Plutôt que punir les parents « défaillants » ou se substituer à eux, mieux vaut renforcer la cohésion des familles et les soutenir dans l'exercice de leur fonction éducative. Désormais reconnu comme l'une des orientations des politiques sociales, ce changement d'approche bouscule quelque peu le système de protection de l'enfance et, plus largement, les dispositifs législatifs et réglementaires qui régissent l'attribution des prestations et des aides sociales en imposant des normes de comportements. Il oblige également les travailleurs sociaux à revisiter leurs pratiques et à créer de nouveaux types de relations avec les usagers. Mouvement que, sur le terrain, de nombreux professionnels ont déjà su anticiper à travers la mise en place de projets novateurs. C'est le cas, notamment, de l'action « Reparentalisation » menée à Dieppe, dès 1994. A cette époque, plusieurs travailleurs sociaux intervenant sur un quartier de la ville (éducateurs du foyer Duquesne, éducateurs de rue, assistantes sociales de secteur, puéricultrice de PMI, conseillère en ESF, travailleuse familiale...) décident de mettre en place une action collective et interpartenariale afin de répondre autrement que par la multiplication des mesures éducatives au désarroi de nombreux parents devant les comportements excessifs de leurs enfants. Elaboré en collaboration avec l'Ecole des parents et des éducateurs d'Ile-de- France, et financé dans le cadre du contrat ville, le projet associe dès sa définition les familles comme partenaires. Il s'agit, par le biais de groupes d'échanges, de rencontres à thèmes et de conférences-débats, de permettre aux parents de s'engager librement dans une réflexion sur la fonction parentale.
Mais là où l'expérience est innovante, c'est dans la volonté de ses promoteurs de rompre avec une approche stigmatisante des familles. Plutôt que de répondre à une demande formulée dans le cadre de la relation duelle avec l'usager, l'équipe de Dieppe sort des locaux professionnels pour aller à la rencontre d'un public plus large dont il faut obtenir la participation. Quant aux parents, même s'ils connaissent des difficultés, ils sont « considérés comme les responsables légitimes et irremplaçables de leurs enfants » et sont invités, sans être étiquetés, à participer à une réflexion collective sur l'éducation. C'est cette philosophie qui fait à la fois la richesse du projet, sa difficulté, mais aussi ses limites. Notamment, lorsque le sentiment de honte est si fort que les familles ne parviennent pas à le dépasser et à venir participer aux groupes.
I.S. Travailler avec les parents - Pour une nouvelle cohésion sociale - Georges Falconnet, Reynald Vergnory - ESF éditeur -139 F (21,19 €).