C'était la première fois et c'est une défaite. Honorable certes, mais une défaite quand même. Nicole Lamoureux-Maillet a du mal à faire le deuil du score de ce 18 mars 2001, qui a vu sa liste gauche plurielle frôler le succès à Reims (200 000 habitants). « Je vois encore les moments forts de la campagne défiler. Je ne pensais vraiment pas que je me serais prise autant au jeu. » Et pourtant, cette formatrice à l'Institut régional du travail social Champagne-Ardenne, âgée de 46 ans, mère de deux jeunes enfants, est désormais conseillère municipale de l'opposition. Une entrée en politique un peu douloureuse mais sans regrets. Ce choix, elle l'a fait il y a environ un an lorsque Adeline Hazan, que nombre de travailleurs sociaux ont connu comme juge des enfants puis au Syndicat de la magistrature, l'a sollicitée. « Sa personnalité a joué très nettement dans mon engagement, d'autant que j'ai pu figurer sur sa liste au titre des personnes issues de la société civile, sans être obligée d'adhérer au PS. » Un clin d'œil en direction de son époux, Jean, ex-éducateur spécialisé, secrétaire de la section locale du parti socialiste, « qui aurait évidemment préféré voir Nicole adjointe au maire ». A posteriori, l'évidence s'installe : ce lien entre engagement professionnel et politique, progressivement construit, est autant une façon de compléter un parcours qu'une « expérience, un test, une autre façon de militer pour restaurer le lien social ». Licenciée en histoire, cette Rémoise d'adoption se forme à l'animation, entre à la direction régionale de la jeunesse et des sports en 1981 comme conseillère technique et pédagogique en éducation populaire, tout en militant activement dans la vie associative : soutien aux associations, actions collectives pour améliorer l'insertion des immigrés... Sa hiérarchie tempère ses ardeurs et la recentre sur la formation des animateurs préparant le DEFA et le BEATEP.
En 1994, elle opte pour un poste de formatrice et se spécialise dans le domaine de la protection de l'enfance. Parallèlement, elle obtient un DESS de développement local qui la « passionne, touche sa fibre militante et crée des ponts avec sa pratique professionnelle ». Ce n'est pas tout : la « cause freudienne » l'a rattrapée. En cours de formation psychanalytique, elle voudrait un jour exercer... à moins que la politique ne l'en empêche. « J'ai dû arrêter cette formation depuis la campagne, faute de temps. » Dispersion ? Cohérence au contraire, explique-t-elle. « Je veux éviter le discours univoque. J'ai besoin de deux jambes pour marcher : la psychologie pour approcher le sujet, la sociologie pour observer les politiques sociales locales. Ce sont les deux bouts de la chaîne. » Et maintenant, le débat politique pour apaiser sa colère : à force d'entendre parler de la souffrance des usagers et de celle des travailleurs sociaux qui « eux, de surcroît, se taisent », elle a souhaité être en quelque sorte « le porte-parole de ce non-dit, même si cela peut paraître prétentieux ». L'envie de tenir un discours que les autres ne peuvent ou ne veulent pas assumer. « La politique n'a pas bonne presse auprès des travailleurs sociaux. Ils s'en méfient a priori . »
Chargée de la lutte contre l'exclusion, appelée à siéger au centre communal d'action sociale, elle sait que sa contribution à « une opposition dynamique, qui active le débat démocratique », exigera une implication forte, un travail de fourmi auprès des habitants et des associations. Prête à la joute politique ? « Avec les plus libéraux, ce sera sûrement conflictuel ; avec les autres, on aura un débat en face à face. » Comme avec cet élu de la majorité municipale... éducateur spécialisé, chargé de la politique de la ville ?
Pour sa première inauguration, elle était la seule conseillère municipale à représenter l'opposition. « C'était un peu difficile », confie-t-elle en souriant. Même pour une « pro » de l'animation.
Dominique Lallemand
L'homme et l'élu l'ont, à l'époque, fasciné. Jean-Paul Pansiot, directeur général de l'Association vosgienne de sauvegarde de l'enfance, de l'adolescence et de l'adulte (AVSEA), a rejoint, en 1995, la liste conduite par Philippe Seguin à Epinal, qui briguait alors un second mandat. « Je n'ai jamais adhéré au RPR mais j'en étais sympathisant depuis longtemps. Et mes collègues et partenaires professionnels ne l'ont jamais ignoré. » Conseiller municipal délégué à la prévention, il a repiqué en 2001, à l'âge de 55 ans, en 19e position sur la même liste, laquelle a remporté, autour du maire sortant, ancien premier adjoint de Philippe Seguin, « un score impressionnant :65 % des voix au premier tour ! »
Originaire de Dijon, titulaire d'un diplôme d'éducateur spécialisé et du Cafdes, Jean-Paul Pansiot arrive à Epinal en 1979 pour prendre la direction d'un foyer éducatif pour adolescentes en difficulté. En 1988, il est conseiller technique à l'AVSEA et responsable d'un service de tutelle aux prestations sociales. En 1991, on lui confie la direction générale de l'association, fonction qu'il occupe toujours. « Lorsque je suis arrivé, j'ai fait connaissance avec une ville qui était à gauche, faisait beaucoup de social - en multipliant les équipements comme les centres sociaux par exemple -mais je ne me préoccupais pas de la vie politique. J'étais complètement absorbé par mon activité professionnelle à travers laquelle j'étais en contact étroit avec les partenaires locaux, y compris les services de la mairie. Je n'adhérais pas à la politique municipale mais j'essayais d'utiliser au mieux ce qui était mis en place dans l'intérêt de mon association et des jeunes. »
Ce qui le frappe à l'époque ? « Le gaspillage. » Les orientations politiques affichées par la nouvelle majorité municipale en 1983 vont, selon lui, y remédier. Progressivement, il découvre le travail accompli par l'équipe Seguin. Pas une révolution, « mais une réflexion de fond qui s'est engagée dans le secteur de l'enfance, des personnes âgées, des personnes en difficulté, avec une remise à plat des fonctionnements et des moyens ». Autre changement qui l'intéresse : l'implication des habitants à la vie de leur quartier, à travers la création de comités de quartier, dont il fait encore partie aujourd'hui. Un exemple qui montre que « la participation des habitants n'est pas forcément une doctrine de gauche et un savoir-faire de gauche », s'irrite-t-il. Voilà d'ailleurs un des arguments qui l'horripile dans le discours de ses adversaires : « La gauche croit toujours qu'elle est seule à faire du social et à bien le faire ! » Une conception qui rend ses adeptes prisonniers d'un parti et d'une idéologie et les conduit à « des accès de mauvaise foi » qui l'agacent fort. Etre taxé, par exemple, de tenant du libéralisme et donc opposé à l'intérêt des salariés...
Lorsque l'adjointe aux affaires sociales, « estimée à droite comme à gauche », ancienne responsable des actions sociales de la CAF, lui propose d'être candidat, il accepte à condition que son engagement politique soit le prolongement de son engagement professionnel. Ce qui lui vaut d'être délégué auprès de l'association de prévention Jeunesse et culture et de représenter le maire dans différentes instances concernant les jeunes. « C'était une suite logique par rapport à mon travail. » Aujourd'hui, après avoir participé, par commissions interposées, au suivi des affaires de la commune, il avoue avoir évolué : « Je pourrais accepter des engagements qui ne soient plus liés à mon travail. » Cette liaison entre activité professionnelle et politique n'a cependant pas pour lui de visée messianique : pas de message à faire passer, ni de mission à remplir. « C'est le citoyen qui s'est engagé. Il n'y a pas assez de personnes qui acceptent d'être bénévoles. J'imagine que d'autres le font à gauche. En tout cas, j'essaie de faire la part des choses. Lorsque je suis là en tant qu'élu, je ne suis pas directeur de l'association. » Pas si simple pourtant, reconnaît-il implicitement. D'ailleurs, avant qu'il ne commence, le président de l'AVSEA lui recommande de faire en sorte que son engagement politique ne nuise pas à l'image de l'association.
Etre de droite dans un monde professionnel qui a plutôt le cœur à gauche ne le gêne pas. « La gauche n'a pas le monopole du cœur », rétorque-t-il aussitôt. Même dans le social. « La preuve : notre capacité à bien gérer a été plébiscitée par les électeurs. » Dans un dossier comme celui de la sécurité qui marque souvent un clivage entre la droite et la gauche, « on a réussi, grâce à des partenariats locaux et à la mise en place de l'aménagement du temps de l'enfant (2) qui a permis aux jeunes d'être constamment encadrés dans des activités culturelles et sportives et, plus tard, de ne pas avoir envie de tout casser, estime Jean-Paul Pansiot. De même aujourd'hui, le nombre d'équipements sportifs, leur amplitude horaire, le développement d'activités encadrées par les jeunes des quartiers sensibles y contribuent sûrement. Quand je vois les budgets, les sommes magistrales dépensées par des villes comme Strasbourg ou Saint-Dié (3) , à plus petite échelle, je suis effaré. Je ne sais pas si c'est une politique de droite, mais en tout cas, les résultats sont là. » De même il affirme ne pas hésiter à travailler avec des villes de gauche, si c'est dans l'intérêt des jeunes. « Je prends sur moi », dit-il en guise de boutade. Mais il agit là dans son rôle de professionnel et non d'élu.
Ses relations de travail avec le terrain et les partenaires ne se trouvent pas affectées par son positionnement public. « Je connais assez les gens pour que l'on discute sans heurt. Je travaille bien, même avec des directeurs qui sont de gauche ! A la réflexion, murmure-t-il pour lui même, est-ce que je n'embellis pas un peu ? Les gens se retiennent peut-être de parler... »
Ses fonctions d'élu lui laisseront à l'avenir sans doute peu de temps pour trouver la réponse : entre participation aux commissions (affaires sociales notamment) et aux délégations (à la prévention, dans un centre social, auprès de conseils d'école, d'un lycée professionnel pour jeunes déficients, etc.), au CCAS comme administrateur, l'agenda est déjà bien rempli. Avec une crainte : ne pas avoir justement assez de temps à consacrer à ses fonctions électives.
D. L.
Pas de suspense. « La liste d'ouverture de la gauche plurielle menée par le maire sortant socialiste de Saint-Martin-Boulogne [Pas-de-Calais, 12 000 habitants] est passée haut la main avec 71 % », oublie presque de préciser Jean-Pierre Godbille, tant le pari était ici gagné d'avance. Issu de cette contrée du Nord, ancrée à gauche, le directeur du service en milieu ouvert (AEMO, enquêtes sociales et investigation, réparation pénale) de la Société de protection et de réinsertion du Nord, à Boulogne-sur-Mer, entame, à 54 ans, son deuxième mandat.
Cinquième adjoint sur dix, « pour avoir dû laisser sa place à une femme et à un communiste », commente-t-il, plus amusé que contrit. Peu importe : cette fois-ci, il a fait mieux. Neuvième adjoint chargé de la politique de la ville, et président du centre social en 1995, il voit s'élargir ses attributions au développement social urbain, contrat de ville compris, et aux actions en faveur de la jeunesse.
Pourtant, cet homme serein, optimiste de nature, « fonctionnant au feeling », tourné vers les autres, n'avait jamais imaginé faire de la politique. « Je ne suis pas un homme de parti », prévient-il, mais quelqu'un « qui prend tout simplement plaisir à apporter des réponses immédiates et concrètes » à ses concitoyens.
Imprégné d'une culture familiale et locale de gauche, il adhère « naturellement » au parti socialiste en 1971, par amitié autant que par conviction. « En s'engageant, on a l'impression d'exister, mais je ne vois pas comment j'aurais pu être de droite » confie avec une certaine candeur celui qui revendique « un esprit d'ouverture », et de « bons amis dans l'opposition ».
Cette même année, il obtient son diplôme d'éducateur spécialisé. Et entre à la Speren où il fera toute sa carrière, après avoir passé le Cafdes, non sans douleur. « J'aime le concret. Je préférais le terrain (de foot ou de rugby) aux études », n'hésite pas à reconnaître ce sportif inconditionnel, qui s'adonne au tennis, au vélo et au jogging.
Il ne manquera pas l'occasion de coller à la vie locale lorsque le maire « vient le chercher » en 1995. « C'était confortable : je ne demandais rien, les attributions qu'il me proposait correspondaient à mes compétences. » Avant d'accepter, Jean-Pierre Godbille hésite pourtant. « J'ai voulu savoir à quoi je m'engageais. Je n'aime pas les conflits. Je n'avais pas envie de jouer les tueurs. »
Paradoxe ? Pas pour lui ; il sait qu'ici la vie politique locale est tranquille, les rapports avec l'opposition presque harmonieux. « Les enjeux locaux n'ont rien à voir avec le niveau national. » Pas d'affaires, pas ou peu de rivalités. Et puis cela tombait bien : « Je m'essoufflais un peu dans mon travail. »
Son mandat lui sert vite de tremplin « pour faire passer quelques idées » qu'il tire de son expérience d'éducateur : « L'embauche d'animateurs plutôt que de policiers si l'on veut enrayer le sentiment d'insécurité. » Au cœur de son projet, « un rapport de proximité, à l'écoute des habitants pour travailler sur le lien social. Le message passe », constate-t-il, non sans fierté. D'autres dossiers lui tiennent à cœur parmi lesquels la création d'un conseil municipal des enfants qu'il regrette de ne pouvoir suivre de plus près, la réalisation d'un cyberespace avec les jeunes- « un moment d'émotion » lorsque ceux-ci ont déballé le matériel qu'ils avaient commandé -, le lancement d'un pôle insertion emploi pour les 16-25 ans, le projet d'une piste de skate-board...
« Avec le recul, je crois que mon premier mandat a ressourcé ma vie professionnelle. J'ai eu l'impression de mettre en pratique des choses que je ne pouvais pas réaliser. Dans une ville, les gens ont besoin d'une réponse immédiate. On peut agir vite ; c'est gratifiant. » Inversement, il a eu envie - un peu trop ou trop vite - de s'inspirer des projets et des méthodes du centre social qu'il préside pour apporter du sang neuf à son propre service. « Certains m'ont dit que je les assommais avec “ma” mairie. » Pas forcément simples, ces « allers et retours » avec son équipe lui donnent néanmoins le sentiment d'avancer. Davantage encore pour le prochain mandat. « J'ai l'intention d'utiliser mes fonctions pour faire reconnaître le travail éducatif et social. Par exemple, solliciter les conseillers généraux que je rencontre et leur expliquer les enjeux de notre secteur d'activité qu'ils connaissent mal », ce qui agace, une fois n'est pas coutume, cet homme tranquille. Et qui sait le rester : conjuguer vie personnelle, professionnelle et politique ne lui pose aucun problème. « Je vais davantage à l'essentiel ; je concentre mes obligations municipales sur mon champ de compétences, sans chercher à déborder. Le jour où je ne trouverai plus de plaisir dans ce que je fais, je claquerai la porte. »
De troisième mandat, il affirme qu'il n'y en aura pas. Dommage : ce sera l'heure de la retraite, lui a déjà soufflé son épouse. « En 12 ans, on a eu le temps d'apporter le maximum de soi-même », assure-t-il... Sauf si le maire sortant est en panne de gens compétents. « Cela me ferait mal au cœur de voir ces attributions confiées à quelqu'un qui n'y connaîtrait rien. »
D. L.
Nicole Martin connaît bien la mairie de Saint-Maurice, dans le Val-de-Marne. Assistante sociale polyvalente de secteur de la caisse d'allocations familiales (CAF), son bureau est installé dans des locaux mis à disposition par la commune, jouxtant l'hôtel de ville. Nicole Martin n'a donc que quelques mètres à parcourir pour rejoindre la salle du conseil municipal, où, depuis le 11 mars, elle siège sur les bancs de l'opposition municipale. Candidate pour la première fois, sur une liste de la gauche plurielle, cette adhérente au PS a été élue conseillère municipale (4) lors d'une élection remportée haut la main, dès le premier tour, par le maire sortant.
Nicole Martin connaît bien le maire de Saint-Maurice. Entamant son troisième mandat, Christian Cambon (DL) a été élu pour la première fois en 1989, l'année où l'assistante sociale a pris ses fonctions dans la ville. Celui-ci a très mal vécu la candidature de Nicole Martin. Le dimanche 4 février 2001, en campagne électorale sur le marché, il l'a « gentiment interpellée », raconte la toute nouvelle conseillère municipale : « Il m'a dit que ce n'était ni ma place, ni bien ce que je faisais là..., que ma hiérarchie serait fort mécontente de savoir ce que je fais... ». En réaction, la candidate adresse au maire une lettre ouverte, signée « Citoyenne Nicole Martin », dans laquelle elle pose notamment la question suivante : « Militantisme et professionnalisme du travailleur social sont-ils incompatibles ? » Son courrier est, à ce jour, resté sans réponse. En revanche, l'assis- tante sociale a, depuis, été convoquée par sa direction !
Nicole Martin connaît bien les habitants de Saint-Maurice. Responsable d'un des deux secteurs de cette commune de la proche banlieue parisienne (12 000 habitants), elle a côtoyé nombre d'entre eux. C'est cette parfaite immersion dans la vie locale qui a conduit la tête de liste de la gauche plurielle à demander à l'assistante sociale de se présenter aux élections municipales. Une proposition accueillie avec enthousiasme.
D'abord professeur de collège, Nicole Martin, aujourd'hui âgée de 51 ans, a attendu que ses deux enfants « soient grands » pour entreprendre une formation d'assistante de service social. A sa sortie de l'IRTS de Paris, diplôme en poche, elle intègre la CAF du Val-de-Marne. En poste à Saint-Maurice depuis lors, l'assistante sociale découvre des familles en grande difficulté.
« Il y a trop d'inégalités, trop d'injustices, constate-t-elle. Et l'exercice du travail social se révèle difficile, car de plus en plus réduit à une relation de type instrumental, soumis à des logiques gestionnaires. » Très vite, Nicole Martin touche les limites de l'action sociale. « Des fois, on ne peut pas aider ; l'assistante sociale ne peut pas régler tous les problèmes. Alors je conseille aux familles d'aller voir le chef du village, le maire. En ce sens, je suis militante et professionnelle en même temps. »
C'est bien cette « insatisfaction professionnelle » qui va pousser l'assistante sociale à entrer en politique, « à passer de l'autre côté pour devenir un contre-pouvoir ». Pour elle, pas d'ambiguïté : son engagement politique est le prolongement de son engagement professionnel. « Le travail social forme la conscience politique et donne, un peu plus chaque jour, des raisons de militer : c'est ma clause de conscience », écrivait la « Citoyenne Nicole Martin », dans sa « Lettre ouverte à monsieur le maire ». « C'est elle qui m'empêche d'accepter l'inacceptable : l'administration qui ne respecte pas les droits des personnes, le non-respect de la dignité humaine, les bailleurs voleurs- marchands de sommeil, les malades sans couverture maladie universelle, sans soins, les étrangers stigmatisés, les fichiers organisés... »
Elue d'opposition, Nicole Martin n'aura guère la possibilité d'influer sur la politique sociale conduite par la municipalité. Aussi va-t-elle orienter son action en direction de la population mauricienne. Dans son entreprise, l'assistante sociale sait pouvoir compter sur le soutien de nombre d'usagers : « “On a voté pour vous”, me disent-ils quand ils me croisent dans la rue ou sur le marché de Saint-Maurice. » Son ambition ? « Donner plus de sens politique à la question sociale », mais aussi « élaborer de nouveaux projets de solidarité dans le cadre d'une véritable démocratie locale ».
« Je suis partisane d'une approche globale de proximité car les familles sont perdues. Elles ne comprennent pas la multiplicité des intervenants sociaux, poursuit Nicole Martin. Il convient également d'opérer, au niveau local, des choix politiques en faveur des jeunes. » Enfin, forte d'un DESS en développement territorial et gestion en ressources humaines, la nouvelle conseillère municipale est convaincue qu' « il faut avoir une approche économique du social ».
« Le travail social a pour efficacité symbolique la faculté de recréer du lien et des conditions d'appartenance des individus à la société, aussi le travailleur social ne peut pas être un pur bureaucrate qui applique des règles et des procédures au risque de passer à côté d'une réelle demande et souffrance des personnes », insiste Nicole Martin, en regrettant la faible mobilisation de ses collègues, et plus généralement des travailleurs sociaux, lors des dernières élections municipales. Et l'assistante sociale de revendiquer clairement son versant « rebelle » : « Arrêtons d'être dans le plein pouvoir vis-à-vis des usagers et attaquons le vrai pouvoir. Nous devons, à la fois, répondre à nos missions professionnelles et interpeller le pouvoir. Il faut combattre le système institutionnel, ne pas se soumettre. »
Comment explique-t-elle cette « soumission » ? « Il n'y a pas assez de réflexion sur la culture professionnelle. Le social est éminemment politique et ne va pas sans l'économique. Or, les professionnels du social se complaisent trop dans le social et l'assistance. » Un verdict sans appel. Quoi qu'il en soit, Nicole Martin prépare déjà les prochaines élections municipales, qui auront lieu en... 2007.
Jean-Yves Guéguen
(1) Voir ASH n° 2165 du 5-05-00.
(2) Epinal a été l'une des villes pilote pour mettre en place ce dispositif.
(3) Strasbourg était détenue par la gauche avant les dernières municipales. Saint-Dié est, elle, restée à gauche.
(4) Sa liste a obtenu 26,2 % des voix et quatre sièges, dont un est occupé par une éducatrice de jeunes enfants.