En mois après les résultats des élections municipales, Lionel Jospin a annoncé, le 12 avril, les « ajustements » de sa politique, à l'issue d'une réunion interministérielle. C'est autour du social, de la sécurité et de la qualité de la vie que sont articulées les orientations gouvernementales, commentées à la télévision par le Premier ministre, le 17 avril. En réalité, elles s'apparentent surtout à une succession de rendez-vous pour les mois à venir, voire à un simple rappel de mesures déjà évoquées. Quant aux marges financières, le chef du gouvernement a procédé à un « léger desserrement de la contrainte des dépenses » en décidant, pour le budget 2002, d'une hausse de 0,5 % en volume (hors inflation), soit une progression de 28,9 milliards de francs par rapport à 2001.
Le gouvernement s'attelle, à nouveau, à la lutte contre l'insécurité. Et, en premier lieu, à la délinquance des jeunes. Aussi a-t-il décidé de renforcer les « capacités d'accueil des dispositifs non carcéraux ». Ce qui se traduit en fait par la poursuite de l'implantation de centres de placement immédiat (CPI) et de centres d'éducation renforcée (CER), déjà décidée lors du conseil de sécurité intérieure de janvier 2001 (1). Au ministère de la Justice, on souhaite mettre en place des comités de pilotage départementaux de suivi pour les CPI et les CER. Et affirmer, dans la réforme de la loi pénitentiaire, le principe de quartiers habilités mineurs et jeunes majeurs jusqu'à 21 ans avec un régime spécifique d'aménagement de la peine. L'accent devrait être porté, en outre, sur les « centres d'activités professionnelles encadrées » pour redonner une perspective d'avenir aux mineurs en situation d'échec . Enfin, l'instauration d'une commission mineurs au sein des juridictions sera préconisée par circulaire en vue de renforcer la concertation locale sur la question des mineurs (délinquants, victimes ou en danger).
Autre volet : les maires devraient être davantage associés à la définition et au suivi des politiques de lutte contre l'insécurité. Ce qui est déjà organisé dans le cadre des contrats locaux de sécurité. Un amendement gouvernemental, en ce sens, sera introduit dans le projet de loi sur la sécurité quotidienne qui sera présenté au Parlement le 26 avril.
De plus, dans « 100 collèges sensibles d'Ile-de-France » sera engagée une « action pilote » pour inciter les personnels à demeurer dans ces établissements grâce, par exemple, à un supplément de rémunération.
Dans un autre registre, le gouvernement a confirmé le doublement de la prime pour l'emploi l'année prochaine (2). Elle sera donc portée, comme annoncé en janvier dernier, de 1 500 F pour un célibataire au SMIC à 3 000 F en 2002.
Autre axe de travail : « permettre à tous les jeunes de trouver leur place dans la société ». A cet égard, un comité interministériel se réunira début mai pour arrêter la suite du dispositif emploi-jeunes. Le programme de lutte contre les exclusions, attendu pour mai, devrait comporter « de nouvelles dispositions améliorant et relançant le trajet d'accès à l'emploi » (TRACE) pour les jeunes les plus en difficulté. A cette fin, une allocation d'insertion devrait être créée « pour assurer à tous ceux qui en ont besoin une sécurité de revenu dans leur parcours d'insertion ». Elle pourrait être de 2 000 F par mois, indique-t-on dans l'entourage de la ministre de l'Emploi (pour mémoire, des aides peuvent actuellement être versées par les fonds d'aide aux jeunes). L'Etat devrait débloquer 1,2 milliard de francs à cet effet et la mesure sera étendue, d'ici à 2003, à près de 160 000 jeunes en grande difficulté.
Quant à l'idée d'une plus grande autonomie de l'ensemble des jeunes défendue par le Plan (3) et le Conseil économique et social (4), elle sera débattue, comme cela était prévu, lors de la conférence de la famille, en juin.
De son côté, l'Agence nationale pour l'emploi (ANPE) mettra en œuvre progressivement, à partir du mois de juillet, un « nouveau dispositif baptisé programme d'action personnalisée pour un nouveau départ », s'adressant plus particulièrement aux allocataires du revenu minimum d'insertion et aux mères isolées. Pour l'heure, son articulation avec le « service personnalisé pour un nouveau départ vers l'emploi » déjà assuré par l'ANPE n'est pas connue (5). Il pourrait s'agir d'un simple renforcement des mesures d'accompagnement instaurées en 1998.
Par ailleurs, pour faciliter le retour à l'emploi des plus démunis, le cumul intégral d'un salaire avec un minima social sera porté de trois à six mois en septembre 2001.
S'agissant de la question des bas salaires, le gouvernement se contente, pour l'instant, de renvoyer à la commission nationale de la négociation collective - qui devrait se réunir le 10 mai - le soin d'améliorer « significativement » la situation. Et d'indiquer qu'il tiendra compte de l'avancée de ces négociations pour un éventuel coup de pouce au SMIC. En ce qui concerne les fonctionnaires, Lionel Jospin doute qu'un accord salarial puisse être conclu (6). « Ce qui ne veut pas dire qu'il n'y aura pas des mesures sur les bas salaires [...] et de points d'indice pour l'ensemble des fonctionnaires pour que le pouvoir d'achat soit garanti. »
Au sujet des plans sociaux, alors que l'actualité se fait pressante, le Premier ministre souhaite également « améliorer les garanties offertes aux travailleurs contre la précarité de l'emploi et mieux contrôler certains comportements d'entreprises en matière de licenciements économiques ». Pour ce faire, Lionel Jospin a évoqué « trois orientations possibles » : renchérir le coût du licenciement pour les entreprises faisant des profits, être plus exigeant en termes de réindustrialisation des zones touchées par les plans sociaux et renforcer les efforts de reclassement. La question sera tranchée lors des débats parlementaires, le mois prochain, sur le projet de loi de modernisation sociale.
Quant au financement des 35 heures, il a été décidé de doubler les crédits affectés au dispositif d'appui et de conseil dans les petites et moyennes entreprises, qui passeront ainsi de 280 à 560 millions de francs en 2001. Un décret devrait paraître « fin avril » sur ce point.
Enfin, une loi portant diverses mesures d'ordre social, dont le vote devrait intervenir avant juin, viendra légitimer les plans d'aide au retour à l'emploi (PARE) (7).
Dernière orientation du gouvernement :améliorer la qualité de la vie et la démocratie de proximité. A cet effet, l'obligation de constituer des conseils de quartiers dans les villes de plus de 20 000 habitants sera intégrée dans le projet de loi sur la démocratie locale qui viendra en discussion au Parlement avant juin.
D'autre part, Jean-Claude Gayssot, ministre des Transports, devrait faire des annonces pour renforcer la sécurité dans les transports publics en juin prochain. Dans le domaine de la politique de la ville, un conseil interministériel de la ville aura lieu « en juin ou en septembre » et pourrait ainsi être l'occasion « d'accélérer et d'amplifier le programme de renouvellement urbain ».
Enfin, pour assurer « l'accès à un logement décent pour tous », en particulier pour les populations défavorisées, un plan de réquisition des logements vacants sera lancé (8). Concernant l'habitat insalubre, un « objectif général d'éradication » sur cinq ans sera fixé dans le droit-fil de la loi solidarité et renouvellement urbains (9).
Autant d'orientations qui ont amené le gouvernement à revoir le calendrier parlementaire. Ainsi, le projet de loi rénovant l'action sociale et médico-sociale ne figure plus parmi ses priorités. Lequel a décidé de renvoyer la suite de son examen à « la prochaine session parlementaire ». Le projet de loi révisant les lois de bioéthique devrait être présenté en conseil des ministres fin mai début juin. De même, celui sur la modernisation de la santé sera « prochainement examiné », assure Lionel Jospin.
(1) Voir ASH n° 2200 du 2-02-01.
(2) Voir ASH n° 2198 du 19-01-01.
(3) Voir ASH n° 2204 du 2-03-01.
(4) Voir ASH n° 2208 du 30-03-01.
(5) Voir ASH n° 2104 du 29-01-99.
(6) Lors de la dernière séance de négociations, les organisations syndicales avaient jugé insuffisante l'augmentation de 0,5 % pour 2000, proposée par Michel Sapin - Voir ASH n° 2199 du 26-01-01.
(7) Voir ASH n° 2192 du 8-12-00.
(8) Voir ASH n° 2118 du 7-05-99.
(9) Voir ASH n° 2195 du 29-12-00.