Retour à l'emploi des personnes qui en sont les plus éloignées et accès aux droits fondamentaux : ce sont les deux priorités de la nouvelle stratégie de lutte contre les exclusions, définie par le gouvernement pour la période allant de juillet 2001 à juin 2003, dans le cadre du premier « plan national d'action français contre la pauvreté et l'exclusion sociale ». Celui-ci, approuvé par le conseil des ministres du 6 juin, doit à présent être transmis à la Commission européenne. Il servira de base, ainsi que ceux des autres Etats membres de l'Union européenne, à l'élaboration d'un programme européen de lutte contre l'exclusion (1).
Une fois les arbitrages financiers rendus, un programme interministériel précisera, fin juin assure-t-on au ministère de l'Emploi et de la Solidarité, les actions qui seront engagées dans ce cadre. Une campagne de communication destinée à renforcer la solidarité nationale et à favoriser l'information sur les droits pour les démunis devrait être mise en œuvre avant la fin de l'année.
Le dispositif d'insertion du revenu minimum d'insertion (RMI) sera « dynamisé » en partenariat avec les départements. Son évolution, explique le ministère de l'Emploi et de la Solidarité, s'appuiera en particulier sur la définition d'objectifs au niveau national et un renforcement des moyens des commissions locales d'insertion. Dans les départements qui ont le plus grand nombre d'allocataires du RMI, ceux non inscrits comme demandeurs d'emploi, principalement les plus anciens dans le dispositif, seront contactés dans le cadre des dispositifs d'insertion départementaux.
Autre public prioritaire : les jeunes en difficulté, plus particulièrement ceux en rupture sociale. On le savait déjà (2), le programme TRACE doit ainsi être adapté pour créer les conditions minimales d'une démarche d'insertion (stabilisation dans un lieu de vie, appui psychologique). Ce, en partenariat avec les institutions qui sont en contact avec ces jeunes (protection judiciaire de la jeunesse, services des conseils généraux, associations, centres communaux d'action sociale, lieux d'hébergement...). Certains jeunes, dotés d'un diplôme mais qui rencontrent des difficultés d'insertion professionnelle, notamment les jeunes filles peu qualifiées, devront pouvoir entrer, par dérogation, dans ce programme. Les outils d'insertion mobilisables pendant le parcours TRACE seront également renforcés. Parallèlement, et comme Lionel Jospin l'avait indiqué en avril dernier (3), les ressources des jeunes seront consolidées pendant les périodes non rémunérées du parcours. Le gouvernement réfléchit également à une rénovation du contrat d'orientation pour améliorer le lien entre TRACE et l'insertion dans le secteur marchand.
Plus largement, les dispositifs d'écoute psychologique, d'accès aux soins, à l'hébergement et au logement, devraient être renforcés en direction des jeunes en grande difficulté.
Afin de développer l'accès à l'emploi des personnes les plus en difficulté, le gouvernement souhaite rendre plus attractifs le contrat initiative-emploi et le contrat de qualification adulte. S'agissant des contrats emploi-solidarité, « plusieurs pistes seront explorées » : poursuite de son recentrage sur les plus en difficulté, notamment les jeunes, meilleure organisation de la sortie (formation, accompagnement, parcours) et modulation de la durée du contrat selon la capacité du bénéficiaire à occuper à court terme un emploi dans l'économie marchande. Conforter le rôle de sas vers l'insertion professionnelle dans le secteur marchand du secteur de l'insertion par l'activité économique est également à l'ordre du jour (amélioration de la formation et de l'accompagnement, assouplissement des contraintes relatives au fonctionnement des associations intermédiaires). Le ministère de l'Emploi annonce, en outre, une revalorisation de la rémunération des demandeurs d'emploi en formation.
Selon le plan national d'action, la continuité des ressources des bénéficiaires de minima sociaux, lors d'un déménagement ou du passage d'une allocation à une autre, devra être améliorée par une meilleure gestion des allocations, avec une accélération de leur versement pour éviter des situations d'attente sans aucune ressource. De même, la récupération des indus devra prendre davantage en compte les ressources des allocataires. Pour mieux faire respecter l'insaisissabilité des minima sociaux versés sur un compte bancaire, le gouvernement entend créer un niveau minimum de ressources indispensables pour vivre, que la personne pourra, « en tout état de cause », retirer sur son compte. Les frais bancaires et les pénalités associées aux chèques sans provision seront plafonnés. Un « accompagnement social adapté » devrait être proposé aux familles qui bénéficient d'un plan d'apurement de leurs dettes afin de les aider à mieux le mettre en œuvre.
Comme annoncé, la durée du cumul intégral entre des revenus d'activité et le RMI, l'allocation de parent isolé, l'allocation de solidarité spécifique et l'allocation d'insertion sera allongée.
« Proche du droit aux ressources, l'accès à l'alimentation est évidemment fondamental », relève le gouvernement. Lequel envisage donc un renforcement du soutien aux associations intervenant sur l'aide alimentaire.
S'agissant du logement, le fonctionnement du 115 -numéro vert pour l'accueil d'urgence - « doit encore progresser avec la mise en place systématique de chartes engageant l'ensemble des associations à mettre davantage de places à disposition », note le ministère.
Un « tableau de bord du mal logement » devrait être élaboré. Le réseau des associations départementales pour l'information sur le logement devrait être étendu et leurs interventions accrues en direction des personnes en difficulté. Des expérimentations seront développées pour simplifier les conditions d'accès aux fonds d'urgence départementaux (guichet unique) et leurs conditions d'utilisation (délais de versement, prise en compte de l'ensemble des difficultés sociales).
Autre priorité gouvernementale : la qualité du logement des personnes en situation de précarité. Des actions spécifiques seront ainsi engagées auprès d'une dizaine de départements particulièrement concernés par l'insalubrité et le saturnisme. Parallèlement, la prévention des expulsions devrait être améliorée, notamment par une meilleure coordination des acteurs.
En matière de santé, le plan affirme vouloir améliorer l'accès à la prévention et aux soins pour les enfants et les adolescents, en particulier dans les quartiers en difficulté, renforcer les actions des programmes régionaux d'accès à la prévention et aux soins (PRAPS) - avec un effort particulier dans les départements d'outre-mer - et développer des structures d'écoute et de prévention. Pour les personnes les plus isolées, des consultations hospitalières délocalisées dans les quartiers de la politique de la ville devraient être organisées et de nouvelles permanences d'accès aux soins de santé, adaptées au monde rural, créées.
S'agissant de l'accès aux soins psychiques des plus démunis, il est prévu d'améliorer la prise en charge sanitaire par une clarification des modalités d'admission et d'orientation des patients hébergés en institution ou sans domicile fixe. Ou encore de réduire ou supprimer les zones non couvertes par l'offre de service public et d'améliorer la préparation de la sortie par les établissements psychiatriques pour assurer la continuité des soins. Un deuxième axe d'intervention est le partenariat local entre la psychiatrie et les autres acteurs sociaux, en particulier pour améliorer le repérage et la prise en compte de la souffrance psychosociale ainsi que l'accompagnement social des personnes vers l'offre de soins et celle de réinsertion. Enfin, le plan retient l'intervention d'un professionnel de la psychiatrie (ou d'une équipe pluridisciplinaire) dans les lieux de vie ou de passage de ces populations (centres sociaux, missions locales, foyers de jeunes travailleurs, centres d'hébergement et de réinsertion sociale...) ou dans des lieux « banalisés » où sont intégrées les fonctions d'accueil, d'écoute et de soins.
Des mesures nouvelles devraient également être engagées afin de conforter l'égalité des chances en matière d'éducation (une bourse de 3e cycle sur critères sociaux est à l'étude) et de développer les pratiques culturelles et sportives, ainsi que l'accès aux loisirs.
Pour finir, le ministère de l'Emploi et de la Solidarité promet que le renforcement « des structures locales d'observation sociale et la création d'un budget de programme retraçant l'effort des administrations publiques en matière d'exclusion permettront de mieux mesurer l'exclusion et la réponse qui y est apportée ».
(1) Voir ASH n° 2205 du 9-03-01.
(2) Voir ASH n° 2215 du 18-05-01.
(3) Voir ASH n° 2211 du 20-04-01.