Le moins que l'on puisse dire, c'est que les mesures sur la protection de l'enfance, présentées par Ségolène Royal (1), sont accueillies très diversement par les associations et professionnels que les ASH ont interrogés. Si tous reconnaissent qu'elles ne sont guère « révolutionnaires », ils divergent sur leur appréciation. « Simple catalogue de bonnes intentions qui reprend pour partie des choses existantes », estime pour sa part Jean-Jacques Andrieux, directeur général de l'Union nationale des associations de sauvegarde de l'enfance de l'adolescence et des adultes (Unasea). Manque d'ambition, relève Claude Roméo, président de l'Association nationale des directeurs d'action sociale et de santé des conseils généraux (Andass). Alors que Jean-Pierre Rosenczveig, président de l'Association nationale des communautés éducatives, y voit « des pistes de travail intéressantes ». Rejoignant Monique Sassier, directrice générale adjointe de l'Union nationale des associations familiales (UNAF), qui juge que c'est un secteur où les solutions ne peuvent pas être révolutionnaires. Et que l'on attend surtout de l'Etat qu'il affirme son rôle de garant, de coordination et de soutien aux professionnels. Objectif plutôt bien atteint, selon elle.
En fait, les plus hostiles à ces mesures, comme l'Unasea, y voient surtout la trace d'une vision archaïque de l'aide sociale à l'enfance (ASE) « maltraitante envers les familles ». « Alors que cela fait 50 ans que les services de l'ASE essaient de trouver des solutions pour les enfants en difficulté », s'irrite Jean-Jacques Andrieux. Particulièrement remonté contre l'objectif affiché par la ministre de réduire le nombre de placements « à ceux strictement nécessaires ». Un jugement néanmoins nuancé par Jean-Pierre Rosenczveig. Lequel relève que la vision du ministère, au fil des concertations avec les associations, a singulièrement évolué par rapport aux stéréotypes initiaux. Même si, reconnaît-il, on peut regretter que la communication de Ségolène Royal s'intitule « Réforme des placements d'enfants et d'adolescents ». Entretenant insidieusement la confusion ASE-placements d'enfants auprès des médias et de l'opinion publique. Signe que les clichés ont la vie dure.
Bon nombre d'associations notent toutefois des avancées positives, comme la volonté de mieux coordonner les services de l'Etat et de renforcer le pilotage des dispositifs de protection de l'enfance en liaison avec les départements. Monique Sassier se réjouit également de l'accent mis sur la prévention et de la volonté de donner davantage de place aux familles. Quant à l'Andass, elle relève avec satisfaction l'élargissement du recrutement des familles d'accueil et « l'exigence plus grande » concernant l'accueil des enfants confiés à l'ASE. Enfin, la Fédération nationale des associations d'accueil et de réinsertion sociale (FNARS) se félicite du lancement d'un programme d'inspections qualitatives.
Néanmoins, des lacunes demeurent. Ce plan ne donne aucuns moyens à la pédopsychiatrie qui souffre pourtant de graves carences structurelles, regrettent l'UNAF et l'Andass. Cette dernière déplorant, par ailleurs, que rien ne soit dit sur « l'augmentation nécessaire des magistrats de la jeunesse, la formation initiale des travailleurs sociaux, la coopération entre les services de l'Etat, en particulier entre la Justice et l'Education nationale », mesures pourtant qui relèvent de l'Etat.
Nombreuses sont les associations qui souhaitent donc aller plus loin. L'UNAF voudrait ainsi voir encouragé le recours aux médiateurs familiaux en cas de placements d'enfants pour dysfonctionnements familiaux lourds. La FNARS souhaiterait, quant à elle, des mesures de maintien dans le logement pour les familles en difficulté et davantage de dispositions novatrices pour prévenir les placements d'enfants. L'Andass réclame « une plus grande ambition » en matière de prévention précoce en développant la coopération entre la PMI et les maternités et en instaurant un suivi psycho-médico-social des mères enceintes. Elle demande également la création de structures innovantes afin de développer les multi- accueils à compétence partagée Etat/ département.
Reste que, pour certains, ces dispositions ne sont guère à la hauteur des enjeux. « Bien sûr, on peut estimer que ces propositions vont dans le bon sens. Mais quelle ambition quand elle se limite à un programme qui vise à stigmatiser les travailleurs sociaux ? », s'emporte Jean-Jacques Andrieux. « Il faut une loi d'orientation ambitieuse sur la protection de l'enfance prenant en compte les évolutions internes depuis la loi du 10 juillet 1989 sur l'enfance en danger », plaide, pour sa part, l'Andass. Laquelle réclame la création d'une délégation interministérielle afin d'impulser une véritable politique en la matière.
Isabelle Sarazin
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