« Les populations immigrées sont les laissées-pour-compte du système local d'attribution » d'HLM, dénonce le Groupe d'étude et de lutte contre les discriminations (GELD), dans un rapport sur les discriminations raciales et ethniques dans l'accès au logement social (1). Publié le 15 mai, il met en évidence une inégalité dans les files d'attente du logement social. « Les immigrés connaissent des délais d'attente moyens beaucoup plus longs que la moyenne des ménages entre le dépôt de la demande et son obtention », constate le GELD. Parmi les emménagés récents en HLM, 75 % ont obtenu un logement dans les six mois. Un ratio qui tombe à 58% pour les familles issues de l'immigration. En outre, 19 % d'entre elles ont patienté au moins trois ans, soit deux fois plus que l'ensemble des ménages. Autant de chiffres qui décrivent des traitements défavorables réservés à des ménages considérés comme « indésirables » parce qu'ils cumulent des critères socio-démographiques appréciés comme des « risques » par les acteurs de la chaîne des attributions.
Pour autant, le problème ne provient pas, selon le GELD, d'une volonté délibérée de discrimination raciale mais peut être, en partie, imputé à la politique de mixité sociale, trop souvent utilisée comme justification pour refuser de nouveaux immigrés. Autrement dit, la volonté de diversifier le peuplement des quartiers à forte concentration d'immigrés a facilité l'exercice de pratiques discriminatoires puisqu'elle a rendu, de fait, possible l'attribution des HLM en tenant compte de l'origine des candidats. En outre, les stratégies d'attributions restrictives pour éviter les concentrations ont accrédité l'idée que ces populations sont « illégitimes » sur ces territoires, rendant par là même leur accueil également problématique dans les autres quartiers.
Le GELD égratigne au passage les préfets, qui rechignent à user de leurs prérogatives en faveur des mal-logés (notamment des contingents préfectoraux) (2) à l'égard des immigrés. Il dénonce également l'attitude des élus locaux, dont le droit de regard sur les attributions « joue souvent dans le sens de la discrimination » de ces populations, sans oublier les bailleurs sociaux, accusés de « cultiver l'opacité du système » pour éviter de se voir imposer des candidats non voulus ( « manque de rigueur dans la gestion interne des fichiers », « information parcimonieuse des réservataires sur les logements vacants », lenteurs administratives, etc.).
Prenant acte de cet état des lieux très critique le jour même de sa publication, la secrétaire d'Etat au logement, Marie- Noëlle Lienemann, demande aux organismes HLM la suppression immédiate des mentions illégales contenues dans les fichiers informatiques et notamment celles ayant trait aux origines des locataires. Elle souhaite, en outre, qu'à l'avenir, les documents types nécessaires à l'accès au logement social soient « revus et unifiés pour que les éléments demandés soient limités aux strictes nécessités de contrôle des critères légaux d'obtention des logements sociaux. ». La secrétaire d'Etat indique également être favorable à la suppression de toute demande de photos dans la constitution du dossier, ainsi qu'à l'interdiction de l'exigence d'une caution de nationalité française.
Elle propose par ailleurs d'étendre les pouvoirs de contrôle et de sanction de la mission interministérielle d'inspection et du logement social, à laquelle l'inspection générale des affaires sociales pourrait éventuellement être associée. L'objectif : « s'assurer qu'une égalité de traitement existe bien entre les attributions dans les quartiers agréables et les quartiers en difficulté ».
Marie-Noëlle Lienemann plaide, enfin, pour que soit rapidement retenu un « indice de la mixité sociale qui pourrait être établi, par quartier, par territoire et par organisme », pour permettre de « rétablir les nécessaires équilibres là où, manifestement, les logiques de ségrégation prennent le pas sur l'intégration ».
S.O.
(1) « Les discriminations raciales et ethniques dans l'accès au logement social » - Note de synthèse n° 3 du GELD - Mai 2001.
(2) Le contingent préfectoral est le droit de l'Etat à proposer des candidats au logement sur une fraction du parc social.