En premier lieu, il mène bien sûr une action clinique auprès des usagers. Ensuite, il réalise un travail d'accompagnement et de régulation des équipes, il aide à l'analyse des pratiques et des relations entre professionnels. Enfin, le psychologue possède un rôle institutionnel, qui consiste à éviter que les structures perdent leur dynamisme en s'enfermant dans une répétition mortifère ou dans une relation fusionnelle des équipes, par exemple. Malheureusement, cette dernière fonction est beaucoup moins mise en valeur qu'il y a 20 ans. J'explique ce phénomène par l'influence croissante, dans le secteur de l'action sociale, d'un modèle de gestion comptable, qui impose une recherche de la prestation au moindre coût. L'instauration des 35 heures renforce la chasse aux gains de productivité. Les conseils d'administration des associations demandent donc aux psychologues d'adapter les usagers à l'institution et de faire un travail d'évaluation au détriment de la quête de sens et du questionnement- parfois douloureux - sur le fonctionnement des institutions.
En effet, dans le cadre de l'informatisation de l'action sociale, par exemple, on attend de plus en plus des éducateurs spécialisés et des assistants sociaux qu'ils remplissent des grilles d'évaluation, bref qu'ils se transforment en enquêteurs, alors qu'ils sont là pour faire de l'accompagnement social. Certains travailleurs sociaux sont en quête de sens, de réflexion par rapport à cette « technologisation » de la souffrance humaine, mais aussi face à la psychiatrisation de la pauvreté ou à la précarité croissante. Et les psychologues peuvent aider chacun d'entre eux à comprendre la complexité humaine et à retrouver la part de lui-même dans ses relations avec les usagers. Je pense cependant qu'il existe une certaine ambivalence des travailleurs sociaux à l'égard de notre profession. Ils peuvent avoir du mal à supporter que les psychologues pointent certaines dérives dues à la logique gestionnaire. Parce qu'ils sont pris dans cette demande sociale et doivent y répondre.
Comme ils sont souvent seuls et à temps très partiel dans les institutions, il est difficile pour eux d'y résister, ils risquent de s'isoler encore davantage. Par ailleurs, les psychologues vivent souvent mal la mise en place des 35 heures : les temps de recherche d'information, d'échange avec les collègues, de réflexion et d'élaboration ne sont plus considérés comme des temps de travail effectifs, et cela revient à nier leur spécificité.
On estime qu'entre 2006 et 2014, environ 40 % des psychologues (soit 14 000 personnes) en activité aujourd'hui vont partir à la retraite. Comment vont-ils être remplacés, en particulier dans un contexte de réduction des coûts ? Les postes institutionnels classiques seront-ils préservés ou redéployés ? Il existe un risque réel que le métier de psychologue soit moins bien défini, que beaucoup de professionnels d'horizons divers se mettent également « à l'écoute » et que certains mélanges des genres s'opèrent. Propos recueillis par Paule Dandoy
(1) A la Mutualité : 24, rue Saint-Victor - 75250 Paris cedex 05 - Contact organisateurs : Bernard Hazard - Tél. 03 22 53 01 26.
(2) Jean-Marie Lecointre travaille au centre médico- psycho-pédagogique et au centre d'action médico-sociale précoce d'Angoulême. Il a été également secrétaire général du Syndicat national des psychologues de 1996 à 2000.