Face à la montée de la délinquance juvénile, deux ouvrages apportent un éclairage complémentaire. Laurent Mucchieli, historien et sociologue, dans Violences et insécurité, dissèque ainsi avec finesse les discours (médiatique, policier, politique, etc.) et les statistiques sur les violences urbaines, et tord le cou à beaucoup de préjugés. Il souligne, par exemple, que la hausse de la délinquance des mineurs enregistrée par les forces de l'ordre depuis 1994 est immédiatement consécutive à une directive du ministère de l'Intérieur visant à mieux recenser les délits des mineurs. Par ailleurs, la moyenne d'âge de la primo- délinquance n'a pas véritablement évolué, démontre-t-il. Avant de tenter de définir les spécificités actuelles de la violence juvénile et citadine, en regard de son évolution depuis les années 50, et de faire des propositions de réforme. Un document précieux pour mieux comprendre les enjeux politiques et sociaux qui se cachent derrière la violence des jeunes.
On regrettera d'ailleurs que l'éducateur spécialisé, Jean-Marie Petitclerc ne tienne pas suffisamment compte de ce regard critique sur les chiffres en abordant « les nouvelles délinquances des jeunes ». Son analyse alarmiste de la délinquance des enfants et adolescents s'appuie, en effet, en partie sur les statistiques de la police et de la gendarmerie qui font apparaître une forte recrudescence des interpellations de mineurs depuis le milieu des années 90 et un rajeunissement des auteurs de violences. Le lecteur s'attardera donc davantage sur les dysfonctionnements de la prise en charge éducative des mineurs en difficulté pointés par l'ouvrage. « La prévention spécialisée n'est plus adaptée à la réalité des grands quartiers urbains », écrit Jean-Marie Petitclerc. Et de souligner le manque de formation des travailleurs sociaux pour aborder des populations multiculturelles, la perte de crédibilité de certains éducateurs spécialisés aux yeux des jeunes, un trop grand « turn-over » et une trop large féminisation dans tous les corps de métiers (travailleurs sociaux, enseignants, juges) qui entourent des adolescents, justement en manque d'autorité paternelle.
L'auteur souligne aussi l'ambivalence des travailleurs sociaux à l'égard des emplois-jeunes, qui menaceraient le secteur social de déqualification, alors que, selon lui leur rôle de médiation est crucial pour rétablir les liens entre jeunes et adultes. Le discours des éducateurs sur le soutien à la parentalité est aussi souvent démenti par des actes qui « désimpliquent » les parents, relève Jean-Marie Petitclerc. Ce dernier achève toutefois cet état des lieux par une note d'espoir, incarnée par l'expérience de son association Valdocco, à Argenteuil (Val-d'Oise). Animation de rue, soutien scolaire ludique, groupes de parole avec les familles et les adultes des quartiers voisins, activités culturelles d'expression, formation des jeunes aux nouveaux métiers de la ville, travaux d'intérêt collectif... L'enfant, considéré comme « auteur de sa propre éducation », est soutenu dans ses trois lieux de vie - famille, école, rue. Jean-Marie Petitclerc envisage également une autre expérience dans les Yvelines : la « Maison de l'espoir » qui ressemblera à un internat plus ouvert que dans la formule classique et permettra une « mise à l'écart transitoire » des jeunes sans provoquer de rupture avec leur lieu de vie. Les éducateurs spécialisés, très mobiles, travailleront à la fois dans le centre et en milieu ouvert dans le quartier de l'adolescent.
P.D. Violences et insécurité - Fantasmes et réalités dans le débat français - Laurent Mucchielli - Ed. La Découverte - 42 F (6,40 € ) ; Les nouvelles délinquances des jeunes - Violences urbaines et réponses éducatives -Jean-Marie Petitclerc - Ed. Dunod - 135 F (20,58 € ).