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« Les travailleurs sociaux n'ont pas l'habitude des situations de crise »

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132 communes sinistrées, 1 162 personnes évacuées, tel est le dernier bilan des inondations dans la Somme. A l'hôpital d'Abbeville, l'une des villes les plus durement touchées, une cellule de soutien psychologique (1) a été mise en place dès le début du mois d'avril. Aux côtés des psychologues, psychiatres et infirmiers qui y participent, quelques travailleurs sociaux. Parmi eux, Anne-Sophie Boclet, assistante sociale au service social de l'hôpital d'Abbeville.
Comment, en tant que travailleur social, vous êtes-vous inscrite dans l'action de la cellule de soutien psychologique ?

Le premier travail de l'assistante sociale est un travail d'entretien et d'écoute. Si j'ai souhaité m'investir, c'est parce que je pensais justement être en mesure de répondre, par cette écoute essentiellement, aux premiers besoins. Je me suis donc portée volontaire avec une collègue. Appelées en urgence par les pompiers, les gendarmes, les psychologues, nous sommes intervenues auprès des sinistrés, à leur domicile ou dans les foyers et les centres d'accueil où ils sont hébergés. Sur le terrain, nous avons rencontré des gens qui avaient effectivement un besoin énorme d'être écoutés. Leurs demandes premières consistaient souvent en une aide matérielle : il fallait dis-tribuer des colis alimentaires, livrer un réfrigérateur, fournir des bottes, des pompes. Ensuite, les demandes ont porté essentiellement sur la question du relogement. Beaucoup, d'ailleurs, ne voulaient pas quitter leur maison : il nous a fréquemment fallu les convaincre de le faire.

Cette expérience d'un travail en situation d'urgence a-t-elle un caractère déroutant ?

Elle est déroutante dans la mesure où nous n'avons pas l'habitude, en tant que travailleurs sociaux, d'intervenir en situation de crise. Nous ne sommes pas préparés à cela, et moi encore moins, étant jeune professionnelle. Pourtant, il fallait réagir vite. Quand on vous appelle pour une famille de deux enfants, dont l'un est handicapé, et qu'il faut trouver une solution de relogement adaptée, la réponse doit être immédiate. Mais c'est parce qu'elle exige une évaluation rapide des besoins, une gestion de l'urgence, que l'expérience est formatrice et enrichissante. L'autre difficulté est de faire face à une détresse impressionnante. Une détresse telle qu'il faut constamment rassurer les gens, leur dire qu'on est là, qu'on s'occupe d'eux. Même si la désillusion fait que beaucoup n'y croient plus. Il faut aussi réfléchir à la place des gens, car ils ne sont plus en état de le faire.

La première urgence étant désormais passée, quel va être le travail à accomplir dans les semaines et les mois à venir ?

Nous projetons maintenant d'intervenir dans un groupe de parole mis en place il y a 15 jours à l'hôpital par un psychiatre et un psychologue. Nous réfléchissons, avec deux autres assistantes sociales de l'hôpital, à la façon dont nous pouvons participer à celui-ci. Notre intervention devrait essentiellement consister en une orientation du public. Mais il s'agira aussi d'un rappel des droits, concernant l'assurance des dommages notamment. Ce sera sans doute l'occasion de repérer des situations particulières, avant de passer le relais aux partenaires extérieurs à l'hôpital, en particulier les assistantes sociales de quartier, pour l'aide aux démarches de relogement ou d'assurance. Pour l'instant, la demande sociale n'est pas la principale. On la retrouvera après, quand il n'y aura plus d'eau dans les rues et les habitations. Je pense que lorsque les sinistrés vont réellement s'apercevoir de l'ampleur des dégâts, cela va être catastrophique. On peut s'attendre à ce que les victimes de l'inondation, constatant qu'elles ont perdu leur maison, sombrent dans une détresse encore plus grande. C'est pour cela qu'un travail de préparation est nécessaire. Avec la décrue, le pire est probablement à venir. Propos recueillis par Sandrine Pageau

Notes

(1)  Cellule de soutien psychologique - Centre hospitalier d'Abbeville : 43, rue de l'Isle - 80100 Abbeville - Tél. 03 22 25 57 81.

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