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La commission Bouchet présente sa réforme de l'aide juridictionnelle

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La « remise à plat du système [d'accès au droit et d'aide juridictionnelle] mis en application il y a dix ans [au travers de la loi du 10 juillet 1991] correspond à une véritable nécessité ». Telle est la conclusion du rapport de la commission de réforme de l'accès au droit et à la justice, rendu public le 10 mai. Présidé par Paul Bouchet, conseiller d'Etat honoraire et président d'ATD quart monde, ce groupe de travail avait été installé, en décembre dernier, à la suite de la grève des avocats, par Marylise Lebranchu, ministre de la Justice. Laquelle a rendu hommage à la qualité du travail effectué et s'est engagée à déposer un projet de loi sur ce thème en septembre.

En prélude à toute réforme, la commission considère comme « indispensable » la mise en place d'une structure de pilotage de la politique d'accès au droit et à la justice. Et propose, à cet effet, la création, en remplacement du Conseil national de l'aide juridique, d'un organisme juridiquement autonome dont le directeur assumerait, en même temps, la fonction de délégué interministériel. Cette instance devrait assurer la représentation à parts égales des pouvoirs publics, des professionnels du droit et de la société civile. A ce dernier titre, elle pourrait être composée de personnalités qualifiées nommées sur proposition de différentes instances tel le Conseil national des politiques de lutte contre la pauvreté et l'exclusion sociale. Cet organisme serait ensuite décliné au niveau régional.

Accès à la justice

Soulignant les failles du dispositif de l'aide juridictionnelle depuis son entrée en vigueur, la commission appelle à une réforme en profondeur. Pour mémoire, à côté de l'aide juridictionnelle totale qui offre la gratuité de l'avocat et des frais de justice, existe une aide partielle conjuguant aide forfaitaire de l'Etat et honoraires libres de l'avocat. « Le plafond de ressources limitant l'accès à l'aide juridictionnelle totale est insuffisant », note-t-elle d'emblée. De fait, le barème de cette aide totale permet seulement de toucher 27 % des ménages. Mauvaise note aussi pour l'aide partielle, dont la commission constate l'échec avec un nombre de bénéficiaires correspondant à environ 15 % de ceux de l'aide totale (93 000 pour 606 000 en 2000). Au surplus, cette aide, dans son ensemble, est essentiellement concentrée sur les procédures correctionnelles - 37,3 % des admissions en 2000 - et les procédures devant le juge aux affaires familiales - 27,5 % en 2000. Laissant de côté certains contentieux comme les procédures d'assistance éducative qui peuvent pourtant aboutir à des placements d'enfants (5,9 % d'admissions en 2000), regrette le rapport.

Aussi, tirant les leçons de ce bilan, la commission préconise- t-elle d'abord la suppression de l'aide partielle au profit d'une aide totale élargie. Le plafond de ressources mensuelles pour l'accès à l'aide totale (actuellement de 5 175 F) pourrait ainsi être porté à 6 750 F (ce qui correspond à 120 % du SMIC net pour 39 heures) et la majoration par personne à charge à 1 000 F (contre 588 F aujourd'hui). L'augmentation serait donc de 30 à 40 % selon la taille de la famille. Et le barème proposé pourrait permettre de couvrir un peu plus de 40 % des ménages.

En contrepartie de la disparition de l'aide partielle, un système de prêt à taux zéro pourrait être mis en place pour les personnes dont les revenus se situent entre une fois et une fois et demie les seuils d'admission à l'aide juridictionnelle. Il permettrait aux intéressés d'étaler la charge des frais engendrés par un procès et constituerait « une aide importante pour les classes moyennes ».

Autre suggestion : affiner les règles d'appréciation des ressources lorsqu'elles sont modifiées brutalement à la suite d'un licenciement ou d'un veuvage. Il est également proposé d'exclure l'aide personnalisée au logement de la base de calcul des ressources. S'agissant des mineurs, la commission estime qu'il ne faut pas tenir compte des ressources des parents. Enfin, le rapport recommande d'assurer une instruction plus rapide des demandes, par le recours à une déclaration sur l'honneur pour les ressources et d'améliorer l'accès à cette aide pour les étrangers.

Dans un souci de qualité et de transparence à l'égard du public, la commission Bouchet désire, par ailleurs, rendre obligatoire la remise d'un contrat écrit entre le client et l'avocat. Et préconise, en outre, la rédaction de chartes de qualité, négociées, dans le délai de un an, entre les barreaux et l'instance chargée du pilotage de l'aide juridique. Elles pourraient comporter ainsi des engagements des avocats assurant des missions d'aide juridictionnelle pour le développement d'une compétence particulière dans des matières concernant essentiellement les populations les plus défavorisées (surendettement, assistance éducative...). Avancées qui pourraient venir en réponse à l'amélioration de leur rémunération (en particulier de la prestation intellectuelle fixée à 220 F de l'heure).

Accès au droit

Second volet du rapport, l'accès au droit suppose un effort financier suffisant, estime la commission Bouchet. « L'ordre de grandeur de l'effort total nécessaire peut être évalué à 20 % des crédits qui seraient consacrés à l'aide juridictionnelle rénovée », ajoute-t-elle. Dressant un bilan contrasté du fonctionnement des conseils départementaux de l'accès au droit, elle propose plusieurs pistes pour améliorer le système. Outre la volonté de développer les modes alternatifs de règlement des conflits (conciliation, médiation...), le rapport suggère ainsi « d'affirmer le droit à une consultation juridique d'avocat pour toute personne éligible à l'aide juridictionnelle qui envisage d'engager une procédure juridictionnelle ou de recourir à un mode alternatif de règlement des conflits ». Elle permettrait d'éclairer le bénéficiaire sur la pertinence et les chances de succès de l'action envisagée et d'éviter des procédures inutiles.

Parallèlement, le rapport souhaite développer l'information et le conseil juridique. Ce qui « correspond à un besoin considérable, notamment parmi les populations les plus démunies ». Pour toucher certaines catégories de population, « un réseau de permanences d'accès au droit, implantées dans des lieux judicieusement choisis (centres communaux d'action sociale, centres sociaux, caisses d'allocations familiales, postes, mairies, maisons de services publics, missions locales, locaux de certaines associations...) et clairement signalées dans d'autres lieux de grande fréquentation, pourraient répondre à une grande partie des besoins ». Le rapport rappelle les nécessaires garanties de professionnalisme, de compétence, de disponibilité et de responsabilité que doivent présenter ces différentes structures assurant des activités d'information et de conseil juridiques. Il préconise, à cet égard, la création d'un label de qualité ou d'une procédure d'agrément.

S.A.

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