Même si elles ne se faisaient plus beaucoup d'illusions sur le sujet, les associations cachent mal leur déception et leur amertume au lendemain de la conférence de la famille (1). Alors que le gouvernement n'a cessé de renvoyer à celle-ci l'annonce de mesures concernant l'autonomie des jeunes adultes, à la suite notamment des rapports du Plan et du Conseil économique et social, il bat en retraite sur le sujet. Se retranchant derrière le coût, certes exorbitant, des divers dispositifs proposés - au bas mot 30 milliards de francs -, il déçoit fortement les attentes des associations, confrontées en première ligne à l'exclusion grandissante d'une partie de la jeunesse. Et la promesse (au demeurant peu onéreuse) de Lionel Jospin d'être « attentif au déroulement des travaux » de la commission nationale pour l'autonomie des jeunes, qui pourrait être mise en place avant la fin de l'année 2001, apparaît comme une bien maigre consolation. En espérant qu'il ne s'agisse pas d'une volonté « de reporter sine die les mesures d'autonomie pour les jeunes », lâchait, amer, Hubert Brin, président de l'Union nationale des associations familiales (UNAF) à l'issue de la conférence. Pour marquer d'ailleurs leur désaccord, plusieurs organisations de jeunesse à l'initiative de l'UNEF-ID, ont rendu public, le même jour, un « appel du 11 juin pour un sommet de l'autonomie de la jeunesse » (2).
A une politique ambitieuse en direction des jeunes, Lionel Jospin a donc préféré une mesure - certes importante sur le plan symbolique - beaucoup moins coûteuse (700 millions de francs, la première année) et sans risque politique : la création du congé de paternité réclamée notamment par Familles rurales, la Confédération syndicale des familles et l'UNAF. Même si cette dernière regrette qu'il soit seulement de deux semaines et non de un mois.
Reste, et le gouvernement ne pouvait guère faire moins, que l'autonomie des jeunes se traduit essentiellement par des mesures, non négligeables, d'accès au logement (abandon de l'évaluation forfaitaire de leurs ressources pour l'appréciation des aides au logement dans certains cas et extension du dispositif Loca-pass), à la grande satisfaction de l'UNAF. Et comme l'Uniopss, celle-ci se réjouit de la poursuite de la réforme des aides au logement, du « coup de pouce » donné à l'offre de grands logements sociaux et, surtout, de la promesse de l'Etat d'accroître sa dotation du fonds d'action sociale de la CNAF (6 milliards de francs pour 2001-2004). Le gouvernement répond également à la demande des associations en abondant de 1 milliard de francs le fonds d'investissement pour la petite enfance qui, malgré tout, souligne Familles rurales, doit davantage profiter aux structures rurales.
Avec ces quelques mesures concrètes auxquelles s'ajoute un effort pour donner un peu de cohérence à la réforme du droit de la famille, Lionel Jospin n'arrive donc pas les mains vides. Même si certaines dispositions, comme celles en direction des familles ayant un enfant handicapé, méritent d'être précisées dans leurs modalités et leur financement. Quoi qu'il en soit, le Premier ministre ne satisfait que partiellement l'espoir « d'une politique à long terme répondant aux attentes des familles », comme le déplore Familles rurales. Le « verre n'est qu'à moitié plein », résume l'UNAF qui veut ouvrir des négociations sur l'utilisation des excédents de la CNAF et reprendre le débat sur l'augmentation des prestations familiales.
Mais surtout, la conférence de la famille, présentée comme un temps fort de la politique familiale, n'accorde qu'une très faible place aux familles en difficulté économique et sociale et déçoit fortement la FNARS et ATD quart monde. On notera d'ailleurs, ainsi que le pointe cette dernière, que le gouvernement a retenu comme mesure phare, une disposition- le congé de paternité - qui exclut de fait les pères sans emploi. Et si l'on considère qu'il n'a toujours donné aucun engagement financier concernant le renforcement du programme TRACE - renvoyant à nouveau à de futures annonces du programme de lutte contre les exclusions -, on comprend l'irritation des associations. D'autant qu'elles attendent toujours un chiffrage clair de ce plan témoignant d'une véritable volonté politique d'agir envers les plus exclus. Tant il est vrai que les annonces, aussi séduisantes soient- elles, doivent s'accompagner d'engagements publics dans le cadre du projet de loi de finances pour « que leur mise en œuvre ne soient pas illusoire », rappelle, quelque peu désabusée, la FNARS. Elle, qui n'a toujours pas vu paraître le fameux décret sur les centres d'hébergement et de réinsertion sociale et qui, malgré le manque cruel de moyens, doit continuer, sur le terrain, à faire face à la précarisation croissante des familles et à l'afflux des parents demandeurs d'asile. Points sur lesquels le gouvernement reste, en dépit des sollicitations des associations, pour le moins silencieux. De même qu'il demeure sourd à la demande d'ATD quart monde de mettre en place « un programme de promotion familiale » afin de permettre aux familles les plus démunies de « vivre comme les autres ».
Isabelle Sarazin
(1) Voir ce numéro.
(2) Parmi les premiers signataires : l'UNEF-ID, la Fédération des mutuelles de France, le Mouvement pour le planning familial, le Cnafal, FO jeunes, la FCPE...