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« Face au sida, la société est démobilisée »

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En dix ans d'existence, Sida info service (1) a reçu 4,5 millions d'appels et mené 1,6 million d'entretiens. Son directeur, Yves Ferrarini, s'inquiète d'un désintérêt de l'opinion vis-à-vis de la maladie et exige le renouvellement des politiques de prévention.
Quel bilan tirez-vous de vos dix ans d'activité ?

Le sida est redevenu une maladie invisible. Contrairement à la période du milieu des années 90, où les malades se retrouvaient dans une telle situation de désespoir qu'ils le clamaient haut et fort, aujourd'hui, avec l'amélioration des traitements et de leur mode de vie, les personnes atteintes sont retombées dans l'anonymat. Et elles appellent beaucoup moins Sida info service. Nous constatons, cependant, que celui-ci continue à répondre à des besoins réels, même s'ils se sont modifiés. Les questions tournent souvent autour de la réinsertion professionnelle ou de l'accès aux prêts ou aux assurances. Enfin, nous sommes encore, et c'est inquiétant, témoins de comportements de prise de risque. La transmission sexuelle est d'ailleurs le premier sujet d'interrogation des appelants.

Quelles sont vos principales préoccupations ?

L'une de nos plus grandes inquiétudes est sans doute le contexte de démobilisation vis-à-vis du sida. Ce manque d'intérêt se traduit par une baisse des dons privés, par les difficultés de plus en plus grandes des associations à recruter des bénévoles. Quant à l'Etat, s'il n'a pas diminué ses crédits, il ne les a pas augmentés non plus. Du fait de cette démotivation, la communication est devenue très difficile en termes de prévention. D'autant plus qu'après avoir communiqué sur les avancées thérapeutiques, il est difficile aujourd'hui d'informer sur le drame. Comment faire comprendre que l'on peut encore mourir du sida quand on ne peut plus agiter l'épouvantail de la mort ? Notre problème est donc de savoir comment maintenir un niveau d'éducation et de prévention adapté. Nous considérons d'ailleurs que nous avons échoué à faire de la prévention une responsabilité partagée. Celle-ci ne se décrète pas, mais s'apprend. C'est pourquoi nous estimons qu'il faut aborder ces questions beaucoup plus tôt auprès des jeunes, dans le cadre de l'éducation à la santé, sans la dissocier de l'éducation à la citoyenneté.

Quel rôle les pouvoirs publics doivent-ils jouer en la matière ?

Il est extrêmement important de mener une action d'éducation à long terme. Car les campagnes d'information n'ont qu'un impact limité sur les comportements. Les pouvoirs publics, surtout l'Education nationale, doivent prendre des engagements forts et mettre en place en direction des jeunes de véritables programmes abordant la sexualité en termes positifs. Il s'agit d'éviter une communication spécifique sur le sida et de privilégier, au contraire, un dialogue sur l'ensemble de leur vie sociale, affective et sexuelle. C'est indispensable si nous voulons que ces jeunes adultes aient, plus tard, intégré un comportement de prévention.

Quels vont être vos prochains objectifs ?

L'urgence nous avait contraints à concentrer nos efforts sur le sida. Compte tenu des évolutions, nous allons désormais privilégier une approche globale de la sexualité, sans oublier les maladies sexuellement transmissibles. Nous négocions actuellement avec les pouvoirs publics l'ouverture d'une nouvelle ligne, « sexualité info santé », et d'un site Internet associé. La poursuite de la lutte contre l'homophobie, en partenariat avec d'autres associations, sera également l'un de nos axes de développement. Nous continuons par ailleurs notre action en faveur des migrants- nous allons mettre en place à partir du 25 juin une réponse en cinq langues étrangères. Enfin, nous maintenons notre engagement en faveur du droit des malades : nous attendons la nouvelle loi - le projet de loi de modernisation du système de santé -annoncée pour l'automne, en espérant qu'elle consacrera non seulement l'accès au dossier médical, mais aussi le droit à une prise en charge par des soignants compétents, prêts à donner du temps et de l'information. Propos recueillis par Sandrine Pageau

Notes

(1)  Sida info service - Numéro vert : 0 800 840 800.

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