Conduire une politique du logement au service de « l'urbanité républicaine », « casser les ghettos », « éradiquer les logements indignes ». Autant de formules employées par la nouvelle secrétaire d'Etat au logement, Marie-Noëlle Lienemann, pour présenter ses projets et ses priorités en matière de logement et d'urbanisme. S'exprimant, le 24 avril, au cours de sa première conférence de presse depuis sa nomination, l'ancienne présidente du Conseil national de l'habitat se fixe comme principale mission la mise en œuvre « dans les faits » des dispositifs engagés par son prédécesseur, Louis Besson.
« Les Français ne veulent pas d'une ville à l'américaine », soutient la secrétaire d'Etat. Aussi, afin d'enrayer le phénomène des ghettos, plaide-t-elle pour une accélération de la démolition de certains immeubles ou parties d'immeubles « pour remodeler l'habitat, la ville et les quartiers ». Concrètement, un programme d'action prioritaire d'au moins 15 000 logements démolis sur l'année 2002 (1), dont 10 000 au premier semestre, sera présenté le 25 juin prochain lors du comité interministériel des villes (CIV). Un soin particulier sera apporté à la diversification des formes de logements dans les quartiers en difficulté, notamment en permettant l'accession sociale à la propriété dans des maisons de ville ou des toutes petites résidences. Pourraient être concernés, à ce titre, près de 2 000 logements d'ici à juin 2002.
Par ailleurs, le gouvernement rendra publique, à la mi-juin, une liste des locaux vacants qui seront réquisitionnés pour répondre à des situations d'urgence. Son programme de réquisitions pourra ainsi être mis en application avant la trêve hivernale des expulsions. Seront principalement visés « des opérateurs institutionnels ou des gros propriétaires dans plusieurs endroits de France », a simplement précisé la secrétaire d'Etat.
La relance du logement social, annoncée par Louis Besson le 7 mars (2), exige de « lever la méfiance excessive et anormale de bon nombre de Français » à l'égard des logements HLM, rappelle Marie-Noëlle Lienemann. Elle propose donc le développement de « résidences nouvelles ». Leur originalité : une taille assez petite, pour s'insérer dans la ville, et la diversité des occupants (soit une trentaine de logements, occupés par des jeunes, célibataires ou en couple, des personnes âgées, quelques familles nombreuses, ainsi qu'un ou deux logements d'insertion). En 2001, une centaine de ces nouvelles résidences seraient lancées, réparties dans toute la France, en particulier là où manquent des logements sociaux.
Au-delà des dispositions prévues en matière d'insalubrité et de péril dans la loi de solidarité et de renouvellement urbains (SRU) (3), la secrétaire d'Etat s'est engagée à présenter en septembre un programme d'action prioritaire, premier volet d'un plan pluriannuel (cinq ans) d'éradication de « l'habitat indigne ». Il reposera sur un dispositif opérationnel mis en œuvre dans les départements les plus concernés par l'insalubrité : Paris, Bouches-du-Rhône, Seine-Saint-Denis, Nord, Pas-de-Calais, Rhône. En pratique, des pôles d'intervention ministériels seront chargés de diagnostiquer, de suivre les procédures et de faire réaliser les travaux en cas de substitution de la commune ou de l'Etat au propriétaire. Par ailleurs, des opérateurs tels que les HLM ou la Sonacotra seront mobilisés et les personnels susceptibles de diagnostiquer l'insalubrité au sein des directions départementales des affaires sanitaires et sociales seront renforcés. Il sera également prévu un conventionnement spécifique pour la lutte contre le saturnisme avec les collectivités particulièrement concernées.
Autre thème essentiel pour Marie-Noëlle Lienemann, l'insécurité et l'incivisme dans les quartiers d'habitat social. Elle insiste, à cet égard, sur le rôle majeur que les gardiens ont à jouer et prône une augmentation de leurs effectifs. L'objectif fixé, à court terme, est d'un gardien pour 150 logements (un pour 100 à terme) dans toutes les zones urbaines sensibles et les ensembles collectifs dépassant 500 logements. Cela impliquera un soutien à la formation des gardiens et une redéfinition de leur rôle, voire de leur convention collective.
Enfin, la secrétaire d'Etat envisage une nouvelle méthode de travail, qui passe par la constitution de groupes d'appui aux actions prioritaires composés d'acteurs administratifs et de terrain, en lien avec les cabinets ministériels.
(1) Au lieu de 6 000 par an actuellement.
(2) Voir ASH n° 2205 du 9-03-01.
(3) Voir ASH n° 2195 du 29-12-00.