Le paradoxe est de taille : malgré la croissance économique, « la pauvreté ne recule pas, les situations de grande détresse persistent, certaines s'aggravent », s'alarment les 40 organisations regroupées au sein d'Alerte (1). En dépit des « avancées significatives » de la loi de lutte contre les exclusions et de la couverture maladie universelle, des efforts restent à faire face aux inadaptations, résistances, lenteurs administratives... « Pour vaincre l'exclusion, une volonté politique et des engagements budgétaires significatifs sont indispensables », martèlent les associations. « Il ne s'agit pas simplement d'améliorer à la marge des situations de précarité, mais bien d'éradiquer la pauvreté et l'exclusion sociale. »
Aussi, après avoir dressé un bilan contrasté de la mise en application de la loi de juillet 1998, le 23 mai dernier (2), le collectif Alerte se retrouve-t-il à nouveau pour présenter au gouvernement ses propositions dans la perspective du deuxième programme de lutte contre les exclusions que la France doit soumettre en mai à ses partenaires européens. C'est ainsi que dans un document rendu public, le 4 avril, il formule une série d'orientations regroupées autour de cinq axes, renvoyant au gouvernement l'image en creux de la loi de lutte contre les exclusions, celle vécue sur le terrain, loin des discours parisiens.
Premier constat : il ne suffit pas de proclamer des droits, encore faut-il que les bénéficiaires les connaissent et y accèdent. Et là, le hiatus reste de taille. La campagne d'information annoncée et reportée en 2001 doit être l'occasion de pallier ce déficit d'information, souligne le collectif. Lequel vise également « un changement culturel » des administrations et organismes de sécurité sociale par la mise en place d'un plan de formation conjoint des personnels. Autre priorité qui implique là aussi une évolution des mentalités : aller au-devant des personnes exclues. A cet égard, les associations suggèrent d'envoyer des équipes mobiles dans les lieux d'accueil afin d'ouvrir les droits sociaux aux personnes.
Deuxième axe à intensifier :l'accès à l'emploi. « Les financements de la politique de l'emploi doivent être dirigés avec plus d'intensité sur les publics les plus éloignés de l'emploi, mais ne sauraient être diminués », estime le collectif, pour qui le rythme de 5 milliards de francs par an (prévu par le programme 1998/2000) doit être maintenu. Et de réclamer également « une ressource sûre et pérenne » pour tout jeune entrant dans un parcours d'insertion ou encore « l'affirmation d'un droit à l'accompagnement » en développant les mesures existantes, les politiques de garde d'enfants et de transport... « Ce sont bien aux services administratifs et sociaux de tout mettre en œuvre pour qu'un financement puisse correspondre à l'accompagnement », défendent les associations. Elles insistent également sur le développement des formations initiales de niveau V dans le secteur sanitaire et social afin d'offrir un éventuel débouché aux personnes en difficulté et sur la création des conditions « d'un véritable droit à l'initiative économique » pour ces publics.
Bien évidemment, la question des ressources n'est pas oubliée. Outre une augmentation « significative » des minima sociaux, le collectif dresse une liste de mesures à prendre pour assurer la continuité des revenus et des droits lors des changements de situations professionnelle, administrative ou familiale. Par ailleurs, « l'accès au logement, à la santé, l'éducation, la justice, la protection de l'enfance n'est toujours pas assuré », répètent les associations. Qui là encore égrènent une série de dispositions à décider pour faire sauter les verrous existants.
Enfin, la loi de lutte contre les exclusions a pris des mesures importantes en matière d'urgence sociale, notamment en élargissant le champ de l'intervention de l'aide sociale Etat. Pourtant, outre le fait que le décret sur les centres d'hébergement et de réinsertion sociale n'est toujours pas publié, le dispositif de veille sociale n'est pas encore effectif dans bon nombre de départements. Parmi ses suggestions, le collectif invite à repenser les fonctions et modalités d'exercice du 115 et à développer dans plusieurs régions des plans stratégiques pour 3 ans en vue d'améliorer les possibilités d'accueil et d'hébergement des sans abri. Mais le plan devra aussi permettre à l'Etat de respecter le droit d'asile, souligne le collectif, revenant à nouveau sur les conditions d'accueil déplorables des candidats au statut de réfugié.
I.S.
(1) C/o Uniopps : 133, rue Saint-Maur - 75541 Paris cedex 11 - Tél. 01 53 36 35 00.
(2) Voir ASH n° 2173 du 30-06-00.