« S'il est vrai que l'établissement d'un seuil de ressources à partir duquel le bénéfice d'une prestation est refusé engendre nécessairement un “effet de seuil” [...], force est de reconnaître que le montant choisi pour la CMU est particulièrement injuste. » Un jugement porté par la députée Odette Grzegrzulka (PS), chargée du suivi de l'application de la loi sur la couverture maladie universelle (CMU) du 27 juillet 1999, lors d'une communication, le 30 mai, devant la commission des affaires sociales de l'Assemblée nationale (1).
Pour mémoire, à l'exception des titulaires du revenu minimum d'insertion (RMI) et des membres de leur foyer qui y ont accès d'office, l'ouverture du droit à la CMU complémentaire nécessite d'avoir des ressources inférieures à un certain seuil fixé en fonction de la composition du foyer du demandeur et du nombre de personnes à charge. Ce plafond est de 3 600 F par mois pour une personne seule depuis le 1er janvier 2001. Or, « un certain nombre de minima sociaux - au premier rang desquels l'allocation aux adultes handicapés, le minimum invalidité et le minimum vieillesse - sont exclus de la CMU pour quelques dizaines de francs par mois “de trop” ». 1,2 million de personnes seraient dans ce cas. D'où le risque, selon la députée, de « créer une nouvelle catégorie d'exclus de la santé ».
Odette Grzegrzulka a également souligné qu'une partie importante des anciens titulaires de l'aide médicale départementale gratuite allait prochainement se voir exclure du bénéfice jusqu'ici automatique de la CMU complémentaire parce qu'ils ne rempliront pas les conditions de ressources. Entre 900 000 et 1 200 000 personnes seraient concernées, même si la ministre de l'Emploi et de la Solidarité, Elisabeth Guigou, a assuré que pour les revenus inférieurs à 4 000 F par mois la sortie du dispositif ne se ferait qu'après le 31 décembre et non pas fin juin comme prévu (2). Une solution temporaire qui ne satisfait pas la députée. Appuyée par ses collègues, elle presse le gouvernement d'agir contre le risque d'une « CMU à deux vitesses » en assurant qu'il existe une marge de manœuvre financière non négligeable. Ainsi, insiste-t-elle, en 2000, « seuls 5,7 milliards de francs ont été dépensés » sur les 8,3 milliards de francs de ressources du fonds de financement de la CMU. A ses yeux, la solution consisterait donc à augmenter le plafond de ressources pour qu'il soit au moins supérieur au montant de l'allocation aux adultes handicapés et du minimum vieillesse. A défaut d'un tel relèvement, il faudrait au moins reconnaître aux titulaires de ces prestations, l'accès de plein droit à la CMU, à l'instar des bénéficiaires du RMI.
Parmi d'autres solutions alternatives, elle propose d'encourager les caisses de sécurité sociale à utiliser leurs fonds d'action sociale pour atténuer l'effet de seuil, avec le risque néanmoins de créer des disparités. Elle suggère aussi d'inciter mutuelles et compagnies d'assurances à imaginer un produit spécifique pour les personnes placées juste au-dessus du seuil ou d'encourager les collectivités locales à créer un dispositif d'aide aux exclus de la couverture maladie universelle.
(1) Sur la réaction de Fédération nationale de la mutualité française, voir ce numéro .
(2) Voir ASH n° 2215 du 18-05-01.