On peut ironiser sur « l'activisme » de la ministre déléguée à la famille, à l'enfance et aux personnes handicapées qui multiplie à l'infini les groupes de travail. Il n'empêche, la « méthode » Royal a le mérite d'associer très largement experts, partenaires institutionnels et responsables associatifs. Et de faire progresser, au-delà des seuls aspects techniques, la réflexion de fond. A cet égard, le groupe de travail Famille et pauvreté ne déroge pas à la règle (1). « On a eu une écoute extrêmement attentive. C'est quand même assez rare qu'un ministre s'appuie sur les propositions techniques des associations et ne se contente pas de mesures décrétées entre les quatre murs de son cabinet », se félicite Rina Dupriet, vice-présidente de l'Association nationale des directeurs d'action sociale et de santé des conseils généraux (Andass).
Toutefois l'exercice de la concertation a ses limites. De fait, bon nombre des 33 propositions n'ont pas passé le cap des orientations politiques. Même si les partenaires entendent bien les défendre à nouveau dans le cadre de la conférence de la famille. Certes, Ségolène Royal a réaffirmé la volonté du gouvernement de faire coller le droit à la réalité des familles et d'assurer la continuité de leurs ressources. Elle a pris des engagements qui, « s'ils ne sont pas spectaculaires », peuvent faire avancer les choses, se réjouit Rina Dupriet. On ne peut qu'applaudir à la volonté de mobiliser le service public d'aide aux familles lors de la prochaine convention d'objectifs et de gestion avec la caisse nationale des allocations familiales. Par ailleurs, l'Andass s'estime satisfaite d'avoir été entendue sur la mobilisation des crédits d'insertion du RMI en faveur de tous les membres de la famille, sur la possibilité d'étendre après la troisième année de l'enfant la prise en charge des familles par les centres de protection maternelle et infantile et sur la concrétisation d'un « reste à vivre » sous la forme d'un compte protégé, par exemple.
Pourtant, certaines des orientations traduisent une différence de perception entre la ministre et certaines associations. Par exemple, l'Union nationale des associations familiales (UNAF) exprime des réserves sur « les attaques » de la ministre contre les organismes de crédit et la confusion entretenue entre crédit et surendettement. « On ne voit pas pourquoi les familles pauvres ne bénéficieraient pas elles aussi d'un accès au crédit », défend Monique Sassier, sa directrice générale. Qui plutôt que de vouloir « moraliser » les pratiques des organismes plaide pour une co-éducation entre ces derniers et les familles.
Par ailleurs, la ministre semble avoir une approche du travail social pour le moins réductrice. Attention à ne pas l'appréhender uniquement sous l'angle de la dimension familiale, même si la formation doit évidemment tenir compte des nouvelles configurations familiales. De même, si Ségolène Royal revient sur l'urgence de donner des moyens au secteur, elle ne va guère au-delà. Et ne rebondit pas sur l'idée défendue par l'UNAF de repenser le travail social à l'aune des nouvelles technologies. Alors que l'organisation y voit « un moyen nouveau de médiation et de réinsertion mais aussi un outil susceptible de rendre plus efficace le travail social » en le recentrant sur la personne.
Enfin, exit toutes les préconisations sur la santé, l'insertion, la culture, le logement... Domaines qui, il est vrai, ne relèvent pas de la compétence de la ministre. Mais au-delà, regrette Marie- Cécile Renoux, chargée de la question des familles au secrétariat général d'ATD quart monde, l'action publique ne réussit toujours pas à dépasser le catalogue de mesures. Et elle réclame qu' « on se donne les moyens d'expérimenter le partenariat mis en place sur certains territoires avec les plus pauvres ».
Isabelle Sarazin
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