer un Conseil consultatif national de la médiation familiale, véritable pivot de la mise en place de la réforme de la médiation familiale. A cet effet, un projet de texte réglementaire devrait être soumis à la concertation dans les prochaines semaines.
Composé des pouvoirs publics, des collectivités locales, de la caisse nationale des allocations familiales (CNAF), des associations professionnelles (Comité national des associations et services de médiation familiale, Association pour la médiation familiale), il devrait participer à la préparation des textes réglementaires définissant les conditions d'accès à la formation, les procédures de sélection des candidats, les équivalences reconnues aux professionnels au titre de la validation des acquis, le contenu de la formation initiale (théorique et pratique) et continue, les modalités d'agrément des centres de formation, la définition des coûts d'accès à la formation et les diverses possibilités de prise en charge de cette formation. Aucune équivalence ne sera retenue pour la formation pratique, a insisté la ministre.
Plus largement, ce conseil aura pour mission de définir le champ d'intervention de la médiation, les règles de déontologie de la profession (confidentialité, impartialité, indépendance, relations financières), de prévoir l'agrément des associations et services pour leur financement, les modes de financement et d'évaluer les apports de la médiation familiale.
« Méconnue en France », la médiation sera l'objet d'actions d'information à destination des personnes concernées et des professionnels, a ajouté Ségolène Royal, reprenant à son compte la plupart des propositions de Monique Sassier. En effet, cette dernière souhaite voir se concrétiser un « devoir d'informer ». « Chaque famille qui exprime des difficultés, qui envisage de se séparer, ou qui s'est séparée doit avoir connaissance de l'existence de la médiation familiale. »
Aussi, mandat devrait-il être donné, dès sa création, au conseil consultatif pour créer un livret d'information commun à l'Etat et à la CNAF et un site Internet sur la médiation familiale. Il aura aussi à mobiliser les services publics (mairies, centres de PMI, crèches), les cabinets d'avocats et les tribunaux pour qu'ils deviennent des lieux où l'information sur la médiation sera disponible. Et à soutenir des actions de promotion notamment par l'organisation de colloques.
En revanche, la ministre n'a pas retenu la proposition du rapport tendant à rendre le premier entretien de médiation familiale accessible et gratuit en amont des procédures mettant en jeu un contentieux familial, son financement étant à la charge des institutions ou des associations de médiation familiale. Pourtant, « la possibilité de rencontrer gratuitement un médiateur permet de donner à la médiation tout son sens : pacifier le climat de séparation, en l'orientant vers la conclusion d'accords au lieu de le mobiliser vers les procédures, organiser les modalités d'exercice de la co-parentalité en faisant de l'intérêt de l'enfant un intérêt supérieur », considère le groupe de travail. Estimant qu'une telle mesure pourrait profiter à 10 % des couples en cours de séparation ou de divorce, il évalue la facture liée à la mise en œuvre de cet entretien à 14 millions de francs sur la base de 140 000 procédures.
Dernier volet et non des moindres, le financement de cette réforme devrait s'appuyer sur un renforcement du soutien public de l'Etat et des caisses d'allocations familiales, a souligné la ministre. A cet égard, 3 millions de francs devraient être inscrits dans le budget 2002 au titre des crédits déconcentrés aux directions départementales des affaires sanitaires et sociales pour soutenir les services de conseil et de médiation. A noter que l'investissement des ministères de la Justice et de la Solidarité additionné à celui de la CNAF s'élève aujourd'hui à 24,5 millions de francs. Par ailleurs, le soutien à la médiation familiale devrait être inscrit dans la convention d'objectifs et de gestion 2001-2004 entre l'Etat et la CNAF (2). Enfin, cette dernière se voit confier la tâche d'examiner les modalités d'un nouveau mode de subventionnement de la médiation familiale grâce à l'instauration d'une prestation de service, comme le propose le rapport.
Toutefois, la ministre ne s'est pas prononcée sur la possibilité d'élargir l'accès à l'aide juridictionnelle pour financer des médiations familiales, question il est vrai de la compétence du ministère de la Justice. Pourtant, pour le groupe de travail, cette mesure permettrait de « bannir les dérives selon lesquelles les expertises, les enquêtes sociales ou les mesures d'investigation et d'orientation éducative, d'assistance éducative en milieu ouvert sont administrativement requises pour financer des médiations familiales ». Elle était d'ailleurs envisagée par le rapport Bouchet sur l'aide juridictionnelle (3).
Sophie André
(1) 200 services en France proposeraient ainsi, entre autres, des médiations familiales.
(2) Cette convention devrait être signée dans les premiers jours de juillet.
(3) Voir ASH n° 2215 du 18-05-01.