« Ségolène Royal, ministre déléguée à la famille et à l'enfance, a présenté, en janvier dernier, un projet de loi, après aval du Conseil d'Etat et du conseil des ministres, qui aménage le régime de l'accouchement dit “sous X”, tout en instituant un droit d'accès aux origines. La clé de voûte de ce projet est en effet la création d'un Conseil national d'accès aux origines personnelles, qui aura trois missions principales : le recueil des demandes émanant d'une des parties concernées (demande d'accès à l'identité des parents, demande de levée du secret ou demande de “rapprochement” formulée par des membres de la famille biologique - frères et sœurs, grands-parents...), la recherche des parents de naissance et la mise en œuvre d'une médiation pour faciliter les retrouvailles lorsqu'elles sont légalement possibles.
Ce texte a, jusqu'à présent, comme d'ailleurs tous les débats qui touchent à la question de l'accouchement “sous X”, suscité des réactions assez contradictoires. Pour les uns, il est trop “timide”, puisqu'il n'oblige pas les mères à laisser leur identité. Pour les autres, il va trop loin, puisqu'il serait inutile de réformer la loi Mattéi qui donne déjà accès à l'histoire de l'enfant et à des renseignements non identifiants sur ses parents de naissance, tout en permettant à ceux-ci de lever le secret de leur identité lorsqu'ils le souhaitent. Mais la loi de 1996 est encore très mal appliquée, tant pour des raisons pratiques que juridiques, et ses décrets d'application n'ont jamais été publiés.
En réalité, la réforme envisagée est nuancée parce qu'elle a enfin conçu un équilibre entre les droits de toutes les parties concernées : les parents de naissance, les personnes en quête de leurs origines et les parents adoptifs. Cet équilibre répond à une formule célèbre consacrée en matière de liberté, mais aisément transposable : “Les droits des uns s'arrêtent là où commencent ceux des autres”. Il suffit de se reporter au contenu du projet pour se convaincre de ce que la réforme projetée est celle de la juste mesure.
Ceux qui souhaitent une disparition pure et simple de l'accouchement “sous X” nient le droit des mères à demander la préservation du secret de leur identité lors de la naissance, pour des raisons qui leur appartiennent et que nul ne peut juger. Pour cette même raison, il était important que soit maintenu le principe suivant lequel la levée du secret devait résulter d'un acte de volonté libre et éclairé. Le projet de Ségolène Royal constitue une avancée, tout en respectant ce principe, puisqu'il permet que le conseil, saisi d'une demande en ce sens, recherche les parents de naissance qui n'ont pas déjà demandé à lever le secret, pour qu'il fasse connaître leur nouvelle volonté, ou qu'ils maintiennent leur demande initiale.
Plutôt que de se faire fervent artisan de la contrainte, il faut saluer un système dont on est en droit d'espérer qu'en faisant ses preuves, c'est-à-dire en suscitant la confiance des parents de naissance, il les conduise à être de moins en moins nombreux à demander le secret de leur identité et à décider de le maintenir. De plus, en instituant un “guichet unique” pour la réception des demandes de levée de secret, le projet garantit l'effectivité de ce droit, qui est encore difficile à exercer, faute pour les parents de pouvoir identifier précisément l'organisme qui avait recueilli leur enfant.
Le projet étudié permettra, par ailleurs, à la France de se conformer à ses obligations internationales en reconnaissant officiellement l'existence d'un droit aux origines, dont la définition est largement étendue, puisqu'il concerne non seulement l'accès à l'identité des parents de naissance, mais également un “rapprochement” avec les membres de la famille biologique qui en auront fait la demande au conseil. Ce dernier point était particulièrement attendu dans le milieu associatif car, jusqu'à présent, il était impossible d'accéder à de quelconques informations concernant ces “proches”, ce qui empêchait, en particulier, des fratries de se retrouver.
Enfin, il est difficile de regretter que le projet n'affecte pas l'adoption plénière car il respecte ainsi la place de chacune des personnes qui président à l'histoire de l'enfant adopté. Les liens juridiques de la filiation consacrent les liens du quotidien ; le droit d'accès aux origines permet de mettre un nom et une histoire sur ceux qui lui ont donné naissance.
En définitive, ceux qui, comme le Mouvement des “X en colère”, revendiquent un droit aux origines “à tout prix” se contentent d'une vision unilatérale et égoïste de la question. Leurs actions extrémistes sont totalement déplacées : elles vont à l'encontre de l'objectif de retrouvailles sereines et réussies et culpabilisent les parents qui ont demandé le secret de leur identité au point qu'ils ont peur de lever le secret.
Il est essentiel, au contraire, de mettre le projet de Ségolène Royal en perspective : il propose un équilibre équitable entre les droits des parents biologiques, ceux des enfants remis à leur naissance à un organisme public ou privé et ceux des parents adoptifs. Il aménage donc un système qui faisait une part trop grande aux droits des femmes à accoucher dans le secret au détriment des intérêts légitimes des autres parties concernées. Il est moralement inacceptable de se contenter de lui substituer un autre déséquilibre, au profit, cette fois, des droits des enfants. »
Georgina Souty-Baum Présidente du MNDA Maison Bidaïnia - 64220 Ispoure -Tél. 05 59 37 27 34.
(1) Voir ASH n° 2193 du 15-12-00 et n° 2198 du 19-01-01.