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L'informatique, un moyen de revaloriser le travail social ?

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Ils ont créé leur propre société : un service social interentreprises qui rayonne sur plusieurs départements. Ils ont aussi conçu leur propre logiciel de gestion des accueils et des permanences. Rencontre avec des travailleurs sociaux en quête d'efficacité.

AC.S.I.E (Accompagnement social interentreprises)   (1) pourrait presque passer pour un service social comme les autres. « Nos assistantes sociales interviennent dans les entreprises pour traiter les problèmes que rencontrent les salariés et qui font obstacle à leur disponibilité professionnelle », lit-on dans la plaquette de présentation : problèmes financiers, de retraite, de santé, difficultés personnelles et familiales, mobilité géographique, restructurations, etc. Jusque-là, pas de surprise. Les moyens ? « Une équipe de cinq assistantes sociales (trombinoscope à l'appui) , une gestion informatisée de nos interventions, un centre documentaire actualisé, un service sept jours sur sept, une adresse e-mail. » Derrière ce déroulé moins banal, se dessinent les contours d'une aventure peu courante. Deux professionnels, Muriel Griffond, assistante sociale, et Jean-Yves Berenguel, éducateur spécialisé, ont ensemble, en 1999, créé à Chalon-sur-Saône leur entreprise sous la forme d'une SARL, persuadés que le service social pouvait - et devait - proposer un mode de travail plus efficace et des prestations plus adaptées aux besoins des entreprises, tout en respectant la déontologie du service social.

Un parcours somme toute classi- que pour Muriel Griffond, gérante d'AC.S.I.E, ancienne assistante de secteur en Saône-et-Loire, reconvertie en service interentreprises pendant trois ans, et son complice, responsable de formation dans un organisme de formation macônnais après avoir occupé les fonctions de chargé du RMI dans le département. Malgré, et à cause de leur casquette professionnelle différente, le tandem réfléchit à des outils plus performants qui amélioreraient l'efficacité du service social en entreprise. Muriel Griffond analyse les manques et les besoins, Jean-Yves Berenguel va leur donner une traduction concrète. Ils n'hésitent pas longtemps avant de choisir le statut de SARL : « On voulait aller au bout de notre logique : fonctionner sur le même registre que les entreprises avec lesquelles on travaille, être seuls maîtres à bord sur le plan financier sans dépendre de subventions et pouvoir garder ainsi la capacité d'innover. En contrepartie, c'est nous qui sommes responsables en cas d'échec. »

Souplesse de fonctionnement

Premier axe de leur démarche : proposer à des entreprises, qui n'ont pas besoin d'un service social à plein temps, une prestation à la carte. « Ou même à celles qui estiment n'en avoir pas besoin du tout ; à nous alors de les convaincre ! », lance Muriel Griffond. Nul besoin, pour l'entreprise, d'être adhérente à l'AC.S.I.E ni de cotiser pour recourir au service social : ce dernier peut intervenir à l'heure, à la vacation, à la journée ou demi-journée, sur une mission déterminée. Cette souplesse de fonctionnement a ainsi séduit la Fondation Hôtel-Dieu au Creusot qui a passé une convention avec l'AC.S.I.E pour l'accompagnement des plus démunis à l'hôpital dans le cadre du dispositif de permanence d'accès aux soins de santé. Et ce, malgré l'existence d'un service social. AC.S.I.E a représenté une solution alternative pour la fondation qui ne pouvait embaucher une assistante sociale pour un temps aussi partiel.

Deuxième argument clé pour emporter l'adhésion de leurs clients : une disponibilité qu'ils veulent à toute épreuve. L'AC.S.I.E repose en effet sur une coordination centralisée, assurée par Jean- Yves Berenguel, qui filtre les appels, oriente ou transmet la demande à l'assistante sociale concernée. Le service social est joignable sept jours sur sept. « On peut, par exemple, apporter un soutien immédiat au salarié qui perd un proche pendant le week-end, souligne Jean-Yves Berenguel. On ne traite pas les situations au téléphone mais on peut dire à la personne que, dès lundi, le service social prendra contact pour lui proposer son aide. Cela rassure. » Autre avantage pour le client : la continuité du service. Plus de téléphone occupé, de ligne qui sonne dans le vide ou d'attente obligée entre deux permanences. Il y a toujours quel- qu'un qui répond, en principe Jean-Yves Berenguel, et répercute l'appel sur l'assistante sociale. C'est ce qui permet à Muriel Griffond de pouvoir répondre entre ses temps de présence au service des urgences de la Fondation Hôtel-Dieu et de garder le contact avec le réseau des partenaires extérieurs avec lesquels les liens sont particulièrement importants pour ces usagers-là.

Au départ, les deux professionnels ont démarché chacun les entreprises locales. Muriel Griffond obtient d'abord des missions dans des entreprises de Saône-et-Loire. Jean- Yves Berenguel, de son côté,

s'occupe de la gestion, du développement et de l'informatisation de la société. Le bouche à oreille fonctionne bien au- delà des frontières départementales. Les contrats, en général de un an, renouvelables et fondés sur des conventions d'intervention en fonction d'un véritable cahier des charges, se multiplient aussi dans des départements voisins : le Doubs, puis, la Côte-d'Or, le Jura... Il faut donc recruter. Pas facile, constatent les deux acolytes. « Les professionnels, issus du secteur public dans leur majorité, n'ont pas forcément envie d'adhérer à une logique d'entreprise. Et de prendre le risque de collaborer à un projet qui démarre. »

Un bureau mobile

L'équipe s'étoffe pourtant. Muriel Griffond travaille systématiquement en binôme avec les nouvelles recrues sur le ou les sites concernés pendant quelques semaines avant de leur passer le relais. Salariées d'AC.S.I.E, les assistantes sociales exercent toutes à temps partiel ; leurs missions sont aussi découpées dans le temps selon les besoins des entreprises (deux jours par semaine sur tel site, une demi-journée tous les 15 jours sur tel autre, par exemple...). Condition sine qua non pour faire partie de l'équipe... accepter de ne pas se séparer de l'ordinateur portable et de l'imprimante confiés à chaque assistante sociale dès son embauche, même si l'on n'a encore jamais touché un clavier ! Là réside le troisième point fort d'AC.S.I.E : la création de son « bureau mobile », un logiciel évolutif de gestion des accueils et des permanences conçu au départ par Jean-Yves Berenguel, en fonction des besoins exprimés par ses collègues. « Il a fallu ensuite faire appel à un professionnel de l'informatique qui saisisse notre activité de façon très fine », souligne-t-il. Celui-ci est devenu un permanent d'AC.S.I.E avec lequel le coordinateur social dialogue régulièrement pour apporter des améliorations en fonction des demandes des assistantes sociales. Trois ans de travail pour aboutir à un produit qui offre la convivialité d'une main courante informatisée. Tous les outils indispensables à l'assistante sociale ont été intégrés de manière extrêmement simple de façon à ce qu'une initiation de deux heures suffise à rendre l'utilisateur opérationnel, assure l'équipe.

« Ne pas oublier de rappeler la caisse primaire d'assurance maladie à 15 heures », affiche l'agenda interactif de Muriel Griffond, qui lui permet de gérer son emploi du temps. Fini bien sûr les éternels dossiers papiers, trop facilement accessibles à tout un chacun ou bien introuvables au bon moment, ou bien encore trop denses pour mettre la main tout de suite sur une synthèse datant de un an. Toutes les informations-réceptions, démarches entreprises, historique du suivi des personnes reçues en accueil, contacts internes, externes, ouverture et clôture du dossier, etc. sont retracés et accessibles en quelques clics. Grâce à ses multiples fonctions, le bureau mobile offre la possibilité d'éditer des états sur la situation des personnes reçues, de faire des commentaires, mais aussi des fiches de synthèses personnalisées. Gain d'efficacité là encore non négligeable, l'accès rapide aux statistiques dont les données sont croisées par le logiciel, ce qui transforme le pensum du rapport d'activité en un jeu d'enfant. L'aménagement des menus ne cesse d'ailleurs de progresser : depuis avril, s'affichent désormais calculette en euros, possibilités de déterminer les prestations de la caisse d'allocations familiales, le montant d'une retraite...

Les données sont bien sûr protégées, conformément aux consignes de la Commission nationale de l'informatique et des libertés : pas de réseaux, mot de passe et identifiant personnalisé détenus par les seules assistantes sociales. Seule obligation minimale pour l'utilisateur : rentrer les données, et transporter son matériel avec soi. « C'est un gain de temps et un confort de travail considérables. Lorsqu'un salarié nous interroge, nous pouvons immédiatement lui dire qu'en telle année, nous avons fait telle démarche qui a donné tel résultat. On gagne aussi en crédibilité. D'autre part, les dossiers sont rangés, ordonnés, et les informations accessibles de n'importe quel lieu. Si on m'interroge sur un dossier d'un salarié du Creusot lorsque je suis à Chalon, je peux répondre en temps réel sans attendre de retourner au bureau », assure Muriel Griffond. Résultat ? « On redonne à l'accueil une vraie place sans qu'il soit parasité par des tâches administratives. De plus, le logiciel offre un support d'analyse qui nous permet d'avoir une vision précise de notre activité et du décalage entre ce que l'on pense faire et ce que l'on fait en réalité. »

Autre avantage non négligeable : lorsque l'assistante sociale a besoin d'effectuer une recherche documentaire, elle sollicite Jean-Yves Berenguel par téléphone ou par mail ; celui-ci, grâce à la constitution progressive d'une base de données documentaires et Internet, lui répond dès qu'il obtient l'information. C'est d'ailleurs l'un des projets de développement d'AC.S.I.E : travailler sur la création d'un centre de ressources documentaires géré par le logiciel et de valises pédagogiques sur des thèmes récurrents tels le divorce, la retraite, etc. Outre celui de faire connaître son bureau mobile aux services sociaux d'entreprises de l'Hexagone.

PAULETTE ACKERMANN : « RÉPONDRE EN TEMPS RÉEL »

Paulette Ackermann, 45 ans, a rejoint la société AC.S.I.E, après 15 ans de secteur dans le Rhône et en Saône-et-Loire et un passage en entreprise à l'occasion duquel elle rencontre Muriel Griffond. L'aventure lui a plu et elle travaille désormais à temps partiel sur le site du Creusot auprès d'Alsthom, Usinor, Thermodyn et Framatome. « Bien sûr, la société n'offre pas les mêmes avantages financiers ou de carrière que dans le public ou dans une grande entreprise mais ce n'est pas ce qui m'intéresse. Après tant d'années dans la fonction publique, je trouve que le privé est stimulant : il faut se battre pour emporter des marchés, justifier notre travail, rendre des comptes. J'apprécie le mode de fonctionnement et les outils proposés par AC.S.I.E qui permettent de répondre en temps réel sur un problème de budget familial, d'expulsion locative ou autre. Je ne peux plus me passer de mon bureau mobile alors qu'avant, je n'avais jamais touché à un ordinateur ! De plus, je gagne un temps considérable pour la recherche documentaire et, du coup, je le réinvestis en disponibilité auprès des salariés. » Le travail en équipe ne lui manque pas : « Le contact téléphonique est permanent surtout avec le coordinateur ; de plus, comme je suis plus pointue grâce au plateau technique disponible, je ressens moins le besoin du soutien d'une équipe. » Elle n'est pas inquiète pour l'avenir : elle a confiance dans la capacité de gestion des responsables d'AC.S.I.E.

Dominique Lallemand

Notes

(1)  AC.S.I.E : 28/30, rue Denon - BP 546 - 71100 Chalon-sur-Saône - Tél. 03 85 93 04 44.

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